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Il y avait des jours où, on ne savait pas trop pourquoi, nous avions une pêche d'enfer et envie de danser partout en chantant, le tout en souriant bêtement à en avoir mal aux joues. Victoria était dans cet état d'esprit ce matin là, elle avait super bien dormi, fait un superbe rêve qui était en partie la raison de sa bonne humeur. Après s'être étirée, elle se dirigea vers la salle de bains afin de prendre sa douche, évitant de danser dans la baignoire et ainsi, ne pas provoquer une chute où elle était susceptible de se casser quelque chose.

Une fois terminé elle enfila son peignoir et alla chercher une tenue. Le temps était frais en ce moment, elle opta donc pour un pull noir Louis Vuitton qu'elle avait piqué au bouclé quelques semaines plus tôt, qui était déjà grand sur lui alors sur elle... Il pouvait devenir une robe. L'avantage d'être petite, pensa-t-elle en l'enfilant. Pour le bas elle choisit un jean rose incarnadin qu'elle ne mettait pas souvent, mais qui se mariait bien avec le noir du pull. Un petit peu de fond de teint et du crayon et la voilà prête. Elle passa son casque sans fil autour de son cou et vérifia qu'elle avait bien tout, passa son sac à main en bandoulière et quitta l'appartement qu'elle verrouilla derrière elle.

En sortant de l'immeuble elle se demanda si Grace remarquerait quelque chose à cause du pull... C'était quand même une grande marque qui valait plus de mille dollars, et elle était dans l'incapacité de s'en procurer. Elle haussa les épaules en posant son casque sur ses oreilles et lança la playlist du prochain film de Timothée The French Dispatch. Elle avait été surprise de la diversité de celle-ci, il y avait France Gall, Christophe, mais aussi Nancy Sinatra, Bob Dylan, etc. Aline était la chanson dont la brune était fan étant petite, mais ignorait pourquoi celle-ci et pas une autre. Dès ses trois ans elle avait déjà des goûts musicaux sortant de l'ordinaire, pensa-t-elle en souriant.

Arrivée devant son Starbucks habituel où elle prit un Iced Latte accompagné d'un pain aux bananes et aux noix, fait, comme son nom l'indiquait, de bananes, de noix et noix de pécan, combinés dans un pain aux bananes classique, moelleux et au goût de noix. Elle espérait simplement que les noix ne lui donneraient pas mal au foie, ce dernier étant capricieux ces derniers jours. Dans ses oreilles, toujours la même playlist avec maintenant "Laisse tomber les filles" de France Gall, qui clairement, lui donnait envie de danser au milieu de la route avec son gobelet et son pain aux bananes et aux noix.

Elle était heureuse et son corps avait besoin de l'exprimer et l'extérioriser. Mais bon, danser en chantant à tue tête au milieu de la rue n'était peut-être pas le meilleur moyen... Quoique, on voyait de tout de nos jours. Elle termina donc son pain et prit ensuite son portable, ouvrit l'application Instagram et se filma en train de faire du playback sur ce titre. Lunettes de soleil sur le nez, gobelet en main elle s'en fichait de ce que pouvaient penser les gens autour, ou encore ceux qui verraient cette story. Elle était heureuse, et c'était tout ce qui comptait.

Alors qu'elle arriva dans la boutique, elle vit Grace la regarder en souriant et secouant la tête, avant qu'elle n'enleva son casque et éteignit la musique. Elle alla déposer ses affaires à l'arrière et revint avec son gobelet à moitié plein, le posa sur le comptoir derrière elle et se mit au travail. La blonde ne put s'empêcher de lui demander ce qu'elle avait pour être de si bonne humeur ce matin, et la réponse fut un simple haussement d'épaules suivit d'un "Je me sens bien, c'est tout". Et cette bonne humeur fut rapidement contagieuse car Grace ne put retenir son sourire en voyant celui de la française, ce qui finit par les faire rire toutes les deux.

