~6~ La terreur de Marco

3K 253 117
                                    

~NUIT #2: Bertholdt~

Paisiblement endormi dans mon lit, je tiens contre moi mon oreiller anti-allergène à la manière d'un partenaire. J'adore cet objet qui m'a été d'un grand soutien après ma séparation avec Porco. Même depuis le temps, je n'ai pas rompu l'habitude créée par cette peine d'amour et je continue de la câliner.

Le bruit d'une fermeture éclair qu'on descend me sort lentement du monde des songes. Provient-il de mon sac de couchage? Toujours à moitié endormi, sur le moment, je ne trouve pas ça étrange. C'est seulement lorsqu'on agrippe mes bras pour brusquement me tirer hors du confort que j'ouvre les yeux dans un sursaut. Dans l'obscurité de la chambre, tout ce que je parviens à voir c'est trois personnes masquées avec des visages d'animaux qui m'entourent. Mon cœur se serre sous la panique alors que j'essaie de me débattre, terrorisé à l'idée d'être agressé. Qui sont-ils et pourquoi s'en prennent-ils à moi? Celui qui me tient les bras est trop fort, m'empêchant de quitter son emprise. Un inconnu dissimulé derrière un visage de chèvre approche un tissu de mes yeux afin de les bander. J'essaie de tourner la tête, mais c'est impossible, je ne peux pas résister.

-LACHEZ-MOI! hurle une voix dans le lit voisin, QU'EST-CE QUE VOUS ME VOULEZ? ENLEVEZ ÇA!

Cette phrase est suivie par un grognement de douleur masculin. Ainsi donc, je ne suis pas l'unique victime de ce kidnapping. J'ignore si je dois m'en sentir rassuré ou au contraire, paniquer davantage. Si ça se trouve, nous sommes les proies de fous furieux cherchant des cobayes humains pour une partie de chasse à l'Homme. Dans une telle situation, mon manque d'endurance ferait potentiellement de moi la première victime.

-Putain, Marco, couine un garçon, j'ai reçu ton pied entre les jambes.

-Jean? s'étonne Marco, pourquoi cette scène?

-JEAN! tonne celui je reconnais comme étant Eren, tu ne sais pas garder le silence pendant deux minutes?

-Veux-tu recevoir un pied en furie dans les parties? Ça fait un mal de chien!

Donc nos assaillants sont les autres garçons du chalet? Pourquoi s'en prendre à nous tout en portant des masques dignes de films d'horreur? Celui qui a eu cette idée est potentiellement un fou furieux bon à enfermer. En cet instant, j'ignore s'il s'agit d'une simple plaisanterie de mauvais gout ou de quelque chose d'atroce. Si ça se trouve, Marco et moi ne sommes pas bienvenus dans ce camp et ils souhaitent se débarrasser de nous. Cette idée me fait froid dans le dos.

Afin d'éviter d'être blessé, j'obéis docilement à mes agresseurs qui me forcent à me relever, puis ils me poussent vers l'entrée du cabanon. Je déteste être ainsi à leur merci, incapable de voir où je vais. Le pire, c'est que je porte simplement un caleçon à motif de têtes de dinosaures et un t-shirt blanc hideux. Que vont-ils me faire? Le vent tiède qui frappe mon visage me permet de constater que nous sommes dehors.

-Pourquoi vous nous emmenez dehors? m'enquis-je avec inquiétude.

Personne ne me répond, ce qui ne me surprend guère après le commentaire qu'Eren a lancé à Jean plus tôt. Rester dans le néant, sans information, ça attise mon inquiétude. Alors qu'on me force toujours à avancer, quelque chose de chaud vient frôler mon oreiller. Quelqu'un chuchote :

-Ne t'en fais pas, Bertholdt, ce n'est qu'une petite initiation très simple.

Je reconnais la voix de Reiner. C'est donc lui qui maintient mes bras dans mon dos? Ça explique mon incapacité à fuir sa prise, puisqu'à son opposé je suis aussi musclé qu'un brin de spaghetti. Le mot initiation résonne désagréablement dans ma tête, incapable de comprendre à quel moment j'ai demandé à devenir adepte d'une secte ou d'une fraternité. C'est seulement un camp d'été où ma mère a payé mon inscription! Il est hors de question que j'éventre une chèvre ou que je cours nu sur l'autoroute.

Les craquements sous mes pieds et les branches qui accrochent parfois mes bras m'indiquent que nous nous sommes engouffrés dans un sentier. Après plusieurs minutes de marche sur un chemin cahoteux, j'entends le grincement d'une porte, puis des gloussements m'entourent alors qu'on me pousse à l'intérieur d'un bâtiment.  Enfin, Reiner me lâche les bras! Désormais libre, je retire rapidement le bandeau sur mes yeux pour regarder mes assaillants. Cependant, dès que je me retourne, ils ont disparu, me laissant seul avec un Marco tout aussi perdu que moi dans son pyjama à motifs enfantins. Le bruit d'un verrou qu'on referme me fait grimacer.

