3.

519 28 7
                                    

- Et sinon quoi de neuf ?
- Oh bah, toujours pareil, métro, boulot, dodo, elle sourit. J'ai du mal à me dire que six mois sont déjà passés, je me plais ici en fin de compte.
- Si tu trouves un appartement tu comptes prolonger ?
- Je ne sais pas, elle haussa les épaules. Tout dépend de la durée du bail, si elle est d'un an je n'aurais pas le choix. Mais bon, il va me falloir une prolongation du visa aussi. Encore de la paperasse.

Cela faisait vingt minutes qu'elle était en appel vidéo avec sa cousine de quelques années plus jeune, celle-ci adorait entendre les anecdotes de la brune dans la ville qui ne dormait jamais. Ni elle, ni personne ne savait qu'elle allait mal depuis plusieurs semaines. Avant chaque vidéo elle se passait le visage à l'eau froide et mettait un peu de crayon pour "sauver les apparences". Et faire semblant de sourire était si simple. Personne ne devait savoir.

Elle discuta encore et posa quelques questions avant de terminer l'appel et flâner sur internet, avant de laisser Morphée l'emporter. Cette nuit-là elle rêva de Timothée, tous deux étaient sur la terrasse d'un château ou d'une villa, apparemment en train de célébrer quelque chose puisque tous deux avaient un verre en main. Autour d'eux se trouvaient au moins plus de soixante-dix personnes toutes habillées en blanc ou blanc cassé. Le bouclé était habillé d'un jean clair et d'une chemise de la même couleur que le reste des invités, Victoria elle avait une sorte d'ensemble blanc cassé.

Elle ne se souvenait pas de grand chose, seulement que le bouclé regardait sans cesse partout autour d'eux. Il était étonnamment proche d'elle, comme s'il cherchait à la protéger de sa grandeur. Victoria avait bien entendu que quelqu'un s'était incrusté et lui voulait du mal, mais elle n'y avait pas vraiment prêté d'intérêt. Malheureusement elle n'en su pas plus puisqu'elle se réveilla suite au déclenchement de son alarme. Une nouvelle journée commençait.

Il lui arrivait souvent de rêver du bouclé. Ce qui l'agaçait, car elle ne comprenait pas pourquoi son cerveau voulait tellement lui rappeler quelqu'un qu'elle tentait d'oublier. Enfin, si elle voulait tant que ça l'effacer de sa mémoire, elle devrait commencer par ne plus le suivre nulle part, ainsi que les comptes infos le concernant.

Après une bonne douche elle s'habilla d'un jean noir et d'une chemise vert litchen, ferma sa chaîne habituelle autour de son cou, enfila le bracelet représentant la constellation du Sagittaire que lui avait offerte Clarisse pour Noël dernier et entreprit de se maquiller légèrement. L'envie n'était pas tellement au rendez-vous, mais elle se disait que satisfaire les clients était ce qui l'aiderait à retrouver un semblant de moral. En arrivant dans la cuisine elle salua la blonde qui était devant son petit-déjeuner et l'informa qu'elle allait en ville. Elle avait réussi à obtenir quelques visites d'appartements, autant en profiter.

Sur son chemin elle passa devant un magasin Amazon qui ne vendait que des livres, la tentation était si grande qu'elle y céda et pénétra à l'intérieur. Son bonheur. Le sol était en parquet et il y avait des rayons un petit peu partout, sur toutes sortes de sujets : cuisine, enfance, romans, romans ados, Histoire, biographies, etc. Elle remarqua aussi qu'ils vendaient des liseuses, ces tablettes qui servaient uniquement à lire des livres de façon numérique.

Elle avança entre les bibliothèques et étagères, ne sachant pas vraiment ce qu'elle y cherchait. Si elle pouvait trouver Call Me By Your Name ce serait cool, elle pourrait au moins le lire en anglais en attendant de se le commander sur Amazon en français. Au détour d'un rayon elle vit un livre dont le titre attira son attention : Bones & All. Décidément, il la suivait vraiment partout, pensa-t-elle. Elle s'en approcha et en prit un avant d'en lire la quatrième de couverture. Apparemment il s'agissait d'un thriller sur fond de cannibalisme. Donc c'était vrai...

Elle baissa les yeux sur le prix en bas à droite et décida que $8,46 était un prix correct pour la taille du livre. Elle jeta un œil à l'heure sur son portable et vit qu'il était bientôt celle de son rendez-vous. Victoria passa donc en caisse et quitta le bâtiment, se promettant d'y revenir et de ne pas y dépenser tout son compte en banque. En chemin elle se demanda si elle devait ou non partager son achat avec le bouclé... après tout, il avait joué dans l'adaptation cinématographique.

