Je suis restée dans un état second pour le restant de la journée. Cette séance m'a vidée d'énergie et lorsque je suis rentrée chez Carole et Martin, je me suis endormie comme une masse sur le canapé-lit.
Lorsque j'ouvre les yeux, il fait nuit, je suis dans une position un peu tordue et j'ai du mal à me souvenir d'où je me trouve.
On chuchote et la lumière du hall d'entrée s'allume. C'est Martin et Carole, qui reviennent de soirée et tentent de ne pas faire de bruit pour ne pas me réveiller. Quelle heure il est ? 23h indique la box à côté de la télévision.
Ils traversent le salon en veillant à ne pas faire de bruit puis gagnent la cuisine, en tirant la porte derrière eux. Je ferme les yeux pour tenter de me rendormir.
— ... pas très en forme quand même, chuchote Martin.
— Oui, bon tu as vu dans quel état est Alicia.
— Ce n'est pas pareil.
Pause.
— Comment ça ?
Le ton de Carole est plus accusateur.
— Roméo a de la peine, je l'ai rarement vu comme ça.
— Alicia aussi a de la peine.
— Mais c'est elle qui l'a causée.
— Martin, je ne veux pas t'entendre parler d'elle comme ça.
— Tu ne vas pas me dire que tu approuves ce qu'elle a fait ?
J'enfonce l'oreiller plus fort sur ma tête. Je n'ai pas envie de les écouter, ni de savoir ce que Roméo dit dans mon dos. Une partie de moi aimerait trouver du réconfort dans l'idée qu'il est furieux. S'il était très en colère, je l'encaisserais mieux que s'il est dévasté.
— Ils souffrent tous les deux, ça ne sert à rien de remuer le couteau dans la plaie.
Martin a un léger grognement.
— Roméo est comme un petit frère pour moi. J'ai l'impression de le laisser tomber en acceptant qu'elle soit hébergée chez nous.
— Je n'arrive pas à croire que tu aies dit ça !
— Quoi ?
— Alicia est comme une petite sœur. Tu veux la mettre dehors ? Que je l'abandonne alors que ce n'est pas facile pour elle en ce moment ?
— Là encore, elle ne peut s'en prendre qu'à elle-même.
En réponse, Carole souffle et pousse un gémissement.
— Ça ne va pas ?
Le ton de Martin a changé du tout au tout. Je suis à deux doigts de me lever à mon tour. J'entends un bruit de verre, le robinet qui coule.
— Ça va, dit finalement Carole en reprenant son souffle. Juste une crampe.
Ils ne disent rien pendant un moment.
— Je suis désolé, finit par s'excuser Martin. Je vais éviter de prendre partie et me souvenir combien Alicia compte pour toi, je te le promets.
Je les entends s'embrasser.
Si seulement les réconciliations pouvaient êtres aussi simples.
Un étau me resserre la poitrine.
Je suis en période de deuil a dit la psy, mais le vrai deuil que je dois faire concerne mes sentiments amoureux : les enterrer, faire une croix dessus avec un cérémonial pour leur dire adieux, car je ne les reverrai plus de cette vie-là. Mais qu'en est-il de notre amitié ? Est-ce qu'il sera possible, le jour hypothétique où il accepte mes excuses, qu'on retrouve un semblant de notre complicité d'antan ?
Est-ce que c'est là la leçon que je dois tirer de mes erreurs ?
Si je pouvais avoir un coup de pouce de la part de l'univers, ce ne serait pas de refus.
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Le syndrome Roméo
أدب نسائي« Si tu vis jusqu'à cent ans, je veux vivre cent ans moins un jour, pour ne jamais avoir à vivre sans toi. Il dit ça comme s'il venait de déclamer un poème. - C'est de toi ? - Winnie l'ourson l'a dit en premier. - Mais c'est trop beau ! - C'est...