Rock & Love

Chapitre 93

Jour 103 : le soir

Ses mots me perturbent, non pas dans le mauvais sens, mais ils me rappellent ce que nous avons partagé et traversé ensemble, m'évoquant le poids de ma décision de rompre avec lui. Chaque syllabe semble résonner dans ma poitrine comme un écho de tout ce que nous avons vécu.

Ses prunelles se plongent dans les miennes, brillantes d’espoir, mais une infime lueur de tristesse subsiste dans ses yeux. Cela me pince le cœur, comme si chaque mot, chaque regard, me disait qu'il y a encore une possibilité, une lueur de lui, de nous. Mais je suis perdue dans un tourbillon d’émotions contradictoires.

– Je dois y aller. Reste devant l'estrade, d’accord ?

– Tu montes sur scène alors ? lui demandé-je, plus comme une déduction que comme une question.

– Exact, mais la performance te sera entièrement dédiée. Parce qu'il n'y a que toi qui comptes à mes yeux, dans cette salle comme dans n'importe quel autre endroit.

Un sourire béat s'installe sur mon visage malgré moi. Je voudrais pouvoir le retenir, mais à mon grand désespoir, je vais devoir endurer la solitude pendant ce qui me semblera être les cinq plus longues minutes qu'elles soient.

Égarée dans mes pensées, ses mains viennent prendre délicatement mon visage, son front se posant avec délicatesse contre le mien.

Cependant, c'est ce baiser furtif au coin de mes lèvres, un baiser qui me stimule, qui me ramène à lui, à cette réalité qu’il a créée autour de nous, une réalité pleine de non-dits et de promesses silencieuses.

– Tu es magnifique, chuchote-t-il, sa voix vibrant contre ma peau, hypnotisant tout raisonnement logique en moi.

En quelques secondes, celui-ci disparaît de mon champ de vision. Je me sens soudainement perdue, déconnectée, le vide me submerge après ce trop court échange. L’angoisse monte d’un cran, un nœud s’installe dans mon estomac. Je n'ose pas me retourner, craignant de croiser les regards curieux de ceux qui nous entourent, de faire face à l'éclat froid de cette foule qui ne comprend rien à ce que nous vivons.

Quand un écho assourdissant retentit, un frisson me traverse. La musique gronde comme une vague prête à engloutir tout sur son passage, mais mes yeux ne quittent pas les siens. Louis est là, sur scène, le micro en main, réglant sa guitare électrique. Le temps semble suspendu alors qu'il ne me lâche pas du regard, celui-ci me rassure et me fait remarquer que je ne suis pas seule.

Devant ce podium, je n'ai d'yeux que pour lui. Louis a une telle facilité à captiver mon attention, à me faire oublier tout ce qui me pèse, tout ce qui me ronge. Il me fait oublier le monde, mes angoisses, mes doutes, comme aucun psychologue ni aucun médicament ne pourrait le faire. À sa manière, il est la seule réponse à mon chaos intérieur.

Quand il commence à gratter les cordes, son sourire mutin se dessine sur son visage. Un sourire énigmatique, aussi insaisissable que l'amour que nous partageons. Seuls lui et moi savons ce qu'il cache derrière ce sourire. C'est ce que j'aime dans notre relation : elle est publique, mais elle reste un mystère pour tous ceux qui nous entourent, trop éloignés de notre réalité intime.

Le son de la basse mêlé à la guitare et au synthétiseur de ses deux acolytes crée une mélodie atypique, saccadée, presque hypnotique, mais aussi progressive. Une atmosphère discrète, mais envoûtante, se déploie dans la salle, captivant tout ce qui se trouve dans son sillage.

Sa musique révèle ce qu’il est au quotidien pour moi : une contradiction, un tourbillon d’émotions et de sens, inexpressibles dans le langage des mots.

Il n’y a pas de paroles dans cette composition, mais c’est tout comme. Au début, la mélodie était traînante, mélancolique, presque douloureuse. Peu à peu, elle évolue, se transforme, se fait plus rythmée, plus éclatante, comme un reflet de ce que nous devenons ensemble. Un son plus lumineux, une relation qui se réinvente, qui évolue sans qu’on ait besoin de la définir avec des mots. Parfois, les paroles ne suffisent pas, la musique dit tout ce que l’on ne peut pas décrire.

Je suis heureuse pour lui, pour cette passion qu’il retrouve, pour cette musique qui semble lui redonner vie. J'ai remarqué qu’il s'en était éloigné pendant un temps et cela m’a attristée, même si je n’en ai jamais rien dit. Aujourd'hui, en l'admirant sur cette scène, je ferme les yeux, perdu dans sa musique transcendante.

Je suis fière de lui, fière d’avoir un amour aussi sincère, aussi passionné, aussi pur, même s’il ne reste plus rien de cette certitude entre nous.

Louis est là, vibrant sous la lumière, et moi, je l'observe, emportée par cette mélodie qui me parle plus que n’importe quel mot.

Je l’aime tellement...

La prestation de Louis dure plus longtemps qu’une chanson ordinaire. Le rythme s’intensifie, mes pensées se mélangent à la musique, mais je n’ai d’yeux que pour lui. Finalement, la mélodie prend fin, toutefois les dernières notes restent en suspend dans l’air, comme un dernier soupir, une pointe de nostalgie qui laisse son empreinte.

Mon départ reste un point d’ombre pour nous deux, un mal qui plane au-dessus de notre relation. Ce sont les aléas de la vie, et peut-être que le destin nous réunira à nouveau, de manière inattendue, comme il l’a déjà fait. Je le souhaite de tout cœur.

Pour l'instant, tout ce que je peux faire, c'est m'accrocher à cet instant, à lui, à cette mélodie qui m'enveloppe. Et puis espérer.