Chapitre 30

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L'air était lourd cette nuit-là dans la petite chambre qu'ils avaient louée. Alicia avait du mal à trouver le sommeil, égrenant les heures à se retourner entre les draps chauds et moites. Elle se sentait seule dans ce lit, qui semblait avoir triplé de volume en l'absence de sa fille. Chacune de ses pensées tourbillonnait autour d'Aimee. Elle espérait que la petite aille bien, qu'elle se sente en sécurité, que rien ne lui arrive en son absence. Dans un long soupir, elle repoussa les draps qui lui collaient à la peau et jeta ses jambes hors du lit pour se lever et aller chercher un verre d'eau. Le liquide frais lui fit le plus grand bien et elle en profita pour s'humidifier le visage et la nuque, tempérant momentanément la chaleur de son corps. Elle tira ensuite sur son t-shirt pour que l'air circule un peu contre sa peau, mais c'était assez vain. Du coin de l'œil, elle vit que Spencer était également réveillé, même qu'il était debout, et qu'il la regardait faire. Il lui fallut à peine quelques secondes pour comprendre son regard. Ce n'était plus le même. Elle se retourna pour lui faire face. Elle connaissait ces yeux. Ils étaient différents de ceux que son père avait porté sur elle toutes ces années, différent des hommes qui la sifflaient parfois dans la rue, différent de celui des suspects en prison qui l'avaient traitée comme un morceau de viande. Mais elle connaissait ce regard, celui d'un homme sur le corps d'une femme. Elle ne portait pas beaucoup de tissu, un simple t-shirt léger et une culotte, la chaleur l'ayant poussée à se contenter du minimum syndical. Elle déglutit et soutint son regard. Il le détourna, mal à l'aise, et elle devina qu'il devait probablement rougir dans l'obscurité.

- C'est pas une bonne idée pas vrai... marmonna-t-il.

- Non en effet, confirma Alicia, ce ne serait pas très brillant...

En était-elle convaincue ? La question était là. Depuis qu'elle était revenue, depuis qu'elle l'avait revu, retrouvé, ses sentiments avaient refait surface. Elle l'avait aimé aussi, pendant si longtemps, si fort. Mais il avait toujours été pudique, naïf, maladroit, et plus concentré sur ses bouquins que sur les relations humaines. Alors elle s'était contentée de peu, des regards complices et des blagues échangées. Cependant il s'était écoulé trois ans depuis et force était de constater que les choses avaient changé. Pour eux deux.

Il avait rencontré Maeve, il était tombé amoureux, il avait éprouvé l'amour d'une personne qui partage vos sentiments. Ce qu'il n'avait jamais connu avec Alicia. Lui aussi l'avait aimée, sincèrement, profondément. Et même quand il discutait avec Maeve, même quand il l'avait rencontrée, que son cœur s'était laissé attendrir et séduire par cette femme si brillante, au fond de lui, il n'avait pas pu s'empêcher de la comparer à Alicia. Et Maeve n'avait pas été Alicia. Elle n'avait pas été ce sourire, ces yeux, cette douceur dans le regard, cette attention dans chaque geste, cette touche d'insolence et de gaminerie parfois qui le faisait rire. Il avait cru la perdre à jamais. Et maintenant elle était à sa portée, plus que jamais. Pourtant il avait peur. Il était terrifié d'avoir accès à ce qu'on lui avait toujours refusé, à ce qu'il s'était toujours refusé...

Etais-ce la chaleur qui avait embrumés leurs esprits ? Peut-être. S'étaient-ils laissé guider par une vieille nostalgie amoureuse ? Certainement. Etaient-ils conscients de ce qu'ils faisaient ? Absolument. Dans tous les cas, le fait est que Spencer ne recula pas, au contraire, il s'approcha toujours plus d'elle. Elle ne fit aucun geste, ne se déroba pas, ne le fuit pas. Elle soutenait son regard dans une intensité qui les dépassait tous les deux. Et sans qu'ils ne sachent réellement comment, il finit par l'avoir dans ses bras, leurs visages à quelques centimètres l'un de l'autre avant qu'elle ne fasse le geste décisif, qu'elle ne comble ces centimètres qui étaient de trop. A l'instant où leurs lèvres se touchèrent, le monde vola en éclat, le temps s'arrêta et tout disparut. Il n'y avait qu'eux. Leur baiser. Leur fièvre incontrôlable.

Profileuse [Esprits Criminels]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant