Chapitre 3

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17/07/21

Jane fouillait au fond de son sac pour trouver sa pièce d'identité.

- Ce tableau, je vous paye le double.

Jane leva la tête ne revenant pas des oreilles. Elle pensait que la voix s'adressait à une autre personne, mais c'était bel et bien à la vendeuse qui s'occupait d'elle. Une femme tout droit sortie d'un film hollywoodien se tenait à deux mètres d'elle. Les bras croisés, elle examinait le tableau plein d'impudence. Jeune, blonde, sac coutant quelques smics, escarpins à la semelle rouge. Fille de... ? Elle était accompagnée d'un homme BCBG. Son garde du corps devina Jane. Elle est littéralement en train de lui piquer ce tableau sous le nez. La dame de la galerie d'art les regarda incrédule, le chèque de la brune entre les mains. Jane sentait qu'elle n'avait pas affaire à n'importe qui. Elle resta courtoise, malgré son exaspération.

- Merci de choisir un autre tableau, celui-ci est pris, Madame. Je ne pense pas que ce soit les tableaux qui manquent ici.

La femme enleva ses lunettes de Soleil. Pourquoi avait-elle des lunettes de Soleil dans une galerie d'art ? De ses yeux verts, elle jaugea Jane de la tête jusqu'aux pieds avec un regard dédaigneux. Un sourire narquois se dressa sur le coin de sa bouche. Cette attitude arrogante fit bouillonner Jane. Cette dernière s'était pointée à ce vernissage en tenue de ville. Pourtant, dès le premier pas dans la galerie, elle savait qu'elle n'était pas dans son monde, l'air de gala la rendait mal à l'aise. Elle aimait tellement les chefs-d'œuvre d'un des artistes qu'elle y est restée.

- Je vous dédommage le prix du tableau.

" Dédommage ? " Jane laissa échapper un rire cinglant. Elle jeta un coup d'œil autour d'elle à la quête d'une probable caméra cachée.

- Détrompez-vous, nous ne sommes pas à une vente aux enchères.

- Est-ce le prix qui ne vous convient pas ? Pourtant, ce n'est pas une somme négligeable... Combien voulez-vous pour me céder cette peinture ?

- Il y a des centaines de tableaux ici, pourquoi êtes-vous obligé de choisir le mien, pour ne pas dire "voler" ?

La blonde fit mine de réfléchir, avant de lâcher :

- La réponse est simplissime, Mademoiselle. Je veux que celui-ci et pas un autre.

- Et moi, de même, mais je pense que vous n'en avez rien à faire de mon opinion.

- Je pense profondément que ce tableau irait mieux chez moi que chez vous.

- Comment pouvez-vous en être si sûre, Madame ? L'habit ne fait pas le moine. Vous ne me connaissez pas.

- Vous n'avez aucune idée de qui je suis, non plus...

Mademoiselle richissime éclata de rire. Jane se retenait de lui jeter son argent sur son beau visage pour la faire taire. Un dialogue de sourds. La blonde faisait tout, sauf l'écouter. Jane finissait par se demander si sa couleur de cheveux n'aurait pas une incidence sur sa compréhension ou son quotient intellectuel. Elle inspira profondément pour se calmer. Elles n'étaient pas seules.

- Donnez-moi un prix. Deux fois ? Trois fois ?

- Pour qui me prenez-vous ?

- Votre prix sera le mien.

- Vraiment ?! N'avez-vous que de l'argent à m'offrir ?

L'inconnue perdit son sourire. Jane profita du silence pour rajouter.

- Madame, vous voulez vraiment ce tableau, n'est-ce pas ? demanda-t-elle d'une voix mielleuse en se rapprochant.

Son garde du corps tenta de s'interposer, mais sa patronne le stoppa d'un simple geste de la main.

- Naturellement, je le veux, répondit-elle, en faisant un pas vers Jane.

Elles se toisaient telles des lionnes. Le parfum de la blonde donnait la nausée à Jane. Sur ses talons, la blonde la dominait pleinement, mais Jane refusait de baisser son regard.

- Donc vous essayerez de l'obtenir coûte que coûte.

- Il n' y a rien que je ne n'obtienne pas, Mademoiselle.

Elle passa ses doigts manucurés sous le menton de Jane.

- Effectivement, vous obtiendrez toutes les choses que vous pouvez acheter, mais tout ne s'achète pas dans la vie.

- Ah oui ?

- Je vais vous dire une dernière chose. Écoutez-moi bien. Vous ne pouvez acheter mon orgueil et je ne vais pas me battre avec vous. Si je prends ce tableau, à chaque fois que je le verrai, cela me rappellera mon altercation avec une princesse hautaine, extravagante, pourrie gâtée. Je ne veux pas un centime de votre argent. Prenez le tableau et bon débarras.

Jane se dégagea et tendit la main pour récupérer son chèque. La vendeuse tenta de s'excuser et de lui proposer une réduction pour n'importe quel autre tableau de la galerie, mais l'intéressée l'arrêta sur-le-champ. " Vous faites juste votre travail. Un très bon travail. Je ne mettrais pas de commentaire négatif, car vous n'êtes pas responsables de ces aléas tyranniques. " Puis Jane tira son ami Chris vers la sortie, la tête haute.

Au coin de la rue, elle s'arrêta et piétina sur elle-même.

- Je suis excédée, je n'en reviens pas de l'attitude cette con*e de première classe ! J'aurais dû lui faire bouffer son argent jusqu'au dernier millimètre. Dieu sait que je m'en fous de son argent.

- On se calme, Jane. Oui, c'était une super conn*sse, super pét*sse, mais super canon en passant.

- Super canon ?! Le physique ne fait pas une personne. Je préfère coucher avec un poireau qu'avec elle !

Chris éclata de rire.

- Tiens, la revoilà. Wow, nice car.

Elle l'observa montrer dans son cabriolet, garée en double file devant la galerie. Les gens riches n'ont vraiment aucun scrupule.

- Ces filles de la rive droite, injura Jane, les dents serrées.

Des passantes se retournèrent sur elle, sous le regard hilare de son ami.Trop pressées par leur vie parisienne, elles reprennent leur chemin aussitôt.

Chris qui fait deux têtes de plus que Jane passa son bras autour des épaules et l'emmena vers la bouche de métro la plus proche.

- Allez, viens. Allons prendre un verre à Bastille. Les Happy Hours vont commencer. Avec l'argent que tu as économisé, c'est à toi de payer la tournée.

- Mouais.

- Rho. Ne fais pas cette tête. Il n'était pas si beau le tableau de toute façon.

La peinture représentait une silhouette, dont on ne pouvait distinguer le sexe, assis au bord d'une falaise. Baignée dans l'obscurité, elle scrutait la seule source de lumière au loin, c'était la Lune. Derrière l'individu, se dressait un arbre de vie qui brillait de mille couleurs. Jane était captivée par ce tableau, pourtant elle en avait vu des plus travaillés. Quelque chose qu'elle ne pouvait expliquer vibrait au fond d'elle. L'individu semblait ne connaître que la mélancolie de nuit... Il ignorait la beauté de la vie qui le berce depuis tout petit.

- Je ne te le permets pas. Tu as de la merde dans les yeux, Chris. Quand deux femmes se battent pour quelque chose, c'est que ça en vaut le coup.

- Une fois sur deux, c'est pour un pervers narcissique. Je dis ça, je te dis rien.

L'Artéfacte [ En cours ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant