Carole et Martin ont enfin accueilli leur fils dans ce monde.
Je suis dans leur quotidien de nouveaux parents et je leur donne même un coup de mains. C'est fou la quantité de bonheur que génère l'arrivée d'un enfant. Ça parait presque fictif, irréel, le genre de bonheur dont on est spectateur, qu'on n'arrive même pas à décrire, qu'on voit uniquement dans les films. Là, je le vois de près et c'est le plus long feu d'artifice que j'ai pu voir de ma vie.
Pourtant, au bout de deux semaines, leur bonheur n'est plus assez contagieux. Je sais que Cole et Roméo sont passés sur mes heures de travail – que ce soit volontaire ou non, je n'ai pas commenté cet évitement. J'accepte de nouveaux patients et je termine tard chaque soir au cabinet ; ne plus allez me défouler à la salle de sport a un impact négatif sur ma santé ; et le bonheur de Carole et Martin commence à me renvoyer à ce que je n'ai pas. Non, je n'ai pas autant d'amour à donner, voire même je commence à avoir un trou à la place du cœur. Carole se rend compte de ma tendance à me renfermer, et elle essaie de me parler, mais je fuis chaque discussion où elle tente de m'encourager à sortir et rencontrer du monde – à savoir des mecs.
Tous m'indiffèrent. Même les abdos de Chris Hemsworth me laissent de marbre (désolée Chris).
***
On sonne à la maison au moment où j'ai décidé de sortir pour aller au marché. J'ouvre, c'est Nico.
— Salut Alicia.
— Pas de chance, Martin et Carole ont emmené ton neveu préféré au parc.
— Mince, je vais les attendre là alors.
Il entre, les bras ballants, comme s'il ne savait quoi faire. Nico doit rarement se retrouver seul.
— J'allais au marché, lui dis-je. Tu veux venir ?
Son visage se fend d'un sourire.
— Carrément.
Je referme après moi et nous marchons ensemble. Nico reste silencieux un moment.
— Au fait j'ai appris pour ce qui s'est passé avec les Caravano à la compète de CrossFit.
Je grimace.
— Tu as eu quelle version ?
— Il y en a plusieurs ?
— Toute histoire a plusieurs points de vue. Ma version c'est que j'ai réussi à créer un énorme malaise et quiproquo sans ouvrir la bouche, et au lieu d'affronter ça comme une adulte, j'ai noyé mon embarras dans l'alcool pour finir par aller vomir dans les fleurs.
Il me sourit avec sympathie.
— J'ai eu la version de Roméo.
— Oh.
Je ne dis plus rien.
— C'est vrai que tu étais amoureuse de lui ?
Au moins il a la gentillesse d'en parler au passé.
— C'est vrai.
Il reste encore silencieux un moment.
— Si ça te dit, on peut s'organiser un truc tous les deux.
— Un truc ?
— Ouais, un ciné, une sortie...
Je saisis l'allusion et ça me fait sourire.
— Quoi ? s'étonne-t-il.
— Est-ce que tu aurais fait le tour de toutes les filles de ton école de commerce, et tu décides de passer à l'âge au-dessus ?
— Tu peux te moquer, mais elles ne sont pas si nombreuses que ça dans la promo.
Très charmant. Il y a quelques années, je serais tombée directement dans le panneau de ce serial lover, j'en aurais été flattée même ; mais plus maintenant.
— Je vais éviter de fréquenter d'autres étudiantes à partri de maintenant, me confie-t-il. Cette semaine, un pote à moi et sa copine ont rompu après deux mois de relation et c'est hyper tendu pour tout le monde. Je voudrais éviter de me retrouver dans ce même genre de situation.
Sous ses dehors sans prise de tête, il réfléchit.
— Tu es déjà tombé amoureux ?
— Non je ne crois pas.
Il fait un effort pour réfléchir.
— Ou alors j'ai l'impression de tomber amoureux de chaque fille avec qui je couche.
Je grimace.
— Non, ça n'est pas de l'amour.
— Bon, alors je découvrirai avec le temps. Tu peux m'apprendre tu sais.
— C'est toujours non, Nico.
— D'accord, d'accord. Je sais que c'est la deuxième fois que je te le propose. Mais n'oublie pas qu'on ne dit jamais deux sans trois.
— Tu as raison, ne l'oublie pas.
Je lui souris avec un regard appuyé et il soupire.
— Tu sais que tu es la première fille à me rejeter ?
— Il en faut toujours une première, c'est pas terrible pour l'ego, mais on s'en remet.
Il accepte de me rendre mon sourire, sans rancœur. Il passe son bras autour de mes épaules, de manière amicale.
Enfin je crois.
Dans tous les cas je le laisse faire, car le contact physique ne m'a jamais autant manqué.
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Le syndrome Roméo
ChickLit« Si tu vis jusqu'à cent ans, je veux vivre cent ans moins un jour, pour ne jamais avoir à vivre sans toi. Il dit ça comme s'il venait de déclamer un poème. - C'est de toi ? - Winnie l'ourson l'a dit en premier. - Mais c'est trop beau ! - C'est...