Chapitre 14

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21/08/21

Ce midi, elles ont fêté l'anniversaire de Lidwina en petit comité avec Eléa. Cette dernière était ravie de décorer sa mère avec un bracelet qu'elle avait fait elle-même. Jane et Eléa se sont alliées pour faire un gâteau. Malgré les protestations, la blonde a été bannie de la cuisine. Heureusement que le gâteau fut à la hauteur de l'exil. C'était un mille-feuille de crêpes, intercalées d'une mousse au mascarpone. Comme si ce n'était pas assez lourd, elles ont recouvert le tout de chocolat. Puis Jane a laissé Eléa décorer leur chef d'œuvre.

Le soir, les parents de Lidwina en manque d'idée ont "seulement " loué une péniche pour l'occasion. Une balade nocturne sur la Seine qui réunit une petite cinquantaine de convives, dont Jane. Celle-ci, lassée de ces soirées bling-bling, restait réticente. Acheter des tenues qu'elle ne mettrait qu'une fois la culpabilisait. Elle se moquait bien du regard de ces fortunés écervelés extravagants, mais ridiculiser la blonde n'était pas son but. Ne serait-ce que penser au masque qu'elle devra porter tout au long de la soirée la fatiguait. Devant les insistances surprenantes de Lidwina, elle finit par céder.

Deux photographes ont été conviés à la soirée. Jane vit avec horreur qu'ils étaient postés à l'entrée. Des invités posaient, telles des célébrités sur le tapis rouge de Canne. Jane esquiva l'occasion gênante en se faufilant derrière les convives.

Un peu plus loin, les cadeaux étaient empilés sur une immense table près de l'entrée. Il ne manquait plus que le sapin pour célébrer Noël. Les emballages annonçaient bel et bien la couleur du contenu. Jane n'était plus très sereine de ce qu'elle pensait être une " bonne idée " la veille. Elle noya rapidement son paquet dans le tas, avant de se diriger dans plus profondément l'antre du bateau.

D'un côté se présenter un buffet d'apéritif et de l'autre un bar. Elle commanda un Manhattan et s'avança au fond de la salle. Elle se retint de soupirer. Elle reconnut quelques têtes de la dernière soirée, telles que Eustache et Julia. Dès que cette dernière la vit, elle lui fit signe de se joindre à eux.

- Salut, Jane.

- Salut.

- Comment vas-tu ? Sacrée cuite, la dernière fois.

Jane blêmit. Ce n'était pas tant la gueule de bois qui la dérangeait... Elle balaya le souvenir d'une gorgée de sa boisson. Elle s'était promis d'être raisonnable depuis.

- Ahah. Je m'en suis sortie... plutôt bien. J'apprends de mes erreurs. Et comment vas-tu?

- Très bien, merci.

- Parfait.

- Je suis contente de te voir en tout cas.

Est-ce vrai ? Jane balaya la question d'un clignement des yeux. Elle sourit.

- Moi aussi.

- Je n'ai pas vu Lidwina.

- Lid va arriver d'une minute à l'autre. Elle a du retard, car il y a eu quelques soucis à la direction générale.

- Mais c'est son anniversaire aujourd'hui...

- Lidwina tient beaucoup à son travail, elle aime quand les choses sont bien faites. Elle veut briller aux yeux de son père par-dessus tout. Elle ne laissera rien lui faire de l'ombre sur sa carrière.

- Elle ne m'a rien dit ce matin, sinon je ne l'aurais pas retenue aussi longtemps.

Julia semblait surprise.

- Vous vous êtes vues ?

Jane hocha la tête.

- Oh, je pensais qu'elle avait décliné notre déjeuner annuel à cause du travail, marmonna Julia. Elle ne t'a pas parlé de ses problèmes, car elle ne voulait certainement pas t'inquiéter.

Eustache discutait avec un jeune homme de son âge. Jane ne captait que des bribes de conversations.

- ... Un toit ouvrant rétractable électrique s'ouvre sur le ciel, disait-il en écartant les bras.

- Oui, oui, soupira Julia. Et le jet ski, on a entendu. Tout ça, juste pour épater tes proies à " Saint-Trouduc ".

Elle exagéra ces deux derniers mots.

- Ce n'est pas juste pour pécho ! On pourrait faire la fiesta. Jade, tu pourras venir avec Lidwina. Avec plaisir.

- Je ne me per-...

- Elle s'appelle Jane, la coupa Julia.

- Pardon. Jane, tu pourras venir avec... Oh, la voilà.

Les bruits s'atténuèrent. Puis tout le monde commença à se mettre debout dans une atmosphère solennelle. Jane se sentit d'imiter les autres. Lidwina venait d'arriver, vêtue d'une robe moulante argentée. Étincelant n'était qu'un euphémisme. Elle saluait les invités, grand sourire aux lèvres. " Bonjour ", " Merci d'avoir fait le déplacement ", " Ravie de voir ", " Merci de vous êtes déplacés "... Des bises, des embrassades, des poignets de mains fermes. Tous les yeux étaient rivés sur sa personne.

Jane croisa les bras. Plus la distance entre Lidwina et elle diminuait, plus une tension irrationnelle croît en elle. C'était stupide. C'était juste Lidwina... Elles s'étaient vues ce matin. Lorsqu'elle apparut devant elle, Jane lui offrit un petit sourire. Devait-elle lui souhaiter à nouveau un joyeux anniversaire par politesse ? Avant qu'elle puisse articuler une seule syllabe, la blonde s'était approchée de son visage. Elle lui remit une mèche de cheveux derrière l'oreille et lui glissa à l'oreille.

- Tu es magnifique, Jane.

Les lèvres de Jane s'écartèrent, puis se refermèrent. Ce n'était pas la première fois qu'on la complimentait. Ses parents le faisaient, ses amis le faisaient, Sylvain le faisait... Mais cette fois-ci, c'était différent. Elle ressentit un petit frisson au creux de sa poitrine. Avant qu'elle puisse la remercier, Lidwina lui chuchota " À toute à l'heure ", puis se tourna vers Julia. Quelques secondes plus tard, les gens se rassirent et reprirent leurs discussions superflues.

Une heure après le départ, Lidwina était installée sur un trône. Le personnel commençait à lui apporter les paquets.

- C'est l'heure de l'ouverture des cadeaux, expliqua Julia.

- Ce n'est pas à la fin de la soirée ? s'étonna Jane.

- On préfère faire ça pendant que tout le monde est sobre.

- Ça sent le vécu.

Julia pouffa de rire silencieusement.

C'était un véritable défilé de cadeaux. Défilé. La salle entière était tamisée. Quelques spots éclairaient la petite estrade sur laquelle se trouvait la maîtresse de la soirée. À chaque cadeau déballé, des éclats d'enthousiasme résonnaient dans la salle et les convives recherchaient le propriétaire. Des montres de collection, des bijoux de grands créateurs, des sacs de luxe... Ils se félicitaient mutuellement de leur achat.

Jane n'avait plus du tout envie de revendiquer son cadeau. C'était terriblement une mauvaise idée. Elle allait se ridiculiser devant tous les gens. Pendant quelques minutes, elle regrettait même de ne pas avoir balancé quelques milliers d'euros pour fondre dans cette masse. Elle ne s'était jamais aussi sentie à sa place.

L'Artéfacte [ En cours ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant