Aujourd'hui j'ai droit à une nouvelle patiente : Ophélie. Une lycéenne blonde toute timide qui chuchote presque en m'expliquant la mauvaise aventure qui est arrivée à sa cheville droite : une descente du trottoir sans regarder alors qu'elle disait au revoir à ses copines à la sortie du lycée. Vraiment pas le genre de choses dont on est fier. Déjà peu à l'aise avec son corps, elle arrive à peine à faire vingt mètres sans être fatiguée et traine sa jambe comme si elle pesait six tonnes. Avec sa lenteur, elle arrive en retard à tous ses cours et a dû insister à trois reprises pour qu'on lui donne la clé de l'ascenseur.
Autant dire qu'à la fin de son récit, elle est prête à prendre sa rééducation très au sérieux.
Pour la mettre à l'aise pendant que je manipule sa cheville, je fais la conversation.
— Tu es en quelle classe ?
— Terminale, soupire Ophélie.
— Ça se passe pas bien ?
— Pas vraiment. Si ça ne tenait qu'à moi, j'aurais abandonné cette année. Mes notes sont pas terribles.
— Tu sais déjà ce que tu veux faire après ?
Elle rougit.
— Oui.
Ophélie me regarde comme si elle tentait de voir si j'étais quelqu'un de confiance.
— J'aimerais devenir maquilleuse. Mes parents ne comprennent pas que je veuille me lancer dans une activité aussi précaire. Mais c'est ce que j'adore faire. Cette année, ce sera la troisième année que je m'occupe du maquillage des élèves de l'atelier théâtre.
— C'est génial, il faut toujours faire ce qu'on aime.
Je lui fais un clin d'œil. Elle se déride un peu.
— Je peux vous montrer, si vous voulez.
Elle sort son téléphone et va sur son compte Instagram. Ophélie ne fait pas de maquillages standards, mais de véritables transformations dignes de pro du cinéma. Des maquillages type Halloween où le modèle à les joues à moitié en sang, la peau qui pend du cou ; un autre représentant une personne travestie ; un autre avec un relooking complet qui donne l'impression qu'il a jailli d'un manga.
— Tu as un talent fou !
Ophélie en devient écarlate.
— J'aurais adoré savoir faire ce genre de choses. Lorsque j'avais ton âge, j'étais juste douée à l'école, ce qui m'a permis d'avoir le choix. Et j'ai choisi kiné.
— C'est pas rien, me répond Ophélie.
— Non, mais toi tu as quelque chose d'unique.
Nous commençons les exercices de léger renforcement musculaire. Ophélie n'est pas à l'aise, et je la rassure : les prochaines fois, les exercices seront de plus en plus faciles à effectuer.
À la fin de la séance, je lui souhaite de tout cœur qu'elle réussisse dans ce qu'elle aime.
— Pour ça, il faut que je commence par passer le Bac.
— C'est quoi ta matière la plus faible ?
— Philo.
— Hmm, je pourrais demander à une de mes amies qui est devenue prof de philo de me passer des cours ou des tutos. Je sais que c'est une super bonne prof et tous ses élèves réussissent avec elle.
— Ce serait très gentil de votre part, balbutie Ophélie.
Elle me remercie encore en passant le pas de la porte. Au fond de la salle, j'aperçois Thaïs qui s'occupe de Mme Hubert, la plus gentille, la plus douce et la plus âgée de toutes les patientes. Elle s'assure chaque semaine que nous avons assez de bonbons ou de chocolats.
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Le syndrome Roméo
ChickLit« Si tu vis jusqu'à cent ans, je veux vivre cent ans moins un jour, pour ne jamais avoir à vivre sans toi. Il dit ça comme s'il venait de déclamer un poème. - C'est de toi ? - Winnie l'ourson l'a dit en premier. - Mais c'est trop beau ! - C'est...