Jour 22 : Lundi matin
Ce matin, j’ai décidé de partir avec mon père. Il m’a gentiment proposé de me déposer sur le chemin de son travail, ce qui m’arrangeait bien. Je n’avais aucune envie de me plonger dans la foule oppressante des transports en commun à sept heures et demie.
Cela faisait longtemps que nous n’avions pas passé un moment ensemble, et même si la conversation dans la voiture avait été plutôt banale, ce petit bout de temps partagé me réchauffait le cœur. Ces instants simples, presque anodins, me rappellent que j’aimerais le voir plus souvent, comme avant.
Certes, j’arrive au lycée bien plus tôt que nécessaire, mais cela ne me dérange pas. Je préfère mille fois ce calme matinal à l’agitation et au bruit de la journée qui s’annonce. Ce moment de solitude me permet de me recentrer, de respirer un peu avant de plonger dans cette énième semaine, déjà bien remplie et potentiellement épuisante.
Le week-end avait été surprenant. J’avais passé de longues heures à discuter avec Marie par messages. Cette fille est une vraie perle. Une pépite rare au milieu de la grisaille. Je ne pensais pas pouvoir m’entendre aussi bien avec quelqu’un d’autre que ma meilleure amie, Lilith, mais Marie avait ce don de me mettre à l’aise, comme si elle me comprenait sans effort.
À force de discuter, j’avais fini par lui confier mon trouble concernant Louis. À ma grande surprise, elle m’avait écoutée avec une bienveillance désarmante. Pas de jugements, pas de moqueries. Juste des mots réconfortants et des conseils sages : “Reste toi-même. Continue de tracer ton chemin, et laisse les choses évoluer à leur rythme.” Ces paroles avaient dissipé une bonne partie de mes angoisses. Ce matin, je me sentais presque légère, comme si je revenais à la rentrée, débarrassée de mes peurs.
Plongée dans mon carnet à dessin, je griffonne des traits qui peinent encore à prendre forme. Mon esprit vagabonde, jusqu’à ce que le vrombissement d’un bus capte mon attention. Je lève la tête et observe le flot d’élèves qui en descendent, se déversant devant le lycée dans une cacophonie familière. Certains se dirigent directement vers l’entrée, d’autres s’attardent pour allumer une cigarette, bavarder, rire.
Je vérifie distraitement ma montre. Encore dix minutes avant que la cloche ne retentisse. Alors que je me perds dans mes pensées, des éclats de rire familiers brisent le calme. Je n’ai pas besoin de tourner la tête pour les identifier : Angel et Manon. Mon estomac se noue immédiatement.
Je parcours rapidement les alentours du regard, cherchant une issue. Mais avant même que je ne puisse bouger, deux mains se posent sur mes yeux, plongeant mon monde dans l’obscurité.
Je me fige.
Instinctivement, je porte mes mains à celles qui m’aveuglent. Elles sont larges, fermes, mais étonnamment délicates. Pas celles d’une fille, non. Ces mains appartiennent à un garçon. Mon cœur rate un battement. Je n’ai pas besoin de réfléchir longtemps pour deviner qui c’est.
Avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, une voix grave et douce murmure à mon oreille :
– Suis-moi.
Sa voix me traverse comme une onde, mêlant frissons et incrédulité. Je reste pétrifiée, incapable de répondre, alors qu’il retire ses mains et saisit mon bras avec une douceur décidée.
Je lève enfin les yeux. Louis.
Il me tire doucement de mon banc, et avant que je ne réalise ce qui se passe, nous sommes déjà en mouvement. Je le suis, presque par automatisme, mes pensées embrouillées par cette soudaine impulsion.
– Mais qu’est-ce que tu fais ? parviens-je à murmurer, la voix tremblante.
Il ne répond pas. Un sourire fugace danse sur ses lèvres tandis qu’il m’entraîne dans une direction opposée au lycée. Derrière nous, la sonnerie retentit, annonçant l’ouverture des classes. Mais nous, nous courons.
Nous trottinons comme deux fugitifs, esquivant les regards, les couloirs bondés, les règles. Je pourrais protester, tenter de comprendre ce qui lui passe par la tête, mais je n’en fais rien. Au contraire, je me laisse emporter par cette étrange parenthèse, par ce garçon qui, à chaque instant, bouleverse mon univers.
Mon cœur tambourine dans ma poitrine. Pas à cause de la course, mais à cause de lui. Cette sensation d’être importante, d’exister dans les yeux de Louis Sträff.
Alors que nous mettons de plus en plus de distance entre nous et le lycée, je ne peux m’empêcher de me demander : qu’est-ce qui l’a poussé à faire ça ? Que cherche-t-il à me dire, ou à me montrer ? Une chose est sûre : avec lui, je ne suis jamais au bout de mes surprises.

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Rock & Love
RomanceHeavan est une jeune lycéenne en proie à la peur du jugement et à un profond manque de confiance en elle. Dans son nouveau lycée, elle peine à s'intégrer et se garde bien de s'ouvrir aux autres, redoutant les préjugés. Sa rencontre avec Louis, un...