Chapitre 84

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Jour 92 : le midi

Main dans la main, Louis et moi arpentons les couloirs en direction du centre de documentation.

Depuis quelques semaines, nous avons trouvé notre routine. Tout fonctionne bien, et cela nous convient. Nous évitons autant que possible les bains de foule, fuyant les regards médisants. Pourtant, même en nous effaçant, nous restons la cible de leurs murmures venimeux.

Pourquoi tant d’acharnement ? Nous n’avons fait de mal à personne. Nous vivons juste notre histoire, profitons de nos moments à deux, sans nous soucier des autres. Est-ce là notre crime ?

– Heavan, nous n'aurions jamais pu nous cacher autant de temps, les gens on finit par savoir qu'on était ensemble parce que ça devenait flagrant.

– Tu ne te cachais pas, pour ta part.

– C'est vrai, ricane ce dernier sournoisement, mais j'admets que c'était une période très excitante ! Et puis, il suffit que tu sois en couple pour que tes amis te tournent le dos. Va savoir pourquoi ?

– C'est idiot, je trouve.

– N'oublie pas que ni toi, ni moi, n'étions réellement apprécié. Le fait que nous soyons ensemble n'a rien changé, c'est seulement un condensé de ce que l'on vivait lorsqu'on était célibataires.

Je souris sans joie. Toute cette histoire est stupide, pourquoi un tel acharnement ? Les explications de Louis ne me convainquent pas.

– D'ailleurs, je ne te l'ai pas avoué, mais ton mot me fait plaisir.

– Arrête d'en parler, j'ai honte !

– Tu ne devrais pas, je ne vais pas cesser de m'en vanter rien que pour t'embêter. D'ailleurs, je réfléchis à ajouter ma touche et à en faire une chanson rien qu'à nous.

La révélation de Louis me surprend, mais me flatte à la fois. Ce garçon a toujours les bons mots pour me rassurer, pour me faire sentir mieux chaque jour avec lui. Cela pourrait s'avérer difficile de vivre ma vie sans lui, car il devient beaucoup trop important à mes yeux et rend mon quotidien de plus en plus radieux.

– Que dirais-tu de faire un duo musical avec moi ? s'écrit-il d'un coup en s'arrêtant net.

– Un quoi ?

Estomaquée, je serais la plus heureuse au monde si cela pouvait se faire, mais est-ce que j'ai les talents nécessaires ?

Celui-ci a toujours les yeux rivés sur ma feuille qu'il ne veut pas fourrer dans son sac.

– Tu peux la ranger, tu sais ? Me marré-je face à cette vision assez comique.

– Pas encore, j'aime bien la tenir entre mes doigts. Ça faisait longtemps que j'attendais ce moment, alors laisse-moi savourer le moment.

Celui-ci semble si heureux d'avoir reçu de telles paroles, que cela m'émeut moi aussi.

Nous approchons enfin du CDI quand Bill arrive de nulle part et se retrouve devant nous. Interloqués, nous tentons de l'ignorer et de le contourner, mais c'est sans compter son obsession pour nous rendre la vie impossible.

Je m'imaginais déjà recevoir un coup d'épaule ou de sac, mais je suis étonnée de le voir se diriger vers Louis. Tétanisée à la simple vue de ce type, je resserre ma poigne dans la main de mon copain. Remarquant mon angoisse monter d'un cran, celui-ci m'attrape par la taille et me colle contre lui, comme si nous ne faisions qu'un.

Je sens que lui aussi est dépassé par la situation, mais il tente de le masquer sûrement pour éviter de m'effrayer un peu plus.

Ce n'est pas moi, mais bien Louis qui se prend un sacré coup de sac à l'épaule et dans la même seconde, Bill s'empare de la lettre qu'il tenait dans son autre main.

Sans m'en rendre compte, je suis propulsée en arrière, me retrouvant à quelques mètres des deux garçons. Bill tient ma déclaration en l'air dans sa paume tel un chiffon, alors que Louis empoigne le col de ce dernier.

– Qu'est-ce que nous avons là ? s'esclaffe le blond en narguant son ancien ami. Une lettre d'amour ? Il paraît que vous avez parlé que de ça en cours !

Comment peut-il être au courant ? Louis et moi, nous avons précautionneusement caché ce détail, de plus nous étions en plein cours. Comment quelqu'un aurait pu savoir ce que cette feuille contenait ?

– Pourquoi tu fais ça ? rétorque Louis. Ça t'amuse de nous emmerder ? Ou c’est la seule chose qui te fait bander dans ta vie merdique ?

Je n'ai jamais vu ce dernier parler avec autant de vulgarité. Le teint de Bill devient blafard, Louis semble avoir touché un point sensible. Est-ce qu'il le savait en utilisant ces propos ?

– Ferme ta grande...

– Jusqu'ici, je l'ai fermé, le coupe-t-il, mais c'est terminé ! Si tu continues à nous harceler, moi ou ma copine, crois-moi, tu vas le regretter au quintuple.

Ses mots sont tranchants comme une lame.

– Tu penses que tu me fais peur ? raille Bill, un rictus forcé sur les lèvres. Tu n'es qu'un minus !

– Tu devrais.

Sa voix est basse, implacable, comme une menace à peine voilée. Bill cille. Son assurance vacille légèrement, mais il tente de garder la face.

Quant à Louis, il ne bouge pas. Son regard glacial reste rivé sur lui. Puis, il avance d’un pas, lentement, avec une sérénité presque terrifiante.

– C’est un conseil d’ancien ami, et le dernier que tu recevras.

Bill ouvre la bouche, mais ce dernier continue, impassible, le timbre de sa voix devenant plus sombre, plus tranchante :

–  Écoute-moi bien, et grave ça dans ta misérable cervelle.

Il s’avance encore, réduisant la distance à néant, son regard d’acier transperçant Bill :

– Si jamais tu t’avises, ne serait-ce qu’une seule fois, de la regarder de travers, de la toucher, ou même de prononcer son prénom, je te promets que ce que tu vis en ce moment ne sera qu’un avant-goût.

Sa voix s'affaiblit, tel un aveu qu'il lui confie, presque menaçante dans son calme maîtrisé.

– Je te ferai regretter chaque seconde. Je t’écraserai.

Bill dégluti difficilement, l’ombre d’un doute traversant ses yeux, tandis que Louis ne cille pas.

– Ce n’est pas une mise en garde. C’est une certitude.

Un silence de plomb s’abat entre eux.

– Maintenant, reprend Louis, le ton changeant en un amusement glacial, tu as quelque chose qui m’appartient.

Bill serre la lettre entre ses doigts, avec une lenteur calculée, il baisse enfin le bras et tend la lettre à Louis, qui l’arrache de ses mains sans le quitter des yeux.

Un frisson passe sur le visage de Bill avant qu’il ne se détourne, tournant les talons sans demander son reste.

Louis, lui, reste immobile un instant, le regard fixé sur son dos.

Quand enfin, il se retourne vers moi, a contrario des paroles et du regards menaçant qu'il a tenu envers Bill, ses iris ne sont plus sombres. Ils sont doux, intenses, brûlants. Puis, un sourire en coin effleure ses lèvres, dangereusement attirant.

– On en était où déjà ? murmure-t-il, glissant sa main dans la mienne comme si rien ne s'était passé.

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