-Passez une bonne nuit, se moque Eren depuis l'extérieur avant de rire, bien sûr, si vous arrivez à dormir.

Mon cœur s'accélère en réalisant que nous sommes enfermés dans l'obscurité. Les yeux plissés dans l'espoir de mieux distinguer ce qui m'entoure, j'essaie de découvrir où nous sommes. Ça ressemble à une petite cabane en bois remplis de matériel de pêche, d'un vieux kayak et de gilets de sauvetage dont la forme me rappelle d'abord celle d'un cadavre. L'endroit n'a rien de chaleureux, me donnant la chair de poule à chaque coup de vent qui fait grincer la bâtisse d'un son sinistre. Je n'ai aucune envie de passer la nuit ici. À peine ai-je le temps de songer à vérifier la porte que j'entends brutalement frapper contre cette dernière.

-OUVREZ-NOUS! hurle Marco, S'IL VOUS PLAIT, NE NOUS LAISSEZ PAS ICI. Pas toute la nuit... OUVREZ!

Je regarde curieusement sa silhouette s'en prendre vainement à la pauvre porte, stupéfait d'ainsi le voir perdre son sang-froid. Dans le but de le calmer, je m'approche de Marco, mais je me fige en voyant la lune éclairer son visage trop pâle à travers la fenêtre sale. Ses mains tremblent et ses yeux coulent abondamment, laissant refléter son affolement.

-Marco, calme-toi, tentai-je, ce n'est qu'une initiation. Ils vont revenir nous chercher demain matin. Une petite nuit, ce n'est pas grand-chose.

-On est enfermés, Bert. On est pris... Ils nous ont laissés... enfermé.

Sa respiration est de plus en plus saccadée. Il panique. Marco passe ses mains sur son visage pour tenter de reprendre son air, mais il en semble incapable, pleurant sans retenue en tremblant comme une feuille. Pourquoi réagit-il de la sorte? Lorsque le garçon répète le mot « enfermé », je me rappelle ce qu'il avoué autour du feu de camp. Il a peur des lieux confinés et cet endroit est minuscule. Je frappe à mon tour contre la porte :

-Les gars, ouvrez, ce n'est plus drôle. Marco ne va pas bien. Je crois qu'il fait une crise de panique.

Aucune réponse. Les salops ne nous ont quand même pas abandonnés pour toute la nuit? Marco se laisse tomber assis sur le sol, recroquevillé sur lui-même alors que sa situation ne s'améliore pas. Je dois le calmer. Pour ce faire, je m'accroupis face à lui en posant mes mains sur ses épaules.

-Essaie de bien respirer, Marco, recommandai-je doucement, ferme les yeux et imagine que tu es dans un endroit plus grand. Il y a plein d'espace derrière moi, d'accord?

-Je n'y arrive pas...

Les garçons sont de vrais cons pour nous avoir laissés ici sans tenir compte de la phobie de Marco. Le pire, c'est que Jean lui a promis qu'il ne serait plus jamais enfermé. A-t-il la mémoire d'un poisson rouge ou est-ce justement le but? Si ça se trouve, ils veulent nous faire quitter le camp par la force. En ce moment, ils doivent rire aux éclats, amusés par leur plaisanterie de mauvais gout tandis que je dois consoler Marco.

À court d'idée pour chasser la terreur du brun, je m'assois près de lui, puis j'attire sa tête pour qu'il l'enfouisse dans mon cou et ainsi ne plus regarder le cabanon dans lequel nous sommes. Habituellement, je n'apprécie pas d'être touché par n'importe qui, mais il s'agit d'un cas d'urgence. Ma main caresse délicatement les cheveux courts de Marco et je lui répète constamment que nous sommes dans une grande pièce, qu'ils reviendront nous chercher. S'ils ne sont pas revenus au lever du soleil, je n'hésiterai pas à pulvériser une fenêtre.

Le garçon affolé finit par s'endormir contre moi, reprenant enfin une respiration normale. J'ai eu peur de devoir le surveiller toute la nuit. Bien que le sol en bois soit trop dur et inconfortable, j'essaie de me placer dans l'espoir de m'endormir. Mes yeux se ferment, mais les bruits qui résonnent à travers les objets entassés m'inquiètent. Est-ce des rats? Des souris? Autre chose de plus méchant? J'essaie de me vider l'esprit avant de finalement sombrer dans les bras de Morphée.

Le camp d'été ~Reibert~Où les histoires vivent. Découvrez maintenant