Chapitre 10

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Jour 12 : vendredi matin

Ce matin, je suis à deux doigts d'arriver en retard au lycée à cause d'un accident survenue sur la ligne de tram, heureusement ce problème s'est vite décanté et j'arrive pile à l'heure.

Je m'engouffre dans la salle d'Espagnol lorsque la sonnerie retentit. Il reste deux places au niveau du deuxième rang à côté des fenêtres donnant vue sur la rue et donc sur l'entrée de l'établissement.

Reprenant mon souffle après cette course folle, je sors mon cahier pendant que l'enseignante s'installe à son tour. Cette dernière est d'une gentillesse incarnée, j'envie ses cheveux bruns magnifiquement bien ondulés alors que les miens sont indomptables.

Glissant ses lunettes sur son nez, elle nous lance un « Holà ! » chaleureux et guilleret, alors qu'un élève entre en trombe dans la pièce nous prenant tous par surprise.

- ¡ Hola Luis ! ¿ Cómo estás ? lui lance la professeure, accompagné d'un grand sourire malgré son retard.

- Muy bien, répond ce dernier sans plus d'intérêt que cela.

Celui-ci referme la porte derrière lui et dans un rapide coup d'œil observe la salle, sûrement à la recherche d'une place. Ne voulant pas croiser son regard scrutateur, je reporte mon attention sur mon cahier de cours.

Intérieurement, je me mords la joue quand je me rends compte que la seule place de libre est celle qui se trouve juste à mes côtés. Quelle tuile ! Au lieu de réussir à le fuir et à me tenir loin de lui, voilà que que la situation joue contre moi, dans ce cas de figure je ne peux absolument pas m'échapper et lui échapper.

Ce cours va mettre mes nerfs à rude épreuve, c'est certain.

Le cours reprend vite son cours, aujourd'hui, nous étudions les contes espagnols et Madame Alonso nous lance un défi de taille : écrire un incipit.

Ce n'est déjà pas si aisé d'inventer une histoire et de se lancer dans son écriture, mais ça l'est beaucoup moins lorsqu'on doit l'écrire dans une langue étrangère. Contrairement au fait de parler, écrire est plus compliqué car même si je suis douée en orthographe, j'ai encore des lacunes dans cette langue.

Néanmoins, c'est ma passion première d'écrire alors je me sens comme un poisson dans l'eau. J'inspire et expire un grand coup avant de me lancer concrètement.

Le silence est total, je n'entends plus que le bruit des stylos gribouiller les feuilles posées sur les tables en bois voisines. Le sérieux semble de mise, mais pour ma part aucune idée originale n'émerge de ma petite tête. Pourtant, j'ai l'habitude d'écrire au quotidien, ce n'est pas l'imagination qui me manque.

Du coin de l'œil, je distingue mon voisin fouiller dans son sac à bandoulière noir et y sortir une feuille pliée dans tous les sens et dans un état déplorable. Il pousse un soupir las avant de se laisser retomber contre le dos de sa chaise, jetant des œillades autour de lui.

Frappée de plein fouet et sans m'y attendre, l'inspiration me gagne. Je me plonge immédiatement dans l'écriture de mon prologue qui sera une dystopie.

Quelques minutes plus tard et après avoir écrit trois bons paragraphes présentant le contexte que sera mon histoire, je ressens une présence s'attarder sur moi.

Sans vouloir y prêter attention, ke me redresse afin de reprendre mon souffle et de détendre ma main droite endolorie par mon travail. C'est là que je remarque que mon voisin m'observe consciencieusement, ses yeux allants et venants entre ma feuille et mon visage.

Je me sens fébrile, je n'ose plus bouger. Tout ce que j'aimerais à cet instant, c'est de me fondre dans le décor ou bien de rentrer dans ma chaise pour ne faire plus qu'une avec elle. C'est déroutant et très gênant à la fois d'être ainsi épié. Pourquoi ne suit-il pas les autres en faisant comme si je n'existait pas ?

Faisant fi de ce garçon énigmatique aux yeux inquisiteurs, je me détourne de lui afin de contempler le paysage à travers la vitre.

Dehors, le temps est mitigé. Le soleil est présent, mais il est obscurci par les nombreux nuages gris parsemant la totalité du ciel. Ce temps-là est menaçant, la pluie n'est peut-être pas loin de pointer le bout de son nez et je suis d'ailleurs très pressée qu'elle arrive.

Ce type de météo me comble de bonheur. Quand il pleut, c'est comme une sorte de délivrance qui s'opère en moi. Comme si toutes mes angoisses, mes peines et mes doutes s'évanouissaient de mon corps et s'envolaient vers de nouveaux horizons.

C'est une accalmie que j'accueille chaque fois les bras grands ouverts.

Ma contemplation est freinée avec brusquerie par la sonnerie qui résonne dans es oreilles, annonçant la fin du cours.

Les chaises se mettent à crisser sur le sol faisant un brouhaha assourdissant pendant que les bavardages refont surface, se mêlant à ceux qui nous parviennent des couloirs déjà emplis de monde.

Sans plus d'étonnement, Angel et Rosa ont déjà disparu, comme les trois-quarts des élèves de ma classe. Après avoir enfilé ma veste en jean et posé une lanière de mon sac sur une de mes épaules, je sors de la salle la tête baissée et plonge malgré tout dans cette marée humaine qui divague au rythme des heures d'étude.

Je me demande encore où je vais bien pouvoir aller me confiner durant ce quart d'heure de pause, quand deux mains attrapent chacune de mes épaules et me dévient brutalement dans un des escaliers le moins fréquenté du lycée.

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