Se disant qu'elle n'avait rien à y perdre elle s'arrêta à un coin de rue, sortit son précieux achat de son sachet en papier, ouvrit l'application Instagram et fit une photo de la couverture dans sa main. Elle ajouta un petit texte disant simplement "Prochaine lecture" accompagné d'emojis représentant des livres, avant de l'envoyer uniquement au bouclé et à son amie bordelaise.

Ensuite elle mit l'appareil en mode silencieux, rangea le livre dans son sachet et se dirigea vers l'immeuble où elle avait rendez-vous. C'était un bâtiment de briques haut de cinq étages mais qui possédait un ascenseur. L'appartement qu'elle avait retenu se trouvait au troisième étage, d'après les photos il avait l'air spacieux tout en étant petit. C'était un studio fourni, le gaz et le réfrigérateur étaient déjà à l'intérieur – c'était le cas dans beaucoup de logements ici. Il n'y avait pas de chambre, puisque l'espace salon faisait également office de chambre à coucher.

Elle sonna à l'interphone et s'annonça, la porte buzza et elle pénétra dans le hall qui n'était pas très grand, mais pas étroit non plus. Les murs étaient carrelés sur un mètre au-dessus du sol, on pouvait voir que les carreaux étaient anciens mais bien entretenus. Le sol aussi était carrelé, de ces grands carreaux jaunes que l'on pouvait trouver dans les cuisines ou cantines scolaires parfois. Elle se dirigea vers l'appartement numéro sept au deuxième étage et frappa à la porte. Celle-ci s'ouvrit sur un homme d'environ la trentaine, habillé d'un pull-over couleur champagne et d'un pantalon gris clair.

- Bonjour, je suis Victoria, je viens pour le studio au troisième étage.
- Oh oui, bonjour. Un instant, je prends juste les clés, il chercha quelque chose derrière sa porte et quitta l'enceinte de son appartement, fermant la porte derrière lui. Vous m'aviez dit que vous travaillez dans une chocolaterie ?
- Oui, "Émotion Chocolat", elle hocha la tête. J'y travaille depuis environ six mois, presque depuis mon arrivée ici en fait, elle le suivit jusqu'aux escaliers qu'ils gravirent.
- Et votre contrat est pour la durée de votre séjour ?
- En principe oui, elle le suivit dans le long couloir du troisième étage pour arriver jusqu'à la porte du studio.
- Et voilà, dit-il en ouvrant la porte.

Il commença alors son travail "d'agent immobilier" en lui présentant le coin cuisine, le salon, la salle de bains, etc. Victoria remarqua que le salon était vraiment grand et qu'il pouvait facilement être coupé en deux, contrairement à la cuisine qui était directement à l'entrée et assez étroite. Le parquet était en bois, comme la majorité des appartements ici, et les fenêtres donnaient sur les immeubles et la rue en bas. Ce qui frappa la jeune femme fut le vis-à-vis, extrêmement proche. Pas moyen d'avoir une intimité sans que ses voisins ne la voient.

La salle de bains était minuscule et comptait une douche, un toilette juste à côté de la paroie et un lavabo de l'autre côté. Une fenêtre à vitre brouillée était présente, donnant un peu de lumière à l'espace exigu. Elle revint dans le salon et observa autour d'elle, essayant d'imaginer ses meubles là-dedans. Puis elle se tourna vers le propriétaire qui lui donna les informations nécessaires, à savoir : le loyer, les charges, les taxes, les règles de l'immeuble... Elle hocha la tête et lui fournit tous les documents qu'il avait demandé, précisant qu'elle était également sur d'autres offres. L'homme lui dit qu'il la rappellerait si elle était retenue et que, le cas contraire elle saurait que ce n'était pas le cas.

Victoria hocha de nouveau la tête puis, après une poignée de main, quitta le bâtiment. Elle n'arrivait pas à s'imaginer vivre ici, c'était trop... étroit. Et la vue n'était pas vraiment un plus. Forcément, à force de construire à la verticale, c'était un risque de voir tout ce qu'il se passait chez votre voisin. Mais elle ne se voyait pas vivre les rideaux fermés toute la journée. Sur le trottoir elle consulta l'heure sur son téléphone et vit une notification du bouclé. Le cœur battant de peur elle décida de l'ouvrir.

« Oh tu l'as finalement acheté ! Tu verras, il est pas mal. Surprenant, mais pas mal. »

Elle aima le message et ferma l'application, ouvrit Google Maps et prit la direction de la boutique pour une nouvelle journée de travail chargée.

Emotion Chocolat (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant