Le camp d'été ~Reibert~

~24~ Le dernier jour

~JOUR #35: Bertholdt~

PDV Bertholdt

Nous y voilà.

La fin de l'été pointe son nez et demain, nous quittons nos chalets, laissant ce lieu désert. Mon cœur se serre à cette douloureuse pensée. Après un mois et cinq jours, ce camp est devenu ma maison. L'abandonner me donne l'impression qu'on m'arrache brutalement d'un rêve dans lequel j'étais enfin heureux. Pourquoi n'ai-je pas le droit de dormir encore un peu?

La température dans la forêt refroidit, les pluies sont plus nombreuses. L'automne approche et je la déteste.

Dénué de motivation, je pose ma valise sur mon lit afin de la remplir d'un geste las. J'ai peu d'effets personnels, mais la lenteur avec laquelle je m'active risque de rendre cette tâche plus longue que prévu. Chaque vêtement que je plie parait lourd ou trop grand, me donnant de la difficulté à tout bien corder.

De larges bras musclés s'enroulent autour de ma taille, m'arrêtant dans mon travail.

-Pourquoi tu fais déjà tes valises? s'enquiert Reiner. Tu pourrais attendre demain, lorsque nous serons revenus du camping?

-Demain, je n'en aurai plus envie.

-Parce qu'en ce moment, tu en as envie?

-Aucunement.

Je me retourne pour admirer son séduisant visage. La première fois que je l'ai vu, ce fait m'avait paru superflu, m'intéressant peu. Cependant, plus je passe de temps à ses côtés, plus sa beauté me saute aux yeux. Ses cheveux couleur d'or mettent en évidence ses petits yeux en amande et sa silhouette carrée, lui donnant un style charmeur. Jamais je n'aurais cru plaire à quelqu'un comme lui, mais le savoir mon petit ami me comble de fierté.

Un sourire se dessine sur mon visage alors que ma main se glisse sur sa joue pour l'attirer, goutant ainsi ses succulentes lèvres. Chaque fois que nous nous embrassons, mon ventre se tord. Je deviens dépendant.

Reiner passe ses bras dans mon dos pour me tenir contre lui, comme s'il craignait de me voir disparaitre. Cette proximité me rappelle ce qui s'est passé dans les douches, me faisant rougir. Ça m'étonne que le blond n'ait pas abordé le sujet depuis cet instant et qu'il n'ait pas essayé de reprendre là où nous nous sommes fait interrompre. Ses mains sur mon corps étaient si agréables... J'aimerais sentir à nouveau cette sensation indescriptible.

-Hey, les amoureux! L'affection en public, c'est non, se moque Jean en entrant dans le cabanon. Vous pourriez choquer les âmes sensibles comme celle de cet idiot d'Eren. Ah, zut... j'oubliais qu'il n'en a pas.

Pour ma plus grande peine, Reiner éloigne sa bouche de la mienne afin de jeter un regard assassin à son meilleur ami. Ce dernier sourit d'un air innocent, peu concerné d'avoir interrompu notre échange.

-Tu es loin d'être un exemple avec Marco, réplique mon blond. Vous vous dévorez la bouche à longueur de journée. Je peux décrire vos langues avec des détails.

-Tu marques un point, mais c'est plus fort que moi. Comment est-ce possible de résister à ce visage angélique? Tu l'as regardé, au moins? Au fait, je suis venu vous prévenir que le groupe se réunit pour partir en camping.

Finalement, ma valise devra attendre.

J'agrippe mon sac de couchage ainsi que mon précieux oreiller, puis nous suivons Jean jusqu'à l'extérieur du chalet. Reiner, qui passe derrière moi, profite de cet instant pour m'infliger une grosse tape sur les fesses, ce qui me fait sursauter. Ce dernier rit tandis que je lui lance des éclairs avec les yeux.

