Chapitre 31

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Accoudée devant un café noir, Alicia pianotait des ongles sur la table en bois mat de la petite salle de conférence qui leur avait été attribuée dans le poste de police. Face à elle, Morgan était penché sur sa tablette, étudiant sans relâche le profil de Louis Powell. Cela faisait plus de 12 heures qu'ils étaient revenus à Aberdeen pour interroger leur suspect et depuis le passage d'Alicia, ils n'arrivaient plus à tirer quoi que ce soit de lui. Ils s'étaient relayés plusieurs fois, tentant des approches différentes avec des comportements différents mais ni la provocation, ni la séduction, ni la menace n'avaient pu lui soutirer une seule information. Elle soupira longuement, attirant l'attention de son collègue. Elle leva les yeux vers lui avant de parler :

- Il ne nous dira plus rien...

- C'est notre seule piste on ne peut pas se permettre d'abandonner, reprit Morgan. Il est juste vexé c'est tout. Tu l'as blessé dans son petit égo de mâle dominant.

- Ce serait ni le premier ni le dernier, ricana Alicia.

Morgan eut un sourire amusé :

- Il pensait avoir le contrôle de votre entretien mais tu l'as mené en bateau et il s'en est rendu compte.

- Oui mais Morgan, regarde la situation. On a un homme entre les mains qui va être condamné pour homicide multiple certes, il a été en contact avec ma mère : certainement. Mais il ne sait rien. Rien de mon père ou même de toute cette histoire autour de ma famille.

- D'accord, admit Morgan. Dans ce cas, prenons un autre angle d'attaque. Celle qui nous intéresse c'est Sharon pas vrai ?

- Yep, confirma Alicia en buvant une gorgée de café dont l'amertume lui arracha une grimace.

- Donc il faut penser à sa relation avec Powell d'abord, à ton avis, comment ils ont pu se connaître ?

- Ma mère est quelqu'un de solitaire, commença Alicia. Elle fréquente peu de personnes, quand on était gamins, on avait pas le droit d'inviter des gens à la maison, pas de repas de famille, pas de grands-parents, pas d'amis, rien. On vivait en cercle fermé.

- Parce que ça va de pair avec sa paranoïa maladive, elle ne fait confiance à personne à part elle-même.

- Donc, pour que Louis la connaisse, c'est qu'elle est tombée sur lui au moment où elle en avait besoin. Il est un bon candidat pour une manipulatrice, c'est un idéaliste qui veut rendre justice lui-même, tout comme ma mère. Leurs causes sont différentes : elle veut annihiler les sorcières et lui voulait venger les anciens harcelés que son père a connus quand il était en poste dans des écoles. Mais leur moteur principal est le même : faire justice quand le monde ne le fais pas à leur place.

- Car leurs causes sont complètement irrationnelles mais ils ne s'en rendent pas compte, compléta Morgan. Ca crée un sentiment de proximité et établit immédiatement un rapport de force dominé/dominant dans lequel ta mère reste dominante.

- Elle l'a toujours été, poursuivit Alicia. A la maison c'était elle qui contrôlait tout. Elle laissait mon père me tabasser ou me toucher parce que ça l'arrangeait bien, mais sinon, il s'écrasait face à elle.

- Bien, donc on a le profil de nos deux suspects. Il ne manque que les circonstances : où et quand ? Comment ont-ils pu tomber l'un sur l'autre ?

- A partir du jour où ma mère est entrée à Ste Jeanne, elle n'en est jamais ressortie et n'a jamais reçue la moindre visite. Donc c'est forcément lui qui est passé dans cet institut et ce n'était pas pour la voir directement... attends tu sais ce que ça me rappelle ?

Profileuse [Esprits Criminels]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant