2 - Quand j'te parle de la tess j'ai pas vraiment la pêche.

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Il est seize heures quand je me réveille, j'suis jamais pressée quand c'est le week-end de toute façon. Je rattrape mes prières manquées et fais le ménage.. Je m'habille et je glande un peu avant de vouloir sortir faire un tour.

Il fait beau, il fait chaud, pourquoi rester enfermée au cachot ?

Sort Ness, vit ta vie, prouve au reste du monde que t'existe.

C'est marrant mais j'ai toujours ce petit sourire en coin qui se dessine quand je me dis que je dois prouver que j'existe. Mon problème c'est que j'ai pas de limite, si je décide d'un truc ça part toujours dans l'extrême excès. Mais si l'excès mène au succès..

Comment refuser ? Pourquoi je devrais refuser le succès ? Eh mon frère on est tous dans la même, galère, t'as besoin de thunes et moi aussi. Pourquoi le fait que tu veuilles sortir de la cité ça excuse que tu vendes des feuilles d'amné et pas que j'veuille grimper au sommet ? Y'a pas de raison mon pote, chacun ses souhaits.

Maintenant je vais aborder une autre catégorie de personne.. On va très même vite les qualifier de chieurs tu vois. Sur la superficie d'un bus complet jsuis la seule personne qu'on trouve à souler ? J'veux en venir où y'a de la place partout, limite si le bus est désert pourquoi c'est moi qu'on vient squatter ? Le mieux c'est que niveau sociabilité avec moi on est très proche du néant. J'aime pas les gens, j'aime pas parler aux autres. J'ai du mal à me supporter moi même c'est pas pour vous supporter vous et vos egos sur-dimensionnés. Je me sens bien qu'entourée de moi et moi seule. J'suis pas égoïste, j'suis solitaire. J'aime la solitude, être seule, seule face à moi-même.

« Mec : C'est quel arrêt le city stade la miss ?
Moi : *soupire* Salam, s'il te plaît, peut être ?
Mc : Tu viens déjà d'me souler et j'te soule aussi, autant abréger la conversation ?
M : Si j'te soule autant c'est que t'as pas besoin de moi donc sur ce. »

J'aime pas les pertes de temps. Cet homme était une perte de temps. Il venait de gâcher environ trente secondes de ma vie inutilement, ce temps m'étais précieux, dans la vie tout est précieux. Même les erreurs sont précieuses.

J'avais même plus envie de rester dehors avec tout ça, donc j'suis rentrée à la maison, enfin à l'appart quoi. Un jour vous m'expliquerez pourquoi on appel chez nous "maison" même quand on habite dans un carton. M'enfin bon, passons.

Dans l'entrée de chez moi j'ai vu des chaussures de daronne et de petite fille.. On a des invités donc c'est que maman est rentrée, j'passe au salon pour passer le salam. J'fais la connaissance de Khelti (tante, tati, tata) Nessma et sa fille Lilya de presque trois ans. Elle me raconte qu'elle a un fils d'à peu près mon âge, qui viendra manger à la maison ce soir, j'dis oui à tout ce qu'elle me dit (j'men fouttais un peu sincèrement) et j'bouge dans ma chambre.

Pas trop longtemps après la porte sonne.

C'était mon frère et ses potes les chelous, les zonards, les futurs taulards. J'tient pas à me manger des claques dans la race en public donc j'me retiens de leur faire passer ma haine habituelle et j'lâche un petit ''Salem''.

Ses potes je les connaît tous, j'ai grandit avec eux tous, et je les déteste tous. Ils sont chiants, arrogants, ils pensent tous tout savoir de la vie alors qu'ils ne connaissent que la rue. La rue c'est pas la vie, et la vie c'est pas la rue mon garçon. Comment tenir une discussion qui mène à quelque chose avec quelqu'un qui s'est déscolarisé avant le brevet ? Autant ne pas essayer. Ils sont à perte, et courent eux même à leur propre perte. Ils font l'inverse de ce que les gens font, ils prétendent ne pas être des moutons. Un mouton c'est quelqu'un, mais vous, qui vous êtes ? Personne vous connaît, qui vous calcule vous ? Vous n'êtes rien les gars, rien ni personne. Vous êtes les pions malléable de la société. Vous succombez au piège des clichés et des billets violets.