Dehors, les gens sont réunis autour de Erwin et de Hansi dans l'attente du départ. Reiner m'a expliqué que chaque année, le groupe va dormir dans des tentes en pleine forêt la dernière nuit avant le retour au bercail. Il s'agit d'une tradition uniquement réservée aux plus âgés du camp. Participer est un choix personnel, mais personne ne refuse cette sortie. Qui voudrait rester seul dans les chalets alors que nous pouvons nous amuser ensemble une dernière fois? Lorsque le grand blond qui nous sert de chef réalise que tout le monde est là, il prend la parole : 

-Comme vous le savez, demain sera notre dernière journée ensemble avant de devoir nous quitter. La plupart d'entre vous ne seront plus là l'an prochain et vous commencerez la vraie vie. Que ce soit dans une université ou dans un travail à temps plein, tout sera nouveau. Ceux qui décideront de revenir deviendront chefs d'escouade, comme Hansi et moi. Je vous connais depuis des années et tout ce temps passé à vos côtés a été pour moi une expérience fabuleuse. Pour la plupart, vous êtes mes amis, donc n'hésitez jamais à m'inviter à boire un verre pour discuter. Même si je vis loin, la route ne me fait pas peur. Vous allez me manquer. Je vous dis tout ça aujourd'hui puisque je n'aurai pas le temps de le faire demain. J'ai passé un magnifique été avec vous, autant avec ceux que je connais depuis des années que les nouveaux.

Bien que je côtoie cet homme que depuis trente-cinq jours, son discours me touche droit au cœur. Pourquoi n'ai-je pas connu ce camp dans mon enfance? J'aurais adoré venir ici depuis des années et ainsi renforcer mes liens avec tous ces gens uniques. Les amitiés que j'ai développées ici sont plus fortes que tout ce que j'ai connu avant. Vivre avec d'autres garçons aide à connaitre toutes leurs facettes, leurs bons côtés comme leurs mauvais. 

Hansi nous explique d'une voix émue les règles à suivre lorsque nous serons en forêt, essuyant sans cesse l'eau qui perle au coin de ses yeux. Le discours de son collègue semble l'avoir brisée. Exceptionnellement, il n'y a aucun couvre-feu en soirée. Les tentes sont soit à deux ou à quatre places, donc nous pouvons choisir nos partenaires nocturnes. La seule restriction pour empêcher les parents de porter plainte contre le camp, c'est que nous ne pouvons pas dormir avec quelqu'un du sexe opposé.

-C'est injuste, se plaint Conny. Les couples homosexuels pourront dormir ensemble tandis que moi, je ne peux même pas être avec Sasha. Ils dorment déjà chaque nuit ensemble. On ne pourrait pas faire une exception?

-Certains parents n'aiment pas l'idée que leur fille couche avec des garçons ou vice-versa, réplique Hansi. Je sais que c'est injuste, mais il parait que certains ont déjà porté plainte dans le passé.

-Personne ne va le savoir. Je sors avec Sasha depuis longtemps et hors du camp, on dort toujours ensemble. Nos parents sont ouverts.

Hansi soupire avant de tourner la tête en direction de Erwin, cherchant à avoir son approbation avant d'accepter. Elle-même proche d'un garçon de notre groupe, Moblit, ce compromis lui ferait surement plaisir. Après une longue hésitation, elle cède à la requête, ce qui lui vaut une avalanche de remerciements.

Après m'être mis en équipe avec Reiner, ce dernier va chercher notre petite tente dans l'entrepôt. Alors que je m'occupe simplement de porter mes affaires, ce dernier a les bras pleins, mais il ne s'en plaint pas. C'est agréable d'avoir une boule de muscles à son service. Ainsi, je n'ai pas à forcer comme un bœuf sur des choses inutiles.

Le chemin vers le lieu où nous allons camper est long de deux kilomètres et nous devons emprunter des chemins abrupts, presque bouchés par les branches à certains endroits. À l'avant du troupeau, j'entends parfois quelqu'un crier après être foncé la tête première sur une toile d'araignée. Ne pas diriger le peloton a ses avantages. Plus d'une fois, je trébuche sur une racine, mais je parviens à rester sur pieds.  Malgré le fait que je ne sois pas un grand sportif, je parviens à suivre le rythme sans laisser paraitre la fatigue. Cette randonnée est épuisante. Voir Marco qui halète comme un chien à ma droite me motive cependant à ne pas me laisser abattre.

Devant nous, Livai marche en solitaire, perdu dans ses pensées. Le voir me rappelle que nous l'avons surpris en compagnie de Erwin il y a quelques jours. Sont-ils de simples amants ou un couple? Je ne veux pas me mêler de leur relation, mais Reiner et Jean semblent rêver de le bombarder de questions. Comme nous partons demain, pourquoi les empêcher de s'incruster dans ce qui ne les regarde pas? Au fond, je suis aussi curieux de connaitre la vérité à leur sujet.