Lorsqu'on arrive à l'appartement et que je franchis le seuil, c'est la douche froide.
J'avais oublié un point important.
Roméo lâche ma main, salue celui-qui-est-l'homme-de-sa-vie, comme si tout était parfaitement naturel. Cole nous propose une bière. C'est le summum de la réalité. Je hoche machinalement la tête.
Bon retour dans le monde réel.
Je réfléchis à une excuse qui me ferait quitter rapidement l'appartement. Peut-être même la ville. Je pourrais prétexter recevoir un appel de ma mère, mimer une conversation téléphonique imaginaire et filer en douce.
Me faire des films, je sais toujours aussi bien faire.
Roméo attrape ma main et m'emmène jusqu'au canapé. Il s'assoit à côté de moi pendant que Cole prend place dans le fauteuil.
— Ali, dit alors Roméo, je ne veux plus qu'on continue comme ça, je veux trouver le meilleur compromis possible, ce qu'il y a de mieux, sans blesser l'un ou l'autre.
Il regarde Cole puis moi.
— Tu m'as vu chercher désespérément un mec, Cole m'a vu toucher le fond lorsque tu n'étais plus là. J'ai besoin de vous deux dans ma vie. Je vous aime autant l'un que l'autre.
C'en est trop pour moi. Je me lève et retourne dans la cuisine poser ma bière, car l'alcool n'aide jamais dans ce genre de situation. Je vacille intérieurement ; ces montagnes russes vont finir par avoir raison de moi.
Renoncer.
Espérer.
Et on répète on boucle.
Cole ne dit rien, sa manière à lui de dire que la balle est dans mon camp. Je n'ai qu'un mot à dire, et Roméo mettra tout derrière lui, prêt à sauter de nouveau à pieds joints dans notre ancienne relation. Une relation à mi-chemin entre l'amitié et l'amour, fusionnelle, ambiguë.
Il n'est pas plus doué que moi pour renoncer.
Sur la liste du frigo, Roméo a écrit quelque chose de nouveau :
- Dire à Ali je ne peux pas vivre sans elle.
C'est inhumain. Je vois clair dans ce qui s'est passé au resto. Roméo fait un pas vers moi pour me ramener à lui. Il accepte de m'embrasser, et le refera si cela suffit à me garder près de lui.
— Je ne peux pas.
Roméo acquiesce, compréhensif, même s'il cache mal sa déception.
— Pourquoi tu ne pourrais pas ? demande Cole.
Il me ressemble dans le fond, il pousse les gens dans leurs retranchements, il ne laisse pas s'installer les non-dits. Cole est le roi des compromis. Même après tout le mal que j'ai fait, il m'a non seulement pardonné, mais il est prêt à faire passer les besoins de Roméo avant les siens.
Prêt à... partager.
— J'aurais droit à quoi ? Un baiser de temps en temps pour me faire plaisir ? Je redeviendrais la bonne copine pour rigoler, sortir, regarder des films ? J'ai déjà fait tout ça et ça ne marchait pas. Je ne peux pas me contenter d'une relation platonique.
J'ai besoin d'intimité, de désir, de sexe. Je ne sais pas à quel moment je suis devenue trop pudique pour dire cette évidence à voix haute.
Cole se lève, prend la main de Roméo et l'emmène jusqu'à la cuisine.
— Alicia je ne suis pas sûr que tu comprennes dans quel état Roméo se trouvait après ton départ ; ou même que tu entendes ce qu'il est en train de te dire. Tu l'aimes, oui ou non ?
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Le syndrome Roméo
ChickLit« Si tu vis jusqu'à cent ans, je veux vivre cent ans moins un jour, pour ne jamais avoir à vivre sans toi. Il dit ça comme s'il venait de déclamer un poème. - C'est de toi ? - Winnie l'ourson l'a dit en premier. - Mais c'est trop beau ! - C'est...