Parmi ces potes y'avait le type du bus, alors lui clairement si j'avais pu je l'aurais laissé dehors, il m'insupporte, rien que sa tête me donne des pulsions meurtrières. Il a un air de connard, de gros salaud.

Quoi ? Non je mâche pas mes mots.

Il a un air narquois, on sait déjà qu'il se prend pas pour de la merde. J'aime pas ça. La vie a une hiérarchie bien précise, chacun a sa place ici. Et moi, remettre les idées en place des autres c'est mon taffe. Que tu m'aimes ou que tu me détestes si tu reste à ta place y'a pas de clash. C'est ma devise, c'est ça la devise.

Y'en a un autre du groupe de looser qui m'a soulé. Il me fixait comme s'il avait jamais vu de femmes de sa vie, il faisait limite peur pour vous dire. J'peux décrire son visage en profondeur, son teint était matte et ses cheveux marrons foncés. Il a les yeux noir, noir de haine, une balafre du sourcil jusqu'à l’œil et une cicatrice à la lèvre. On aurait dit un revenant de guerre. C'était peut être les coups de la vie ou deux trois bagarres de quartiers qui l'ont marqué. On pense qu'il passe inaperçu, il se fait pas trop remarquer, il est remarquable peut-être.

Je retourne dans ma chambre, dans mon monde. J'attrape mon iPod et j'met de la musique, j'me cale bien au fond de mon lit et je fixe le plafond. J'suis dans un autre univers, j'suis dans le mien. Ça m'fait réfléchir.. Ça m'fait planer. Je plane loin, haut, sans jamais redescendre, c'est ce que j'aime, c'est ce que je veux. Je veux partir sans jamais revenir, un aller sans retour.

Je veux être un aigle. Pourquoi un aigle ? Parce qu'un aigle ça incarne la force, la puissance. L'aigle c'est le maître, le leader, le boss, le patron . C'est moi, c'est Ness.

J'me questionne sans cesse et j'réalise que la  vie qu'on mène c'est pas celle qu'on imaginait.. Pourquoi continuer de vivre ? Pourquoi ne pas mourir ? La France d'en haut nous dévalorise, nous vole nos biens et nous crache dessus.. Nous ? Nous sommes les gens d'en bas, on brûle des caisses pour s'faire entendre, on rap nos vies on chante des vérités dures, des vérités crues pour que vous sachiez notre vécu..

Un raclement de gorge me sort de mes pensées. Je tourne la tête et j'vois le balafré.. Je m'attendais pas à le voir là tu vois. Je rappel que c'est ma chambre, que lui c'est un gars et que moi j'suis une meuf et que si j'donne pas l'autorisation dans ma chambre on y rentre pas. Je lui jette le regard le plus insignifiant que j'avais en stock et il se met à rire. Y'a quoi de marrant guignol ? Son rire met pas en confiance du tout. Il était froid, et puis même s'il rigolait bah il avait toujours ce regard noir. Bon sans vous mentir, même si son regard fait iech dans l'froc il a un putain d'charme c'gars. Bref il cherchait les toilettes en réalité donc on va arrêter de fantasmer.

Comme chaque soir mon frère a bougé avec son équipe comme il dit. Il s'fait de plus en plus rare à la maison, j'entends des gens dire que les keufs lui collent aux pattes. Issam finir en prison ? Nan mon frère ira pas en prison. Il est trop malin le frelon qu'est ce que vous voulez qu'il foutte en prison ? Sa place est avec nous, à la maison.

Des fois je vois maman pleurer ses factures avant même de les avoir ouverte. J'ai mal de la voir comme ça, voir des larmes couler sur ce visage de guerrière c'est atroce.. Désolée maman mais j'en ai pas la force, mon coeur n'amorce pas tous ces chocs.. Je lui embrasse le front et décale dans ma chambre, j'entends son cœur fondre pendant que le mien tombe mais j'finit par m'endormir la tête remplie de mes sales idées sombres.

Prouver qu'on existe. Militer, vivre, mourir, recommencer. L'excès, le succès. L'argent, la vie. La vie ? Ma vie ? La détresse.

« Macabre est mon macadam.

Macabre est mon macadam.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant