12.

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A son arrivée à la boutique le lendemain matin, Grace remarqua aussitôt que quelque chose n'allait pas. Son amie avait les yeux rougis et s'était habillée d'un pull XL dans lequel elle semblait se cacher plus qu'autre chose, son sourire sonnait faux et ne gagnait pas ses yeux et elle était allée retoucher son crayon trois fois. La blonde n'avait rien dit mais elle avait bien vu que le léger trait habituel était plus épais... si le but était de cacher son regard, c'était raté car c'était même tout l'inverse. Elle n'avait pas le sentiment d'avoir son amie de vingt-deux ans, mais une adolescente de quatorze ans mal dans sa peau qui se cachait dans des habits trop larges pour elle.

De plus, Victoria qui ne refusait jamais un café ou un thé n'en but aucun ce jour-là, préférant aller s'acheter un chocolat chaud dans un café proche. Elle qui adorait manger des chocolats n'en toucha aucun. Grace l'avait observée pendant deux longues heures, tentant de voir ce qui n'allait pas. Peut-être s'était-elle de nouveau disputée avec Timothée et ils ne se parlaient plus... Mais si tel était le cas, elle l'aurait dit, non ? Il s'était passé quelque chose pendant le week-end et plus la française restait silencieuse, le regard parfois fixé dans le vide et perdu, plus Grace s'inquiétait.

- Bon, Victoria, dis-moi ce qu'il se passe.
- Rien. Rien, pourquoi ?
- Vic' t'as les yeux dans le vague quasiment tout le temps, tu portes un pull dix fois trop large alors qu'on est en plein été et qu'on meurs de chaud. T'as mis trois fois trop de crayon et tes yeux sont rougis... Donc soit t'es stone, soit il s'est passé quelque chose.
- Non. Non je suis pas, stone. Non c'est juste... C'est rien.
- C'est en rapport avec Timothée ? À la simple évocation du bouclé elle vit la bouche de son amie se tordre et ses yeux rougir encore plus. Oh non Victoria ne me dis pas que...
- Non ! Elle la coupa vivement. Non je ne l'ai pas rejeté, elle prit une grande inspiration, c'est rien ne t'en fais pas. Ça m'arrive parfois, ça va passer, elle força un sourire.
- Tu sais que tu peux me parler si ça ne va pas ? Victoria hocha la tête, vraiment peu importe l'heure ou l'endroit, ma porte t'es toujours ouverte.
- Merci Grace. Vraiment. On peut juste... changer de sujet ? J'ai pas envie de pleurer, je l'ai suffisamment fait ce week-end.

Grace hocha la tête et commença à lui raconter ses exploits culinaires lorsqu'elle était adolescente. Cela eut le mérite de faire sourire la brune jusqu'à la faire carrément rire, faisant sourire la blonde qui se dit que sa mission était accomplie. Le midi elle refusa de la laisser manger seule et prendre le risque de retomber dans ses pensées, elle décida donc d'aller avec elle dans une sandwicherie proche. Elle continua de lui raconter toutes sortes d'anecdotes drôles, préférant la voir pleurer de rire que de tristesse. Et Victoria se dit qu'elle avait bien de la chance d'avoir une amie comme elle.

Ce soir là, la brune était dans son lit en train de remonter son fil d'actualité Twitter, avant de décider d'aller se perdre un peu sur Instagram. Elle alla dans les suggestions et, évidemment elle eut beaucoup de photos du bouclé. Au moins l'algorithme de l'application fonctionnait bien. Elle aima ou enregistra quelques photos, en partagea dans sa story ou au bouclé directement lorsqu'elles étaient drôles. Puis elle vit des photos des années passées, lorsqu'il allait au Madison Square Garden voir des match de basket, à des concerts ou festivals et qu'il avait à la main un gobelet de rhum coca.

Quelque chose se réveilla une nouvelle fois au fond d'elle. Ce gobelet la gênait. Elle ne savait rien de sa consommation d'alcool – fort ou non –mais elle avait un rapport assez... compliqué avec ce liquide. Timothée était jeune et elle avait peur qu'il finisse comme certaines personnalités, alcoolisés avant d'avoir tente ans. Elle voulu lui poser la question, elle avait même ouvert la conversation par messages avec le bouclé. Mais au dernier moment elle ferma la page et retourna sur Instagram. Elle n'était pas en droit de rentrer comme cela dans sa vie, copine ou pas il était libre de mener sa vie comme bon lui semblait et puis, il avait vingt-cinq ans. Il était suffisamment vieux pour savoir ce qui était bien ou non. Il avait une mère, pas besoin d'en ajouter une deuxième.

