Edit: 02/08/2022Le prologue a fait un peu de sport et a perdu quelques kilos. Il est désormais prêt à exhiber son summer-body et espère ne pas prendre trop de coups de soleil... :)) #nofilter ?Bonne lecture ♥
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L'histoire que je m'apprête à vous raconter n'est pas une histoire ordinaire. Si beaucoup de raisons pourraient m'amener à dire qu'elle n'est pas davantage exceptionnelle – ou inédite –, il me paraît tout de même important de mettre en garde le lecteur (ainsi vous pourrez remercier votre fervent narrateur de son honnêteté) qu'elle n'est pas classable dans le domaine du banal pour autant.
Je dirais ainsi, pour commencer cette histoire là, que s'il est une chose nécessaire pour faire un bon récit – en plus d'un agréable narrateur – c'est un bon personnage principal.
Alors autant être franc dès le départ. Avais-je l'étoffe ou la crédibilité d'un bon narrateur ? Je n'en suis pas certain. Mais ce dont je suis sûr en revanche, c'est que Jeanne, elle, n'avait rien d'un personnage principal.
À la rigueur, on aurait pu vouloir lui octroyer un rôle de figuration. Elle aurait pu être une simple passante qui croise la route d'un héros, telle le Billy Peufierh de l'histoire qui s'apprête à suivre. Une silhouette à peine opaque qui regarde agir de très loin un héros sur le point de sauver le monde d'un antagoniste surpuissant. Mais Jeanne, personnage principal ? Non, certainement pas. Et si vous l'aviez suggéré à voix haute, la plupart de ses connaissances vous auraient ri au nez.
Car s'il est une chose à savoir, c'est que Jeanne aimait suivre les règles ; et il est bon de garder à l'esprit – comme la suite de ce récit pourrait nous amener à en douter – qu'elle était parfaitement normale. Par ailleurs, bien que je n'ai jamais pu vérifier par moi-même si elle était entièrement saine d'esprit, elle restait relativement prévisible. Jeanne était de ceux qui aiment les cases et les étiquettes, car elles lui permettaient de pouvoir elle-même s'y étiqueter et s'y ranger. Si vous ouvriez le tiroir dans lequel sa conscience reposait, vous y trouveriez une Jeanne bien carrée derrière la mention « tout ce qu'il y a de plus normal ».
Elle aimait l'ordre des choses, et aimait que cet ordre là soit scrupuleusement respecté par elle-même. Mais ne nous égarons pas en se perdant à penser qu'elle était intolérante. Jeanne avait beau avoir l'air un peu trop droite, elle ne voyait aucun inconvénient à ce que les autres sortent du rail. Elle était consciente que le monde avait besoin de personnages aux flammes vibrantes, et acceptait la place qu'elle s'était choisie sans la moindre amertume.
Comment pouvais-je avancer cela, depuis mon point de vue de simple narrateur ? Il me suffisait de m'en auto-octroyer la capacité. Il y a bien des choses étranges qui sont sur le point de constituer les bases de cette histoire. Des choses que la norme ne saurait expliquer. Des choses qui dépassent l'entendement d'une Jeanne pour laquelle cette histoire même n'aurait jamais dû pouvoir naître. Pourquoi donc devrais-je m'empêcher d'affirmer avec certitude de simples suppositions ? Vous conviendrez vite, lorsque nous nous rapprocherons du récit des événements qui nous intéressent, que nous ne sommes plus à ça près.
Quelques années plus tôt, un lundi – ou peut-être bien un mardi, pour ce que j'en sais –, Jeanne avait poussé la porte d'une librairie dans laquelle se trouvait un Monsieur Saune qui, malgré les années, avait exactement la même allure qu'aujourd'hui.
Elle avait tout de suite apprécié l'ambiance qui s'était offerte à elle. La librairie était composée de deux pièces séparées par une arche boisée, qui s'accordait avec les hautes étagères vernies sur lesquelles s'entassaient des milliers d'ouvrages d'occasion aux reliures patinées. En avançant dans les allées, elle avait eu l'impression que la lumière dorée qui inondait la pièce réchauffait directement son cœur et le faisait battre un peu plus fort. Elle avait tenté – et sa tentative s'était avérée efficace, je dois le préciser –, de dissimuler sa joie de se trouver dans pareil endroit et s'était tournée vers l'homme à l'air strict qui attendait derrière un bureau. Le reflet sur la surface vernie avait forcé Jeanne à cligner des yeux un bref instant avant qu'elle ne puisse pleinement percevoir la rigidité avec laquelle il se tenait.

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Le Chat de Monsieur Saune
FantastikQuand Monsieur Saune, son patron, lui confie la garde de la librairie et de son chat avant son départ en vacances, Jeanne ne voit pas ce qui pourrait mal se passer. Employée modèle le jour, écrivaine en herbe la nuit, elle se pense prête à faire fac...