- Eh mais, c'est du Vuitton ça, dit la blonde en prenant en main l'étiquette qui sortait à l'arrière de sa nuque.
- Ah ? Oh heu... oui.
- C'est un vrai ?
- Je suppose, elle haussa les épaules.
- Comment ça tu supposes ? Tu l'as acheté où ?
- C'est celui de Timothée en réalité, elle vit Grace ouvrir de grands yeux étonnés, non, non, non, je t'arrêtes tout de suite ! Oui je porte son pull mais c'est parce-que je lui l'ai piqué et qu'il n'est pas au courant.
- Ah bah bravo, tu voles des fringues maintenant.
- Oh ça va, même sur lui il est trop grand et puis quand il fait frais, j'aime bien je peux me cacher dedans.
- Ça te fais une robe carrément Vic', rit la new-yorkaise. Mais bon, ça peut passer ici niveau mode on a de tout, tu sais.
- Oui, j'ai cru voir ça. Tous les styles s'expriment, et les gens ne se retournent pas systématiquement sur toi dans la rue. Elle vit Grace grimacer et baisser la tête, quoi ?
- Tu me le dirais s'il y avait quelque chose entre toi et Timothée ?
- Grace, dit-elle dans un souffle et détournant la tête vers la vitrine. Même si je le voulais, je ne pourrais pas. Ça fait parti de notre vie privée et elle doit le rester, tu sais. Grace hocha la tête, tandis que la brune ajouta, pour le moment je ne sais pas trop ce qu'il y a pour être honnête.
- Je respecte ton choix. Je ne t'obliges à rien, je ne vais pas te dire que nous ne sommes plus amies parce-que tu ne me dis pas certaines choses. Mais si tu veux en parler...
- Oui, elle hocha la tête en souriant, merci Grace. Sincèrement.

« Tu avais l'air de bonne humeur ce matin. France Gall, joli choix. »

La brune secoua la tête en souriant, avant de taper une réponse.

« Elle fait partie de la B.O de TFD, très bonne B.O d'ailleurs. Elle va avec le film, même si je ne l'ai pas encore vu. »
« Au fait, sympa le nouvel extrait qui est sorti, jolis muscles *emoji clin d'œil* »

De l'extérieur, même si vous ne saviez pas qui était l'interlocuteur, vous saviez qu'il était quelqu'un qu'elle aimait plus qu'amicalement car elle souriait et se mordait la lèvre pour tenter de le retenir. Bon, avec un masque difficile à discerner, mais le sourire allait jusqu'aux yeux et se voyait facilement. Vous savez, ce sourire idiot que l'on avait tous au début lorsque l'on parlait avec quelqu'un qui nous plaisait. Et de l'autre côté le bouclé avait exactement la même expression, et avec un visage aussi expressif, il était rapidement cramé par ses amis et/ou ses proches.

« Ils sont très biens mes muscles *emoji en colère*. Cette scène a fait rire la salle à Cannes, d'ailleurs. »

« J'avoue qu'au début j'ai été surprise et j'ai dû mettre pause *emoji qui rit*, maintenant je ris avant parce-que je sais ce qui va arriver. »

« Tu comptes aller le voir au cinéma ? »

« Et comment ! Vu les critiques il a l'air vraiment pas mal, c'est injuste que certains puissent le voir avant *emoji qui pleure*. »

« Tu pourrais faire du cinéma tu sais, tu es tellement dramatique *emoji qui sourit grandement* »

« Fuck You ! Je ne suis pasdramatique, j'exprime mon désappointement. Ce n'est pas la même chose. »

« Moi aussi je t'aime bien Victoria. Bon, je dois te laisser, j'ai du travail. À plus tard, bisous ! »

« Ne bosses pas trop, tu risquerais de te fouler un doigt. Bisous *emoji lèvres* »

- Tu l'aimes.
- Hein ? Elle releva la tête confuse.
- Tu l'aimes. C'est écrit partout sur ton visage.
- De quoi tu parles ?
- Oh s'il te plaît, tu sais très bien de qui je parle.
- Oh... C'est un très bon ami, oui...
- Victoria, tu as les yeux qui pétillent et un sourire qui se voit à travers ton masque. Tu l'aimes.

