Au cabinet, Ophélie est de bonne humeur. Depuis que je lui ai donné les cours de philo elle a retrouvé un intérêt pour cette matière, et je me suis fait un plaisir de l'écouter et de la faire réviser alors que la date du bac se rapprochait.
Comme elle stresse toujours autant à l'idée de passer cette épreuve, j'essaie de trouver une astuce.
— Le stress mental est similaire au stress physique. Regarde ta cheville : après ton entorse, les muscles sont restés tendus et contractés, mais plus on a travaillé dessus, plus ils se sont détendus. Avec le stress mental c'est pareil.
— Alors je dois... masser mes neurones ?
Elle rougit à sa propre blague.
— Presque. Un bon moyen de gérer le stress est de travailler sur ta respiration, et faire en sorte qu'elle soit lente et profonde.
Après quelques tentatives pour se vider la tête, on reprend les exercices d'équilibre et de proprioception.
— C'est bon pour toi !
Je la laisse se rechausser.
— C'était notre dernière séance, dis-je.
— Mais, et si j'ai à nouveau mal de temps en temps ?
— Dans ce cas tu peux toujours me passer un coup de fil. Ton ordonnance reste valide un an.
— Il faudrait quand même que je continue les exercices, non ?
Je pose amicalement une main sur son épaule.
— Dès que tu as passé les épreuves du bac, je n'ai qu'un conseil : profite de ton été. Pars en rando, à la plage, marche dans le sable. Ta cheville continuera de travailler sans que tu y penses. C'est en oubliant la blessure qu'on finit par guérir totalement.
Elle me sourit.
— Merci beaucoup. Pour tout.
Je lui fais la bise et la raccompagne à la sortie alors que Tonton Daniel attend. Si seulement tous les patients pouvaient être aussi simple qu'Ophélie.
Tonton Daniel se lève et entre dans la grande salle en trainant des pieds et l'air mauvais. Thaïs et Quentin, chacun occupé avec un patient me jettent un coup d'œil, comme prêts à venir à ma rescousse si besoin.
— J'ai la crève aujourd'hui, me dit-il.
Sa manière de dire bonjour.
— C'est noté, j'éviterais de vous rouler une pelle.
— Une pelle ?
Il n'a pas compris. Ou alors il s'imagine que je vais sortir la pelle pour creuser sa tombe. Une idée qui me séduirait presque.
***
C'est la fin de la journée. Quentin fait des consultations à domicile, Thaïs a dû partir pour un rendez-vous médical et m'a demandé de m'occuper de Mme Hubert. Le cabinet est bien calme entre elle et moi.
— Vous êtes très silencieuse, me dit Mme Hubert.
— Excusez-moi je suis un peu ailleurs. Vous parlez beaucoup avec Thaïs ?
— De temps en temps. J'aime bien écouter les gens parler. Même quand ils sont tristes.
— Ah... euh...
Je ne sais plus où me mettre. Ma tristesse est-elle perceptible à ce point ? Je ne crois pas mériter la compassion d'une aussi gentille dame.
— Qu'est-ce que vous diriez d'un peu de musique ?
VOUS LISEZ
Le syndrome Roméo
ChickLit« Si tu vis jusqu'à cent ans, je veux vivre cent ans moins un jour, pour ne jamais avoir à vivre sans toi. Il dit ça comme s'il venait de déclamer un poème. - C'est de toi ? - Winnie l'ourson l'a dit en premier. - Mais c'est trop beau ! - C'est...