Cependant, vers minuit elle ne pu se retenir. Cette question lui trottait en tête et avant de dormir elle tapa un petit message, enfin petit... Elle l'envoya et s'endormit tout en regardant des vidéos de chiens et chats. Ce qui la réveilla fut le vibreur de son portable qui ne cessait pas. Ce n'était donc pas un message, mais un appel... elle ouvrit la pochette de son téléphone et grogna face à la luminosité, se demandant pourquoi le bouclé l'appelait à une telle heure.

- Mmm ? Elle répondit.
- Victoria, il soupira de soulagement, ça va ?
- Je, oui... Qu'est-ce qu'il y a ?
- ça fait dix minutes j'essaye de te joindre... Ton message Victoria.
- Mon... Oh, désolé je ne voulais pas te faire peur Timothée. Je suis désolée...
- Qu'est-ce qu'il se passe, Love ?
- Je ne sais pas, elle sentit sa gorge se serrer de nouveau, je me demandais juste... pourquoi moi ?
- Babe, est-ce qu'on peut passer en visio ?
- Heu, oui bien-sûr.

Elle vit le bouclé apparaître et accepta à son tour le déclenchement de la caméra frontale. Timothée avait le regard inquiet, les sourcils froncés, les cheveux dans tous les sens et une petite fatigue au fond des yeux. La brune grimaça en se sentant coupable d'être la cause de son insomnie. Son but n'était pas de l'inquiéter, elle voulait simplement savoir pourquoi il était avec elle, pourquoi elle avait toute cette chance tout à coup. Elle s'excusa encore une fois, mais le bouclé secoua la tête en lui disant qu'il s'inquiétait parce qu'il tenait à elle.

- Je ne vais pas dire que ce que je ressens n'a jamais été aussi fort, mais je sais que j'ai envie d'être avec toi. Je sais que cette vie t'effraies, c'est quelque chose de nouveau pour toi... Mais ne crois jamais que tu n'es pas assez bien pour moi. Je m'en fiche que tu sois vendeuse, je ne t'aime pas pour ton statut social. Je t'aime pour ce que tu es et..., il vit des larmes couler le long des joues de la française, eh ne pleures pas. Pourquoi tu pleures ? Il fronça les sourcils d'inquiétude.

La brune ne put répondre. Elle sanglotait en silence, le poing appuyé contre sa bouche, le corps secoué par ses sanglots. Elle finit par fermer les yeux car les larmes lui les brûlaient. C'était quelque chose de se savoir aimé, c'en était une autre de l'entendre de vive voix. Elle n'avait pas souvenir que quelqu'un lui l'ai dit un jour aussi clairement. Elle était aussi heureuse que terrifiée à cet instant et le bouclé tenta de la calmer en lui parlant, doucement, lui chuchotant presque des mots doux et réconfortants. À cet instant il était prêt à sortir de chez lui et prendre le premier métro pour la rejoindre.

Finalement, après une vingtaine de minutes, la brune réussit à calmer ses larmes et sa respiration. Elle s'excusa pour la énième fois et essuya ses larmes à l'aide d'un mouchoir. Ses bronches lui faisaient mal et elle savait qu'elle allait le sentir pendant au moins deux jours, mais elle avait évité la crise de panique, et ce grâce au bouclé.

- Tu restes jusqu'à ce que je m'endorme ?
- Bien-sûr, il sourit. Fermes les yeux, je suis là.
- Continues de me parler, dit-elle d'une petite voix.

Timothée parla donc de projets à venir, de réunions qu'il avait eu à ce sujet, du Met Gala et de comment il avait choisi son costume pour l'occasion, jusqu'à se rendre compte une heure plus tard que la brune s'était endormie. Il ne coupa aucunement l'appel, au cas où elle se réveillerait et partit se faire un thé, prenant soin de couper son micro afin que le bruit ne la réveilla pas. Une fois sa tasse vidée il la rinça et décida qu'il était temps pour lui d'aller rejoindre Morphée également.

- Fais de beaux rêves Victoria, il sourit avant de couper l'appel et aller rejoindre son lit.

Emotion Chocolat (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant