Chapitre 23 : Nuit magique

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Comme chaque matin depuis un moment, les oiseaux ne chantaient plus, le trafic se faisait rare à cause des intempéries et les habitants restaient confortablement chez eux. Mais étrangement, cette matinée sortait du lot. Certes il y avait toujours ce silence digne des jours les plus sombres, mais il y avait comme quelque chose qui flottait dans l'air. Cependant, Emma n'était pas de cet avis-là. La jeune femme était étendue le long de son lit, les mains sur le ventre et les yeux rivés sur le plafond de sa chambre. Non, ce jour n'était définitivement pas le sien. Tout semblait si fade et sans goût. Le simple fait de se lever lui paraissait insurmontable. Elle se demandait bien pourquoi cette journée devait être si spéciale, si importante. Mais alors qu'elle était dans sa contemplation, on toqua à la porte. Un souffle d'agacement sortit de ses fines lèvres, se levant péniblement pour aller ouvrir. Elle n'eut pas le temps de réagir que deux paires de bras vinrent l'encercler.

– Joyeux anniversaire, Blondie !

La voix des deux brunettes ricocha dans sa boîte crânienne, grimaçant légèrement à force de se faire presser tel un agrume.

– Les filles... Je peux plus respirer, réussit-elle finalement à expirer.

Elles murmurèrent une brève excuse, rompant leur accolade avec la blonde.

– Alors, qu'est-ce que ça fait d'avoir trente et un balais ? reprit en rigolant la serveuse.

– Et bien je me rapproche un peu plus de la mort, fit-elle d'un ton sarcastique, faisant rouler des yeux le duo.

– J'ai comme l'impression que tu n'aimes pas fêter ton anniversaire, supposa l'ex-détenue en cherchant le regard émeraude. C'est même la première fois que te le souhaite par ce que tu ne voulais pas me dire la date.

– En même temps, c'est le seul jour qui me fait rappeler à quel point mes parents ne sont que des putains d'abrutis.

Les deux brunettes restèrent dans le silence. Il est vrai qu'il y a quatorze ans jour pour jour, la vie de la jeune fille qu'elle était avait brutalement basculé. Ruby s'avança doucement, apposant sa paume contre l'épaule frêle.

– Em', on est là pour toi, souffla sincèrement la brune avant de prendre une courte pause, reprenant avec un voile de tristesse :

– Allez, le travail nous attend. Rejoins-nous en bas quand t'es prête.

La concernée hocha doucement la tête, observant ses invitées retrouver le chemin du couloir et des escaliers. Une fois n'est pas coutume, l'air emprisonné dans ses poumons s'extirpa longuement, marchant tel un mort-vivant jusqu'à la salle de bain. Toute son énergie l'avait quitté depuis bien longtemps, s'accentuant largement lors du passage de ses jambes dans un jean slim, ses bras dans un chemisier blanc. Elle laissa sa crinière coiffée en des boucles désorganisées, le bout de ses doigts faisant simplement office de brosse. Le reflet qu'elle vit à travers le miroir lui était indifférent, se disant que ce n'était qu'une journée comme toutes les autres, de toute façon.

Ses pas franchisèrent le seuil de sa chambre, descendant lentement les marches, une à une. Elle était complètement aspirée par ses pensées, mais quelque chose la perturba. Le silence extérieur s'était aussi exporté à l'intérieur du restaurant. Comment cela était-il possible que le rez-de-chaussée soit aussi calme ? Même les bruits ambiants que faisaient les serveuses et la gérante ne vinrent lui titiller l'oreille. Elle arriva très vite au terme de son trajet, mettant les pieds dans une pièce plongée dans le noir. Puis un cliquetis se fit entendre, une vive lumière l'aveuglant soudainement.

– Joyeux anniversaire !

Lorsque ses iris se remirent peu à peu de la luminosité, Emma fut sous le choc en voyant tout ce qui l'entourait. Le restaurant avait été spécialement décoré en cette occasion : des banderoles jonchaient les murs, des ballons de toutes les couleurs flottaient dans l'air et une multitude de confettis jaillirent des quatre coins de la pièce. Elle balaya les petites pastilles qui avaient atterri sur elle en même temps que son regard autour d'elle, analysant chaque personne présente. Ils étaient tous vêtus d'un petit couvre-chef en carton coloré, leur donnant un air légèrement ridicule aux yeux de la blonde.

Sous toutes ses facesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant