~20~ La vérité brutale

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~JOUR #22: Eren~

Les mots de Jean résonnent dans ma tête telle une cruelle gifle me faisant pour un court instant perdre le contrôle sur mon corps qui se raidit. Comment peut-il tenir des propos aussi déplacés à l'égard de Floch? Lorsque l'information parvient à mon cerveau, je serre avec rage les poings, fixant mon interlocuteur d'un air glacial et empreint de mépris.

-Retire tout de suite ces accusations, crachai-je. Comment oses-tu parler ainsi de Floch?

Ne se souciant pas de mon agressivité, Jean se contente d'échapper un rire moqueur qui ne fait que jeter de l'huile sur le feu ardent qui grandit en moi. Ce type m'a toujours agacé, mais l'entendre dire du mal de mon meilleur ami est le pire affront qui soit. Les autres campeurs cessent de parler pour regarder la scène avec étonnement, profitant du spectacle que nous offrons.

-Je te dis seulement la vérité, réplique Jean. Si tu ne te voilais pas la face, tu aurais vu que Floch souffre chaque fois que tu ouvres ta grande gueule et qu'il est ce qu'il est.

-COMMENT TU PEUX LE SAVOIR, D'ABORD, HEIN? C'EST MOI SON MEILLEUR AMI, PAS TOI! JE LE CONNAIS MIEUX QUE TOI!

-Je le sais parce que lui et moi, on a couché ensemble l'été dernier. Tu te souviens de la nuit de survie en forêt? Il ne t'en a jamais parlé, car il sait quel genre de connard tu es. Alors, Eren? Qu'est-ce que ça te fait de découvrir le visage caché de son meilleur ami?

Mon poing s'élance sans que je puisse le retenir, tel un ouragan qui s'écrase sur la joue de Jean avec haine. Marco éloigne son propre visage par réflexe, les yeux grands ouverts alors que son petit ami s'écrase brutalement sur ses genoux, les lèvres ensanglantées. Dès que ce dernier prend conscience de mon geste, il se lève d'un bond afin de me sauter dessus. Ses jointures fracassent douloureusement l'emplacement de mon foie et malgré un haut de cœur provisoire, je réplique sans sourciller.

-QUELQU'UN DOIT LES ARRÊTER!

Cette voix me parait lointaine tandis que mes poings continuent de s'acharner sur Jean. Ma tête bourdonne à la fois de douleur et d'aversion envers ma proie.

Floch n'est pas comme ça.

Floch me dit tout.

Floch, je le connais mieux que quiconque.

Un grand corps musclé se place dans ma trajectoire, m'empêchant de rester au contact avec Jean. Il me bloque l'accès à mon ennemi. J'essaie de le contourner, mais deux mains gracieuses s'enroulent autour de mes poignets alors qu'un regard inquiet croise le mien. Mikasa, une fille que ma famille héberge depuis sa jeunesse, me retient.

-Eren, ça suffit, souffle-t-elle.

Je reprends lentement conscience de la réalité qui m'entoure, réalisant peu à peu la dureté des coups qui m'ont fauché. Mon corps élance, ma lèvre inférieure est couverte de sang répandant un horrible gout métallique dans ma bouche. La plupart des gens entourent Jean pour analyser les dégâts laissés par notre combat. Il est dans un état aussi pitoyable que le mien, mais en cet instant, tout cela m'importe peu.

Je retire mes poignets de l'emprise à Mikasa avant de tourner les talons pour rapidement quitter le cabanon en direction de celui où nous passons nos nuits. Je sens à peine la pluie qui s'écrase sur mes cheveux, désirant simplement retrouver Floch. Dès que j'entre dans le chalet-dortoir, mes yeux se posent sur mon meilleur ami qui est assis sur son lit, l'air triste devant son téléphone. Il relève curieusement la tête en ma direction, fronçant les sourcils d'un air inquiet.

-Eren? s'étonne-t-il. Tu es trempé... est-ce du sang sur ton visage?