Mais plutôt que de la faire rire, cette affirmation de son amie la fit paniquer. Son rythme cardiaque s'accéléra et elle sentit sa gorge se nouer. Non, elle n'avait pas de sentiments amoureux envers le bouclé, c'était trop tôt et puis... et puis elle était simplement attachée à lui. Elle ne le connaissait pas suffisamment pour l'aimer autrement qu'en ami. Non, elle ne pouvait pas. Son cœur battait si vite qu'elle le sentait dans ses tempes et avait l'impression qu'il allait lui sortir de la poitrine... elle devait se calmer. Sa cage thoracique était comme prise dans un étau, sa gorge était nouée et son corps se mit à trembler.

Grace dû remarquer le changement car elle s'approcha d'elle et l'emmena à l'arrière pour l'obliger à s'asseoir. Elle ouvrit la fenêtre et l'amena devant celle-ci afin de l'aider à respirer, l'obligeant à inspirer et expirer malgré la douleur dans ses poumons. La blonde s'en voulut d'avoir amené le sujet, elle n'aurait jamais imaginé que cela déclencherait une telle crise de panique. Elle lui amena un verre d'eau que la brune prit d'une main tremblante et but par petites gorgées, continuant d'essayer de respirer et de se concentrer uniquement sur cela.

Il lui fallut environ dix longues minutes pour que son rythme cardiaque se calme légèrement, que l'étau dans sa poitrine se desserre un peu et que les premières larmes viennent noyer ses joues. Elle appuya sa tête contre le mur, juste à droite de la fenêtre par laquelle passait un petit vent agréable, le regard embué de perles salées qui lui brûlaient les yeux et devait lui donner l'allure d'un panda. Que venait-il de se passer ? Pourquoi son corps avait-il réagit aussi vivement ? Pourquoi avait-elle si peur de ressentir quelque chose pour le bouclé ? Qu'est-ce qui l'effrayait tant dans le fait d'aimer ? La peur que tout s'arrête. Voilà ce qui la terrorisait au point d'en faire une crise de panique.

Ce n'était pas une peur de l'abandon, c'était autre chose. C'était la peur de perdre quelqu'un avec qui elle s'était abandonné, quelqu'un qui la connaissait mieux qu'elle même et qui, de plus, avait un mode de vie totalement différent du sien. C'était un quotidien où la distance était monnaie courante et où il fallait composer une relation avec des conversations vidéos, des messages, des décalages horaires... Et une fois rentrée en France, est-ce que cette histoire tiendrait le coup ? Survivrait-elle à plus de 6 000 km de distance ? Tant de questions qui venaient en même temps embrumer son esprit et qui avaient déclenché cette panique. Elle devait en parler avec Timothée. Après tout, il était le principal concerné et, le dialogue était la base dans une relation, non ?

Elle avait vu ses parents se séparer à cause d'un manque de dialogue, d'internet principalement, mais aussi un manque de dialogue qui avait petit à petit rongé leur mariage. Cette séparation, bien qu'elle datait d'il y a de nombreuses années maintenant, avait laissé des traces et avait développé chez la jeune femme un besoin de contrôle permanent. En réalité, c'était plutôt les événements qui la contrôlait que l'inverse. Elle pensait qu'avec ça, il n'y avait pas de place à l'imprévu et que donc tout irait toujours dans son sens, mais non. La vie elle-même était un imprévu, le destin ne se contrôlait pas. Rien n'était dû au hasard dans la vie. Absolument rien.

- Vic' tu es sûre que ça va ? Demanda Grace, tu es vraiment pâle.
- Hein ? Elle tourna la tête vers elle, les yeux à demi clos, ouais, elle hocha légèrement la tête toujours contre le mur, ça va. Son regard se porta au dehors à travers la fenêtre, ça va.

Sa voix était faible, un murmure éraillée par les larmes qui donnait le sentiment d'avoir crié pendant des heures. Sa gorge lui faisait mal, ses poumons également et tout son ventre lui faisait payer ce stresse. Elle était fatiguée. Comme drainée de son énergie, vidée de tout. Son esprit était dans un brouillard tel que si on lui demandait son adresse en France, il lui aurait été impossible de la donner. C'était à peu près le même effet que si elle avait pris une substance la faisant planer. Son cerveau planait. Elle ne savait pas où, mais c'était semblable à du coton. Ses oreilles se mirent à siffler et la seule chose qu'elle voulut à cet instant fut dormir. Retrouver son lit et dormir, le plus longtemps possible.

Emotion Chocolat (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant