Lorsque j'ai quelque chose en tête, je me rends compte que le fait de ne pas l'obtenir peut vite tourner à l'obsession. Le reste de l'univers s'efface et mes pensées tournent en boucle sur le même problème sans solution.
J'ai envie de lui.
Et il a envie de se trouver un mec.
Je ne peux pas l'atteindre. Il s'éloigne de moi, face à son propre problème à résoudre et tant qu'il ne l'aura pas fait, il ne redeviendra pas le Roméo enjoué et détendu que je connais.
Depuis l'épisode du lapin qu'on lui a posé – enfin que j'ai orchestré – je me suis promis de ne plus toucher à cette application. Seulement une semaine plus tard à ce rythme, je n'en peux plus.
Alors je décide de m'inscrire.
OK, c'est un site gay. Y a pas de mal à créer un minuscule petit profil fake, juste par curiosité, pour voir comment ça se passe, et si Roméo ne risque pas de tomber sur n'importe qui...
Vraiment je ne compte pas aller plus loin que ça.
Mais pour un minimum jouer le jeu de la crédibilité, je dois me trouver une photo de profil.
Je fouille dans mon téléphone, histoire de ne pas prendre une image lambda trouvée sur Internet, et je tombe sur une photo de moi en compagnie de mon cousin Cole. J'avais complètement oublié qu'il habitait lui aussi sur Bordeaux une partie de l'année, quand il ne fait pas des allers retours à Paris pour filmer ses documentaires. Sa proposition de m'héberger les premiers jours de mon arrivée en ville n'avait pas abouti puisque j'avais très vite trouvé.
Objectivement Cole a du charme. Brun, des sourcils épais, un regard qui transperce l'objectif et lui donnerait presque un air ténébreux terriblement attirant. Je recadre la photo pour ne garder que son visage et supprimer le mien.
Pour remplir les cases loisir et hobbies, je fais un mix de ce que lui aime et de ce qui m'intéresse : Queen, la muscu, le cinéma, le développement personnel...
Ensuite, phase finale, je valide mon profil et me voilà inscrite.
J'ai désormais accès à des dizaines de profils. Je ne m'embarrasse pas des conditions d'utilisations, et je cherche le profil de Roméo.
Sa présentation est succincte, résumée à son activité en tant que coach, ses passions et ses loisirs, une ou deux choses qu'il aimerait faire avant la fin de l'année – je sais déjà tout.
Je reçois alors une notification.
Roméo :
Bienvenu sur l'appli, Cole ! ;)
Mon cœur bat la chamade. C'est trop gros, ça ne peut pas être une simple coïncidence. Je relis le règlement qui précise qu'à chaque fois que je vais cliquer sur un profil, la personne aura une notification comme quoi quelqu'un est passé dessus ; aïe, j'aurais dû faire attention.
Ça ne me plait pas de répondre à Roméo, je n'avais pas prévu d'engager la conversation.
Après une inspiration, j'opte pour la politesse :
Merci Roméo, je découvre à l'instant.
Roméo :
Tu es allé en Thaïlande il y a trois ans ? C'était comment ?
Merde, merde, merde, voilà qu'il est sur mon profil et qu'il relance la discussion ! Ce n'était pas du tout prévu. Et je me retrouve comme une idiote à vouloir l'éviter, mais n'avoir aucune envie de l'éviter.
J'inspire.
Un des plus beaux voyages que j'ai faits. Des paysages à couper le souffle, autant dans les terres que les îles. Et j'y ai mangé les meilleurs plats de ma vie.
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Le syndrome Roméo
ChickLit« Si tu vis jusqu'à cent ans, je veux vivre cent ans moins un jour, pour ne jamais avoir à vivre sans toi. Il dit ça comme s'il venait de déclamer un poème. - C'est de toi ? - Winnie l'ourson l'a dit en premier. - Mais c'est trop beau ! - C'est...