Sans lui répondre, j'avance sévèrement en sa direction, mouillant le sol sur mon passage. Avant qu'il puisse réagir, je me jette sur mon meilleur ami que je serre contre mon corps de toutes mes forces d'un geste protecteur. Personne n'a le droit de lui faire du mal ou de dire des obscénités à son sujet.

-Eren? répète Floch sans comprendre.

-Jean a dit des choses à ton sujet. Il... Il a dit que vous aviez couchés ensemble et que tu es homo. Je t'ai défendu. Ce connard va y penser plusieurs fois avant de mentir la prochaine fois.

-Je... Eren...

Le corps de Floch commence à trembler entre mes bras, mais je refuse de le lâcher. A-t-il froid? Ma main caresse son dos dans le but de le réchauffer, même si l'inquiétude ne peut s'empêcher de fleurir dans mon cœur. Si ça se trouve, ce mensonge le perturbe et c'est ce qui le met dans un tel état. Lui aussi, il a subi le courroux d'un homme dans sa jeunesse. Il sait toutes les choses qu'un pédophile peut commettre, toutes les horreurs que les gens de notre sexe sont capables de faire envers d'autres garçons. Les homosexuels ne sont que des pervers incapables de contrôler leurs pulsions.

C'est l'image que j'en garde, la raison de mon mépris.

-Tu n'as pas besoin de parler, le coupai-je. Je sais que Jean ment, ne t'en fais pas.

-Et s'il disait la vérité, tu ferais quoi?

J'éloigne mon visage de son cou, découvrant les yeux imbibés d'eau du roux. Ce dernier essaie tristement de me sourire, mais la douleur lisible dans ses magnifiques iris bruns me tord le cœur. Je suis confus.

-Qu'est-ce que tu veux dire par là? le questionnai-je avec douceur.

-Ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas un mensonge. Eren... Je... Je n'osais pas te le dire, mais ce qui est arrivé est arrivé. Je savais depuis longtemps que je n'avais pas d'intérêt pour les filles, mais j'avais peur d'essayer. Dès le lendemain j'ai regretté d'avoir offert ma première fois à quelqu'un comme lui, alors que je ne ressentais rien... J'ai été si con... Eren, pourquoi tu te lèves?

Alors qu'il défile son explication, je me lève, le visage perdu. Floch a couché avec une personne de son sexe, un connard comme Jean de surcroit. Mon meilleur ami que je croyais terrifié par les hommes de ce genre, que j'essaie de protéger depuis des années de la même crainte qui m'habite lorsque je vois des garçons s'étreindre m'avoue lui-même être homosexuel. Comment a-t-il pu me le cacher si longtemps, me laisser l'insulter sans le réaliser? Mon cœur fait mal. J'ai toujours blessé la personne la plus importante à mes yeux sans m'en douter, convaincu de jouer le rôle du héros.

-Tu aurais dû me le dire, soufflai-je.

-Je ne savais pas comment. Eren, je suis désolé de te l'avoir caché aussi longtemps. J'avais tellement peur de perdre, que tu me trouves répugnant comme tu parles des autres. Après ce que tu as fait à Livai, je m'étais juré de ne jamais te le dire.

-Comment pourrais-je être dégouté de toi? Toi, tu n'es pas comme eux! Tu n'es pas comme tous ces idiots dont je me moque de leur sort! Ton bonheur passe avant tout. Je croyais que les voir s'étreindre te rappellerait de vieux souvenirs que tu tentais d'oublier, que ça te faisait souffrir. Moi, c'est l'effet que ça me fait.

-Eren...

Floch se lève en boitant, essayant de ne pas s'appuyer sur sa cheville blessée. Les larmes coulent sur mes joues sans que je puisse les retenir et je me laisse tomber dans les bras du roux qui me serre tendrement contre lui, une main dans mes cheveux qu'il caresse. Il est la seule personne devant qui j'accepte de montrer ma faiblesse.

-Je ne vais plus jamais te blesser, promis-je.

J'étais impatiente d'écrire ce chapitre *^*. J'ADORE ce ship.

Le camp d'été ~Reibert~Où les histoires vivent. Découvrez maintenant