Rock & Love

Chapitre 86

Jour 97 : le soir

La carrure imposante de mon père s'impatiente devant l'immeuble depuis une bonne dizaine de minutes déjà. Quand je le rejoins enfin, je me rends compte trop tard qu'il fait plus frais, contrairement à cette après-midi.

– Je n'avais pas envie de sortir, papa.

Je traîne des pieds, je suis fatiguée de ma journée, mais il a insisté pour que je vienne me balader avec lui. Je ne vois pas pourquoi, car il se tient à plus d'un mètre devant moi et ne m'attend même pas. Je sens le pire. Mon instinct me crie que celui-ci sait tout de ce que j'ai découvert dans son bureau, il y a quelques minutes, alors que je l'aidais à trouver ses clés de voiture.

– Je sais, mais je tiens à ce que tu sortes le nez de tes bouquins l'instant d'une soirée. Fais-le pour ton vieux père.

– Papa, même avec vingt ans de plus que maman, tu restes toujours aussi jeune. C'est le mental qui prime et non l'âge.

– Tu sais, Heavan, je voulais partager cette soirée rien qu'avec toi. Je t'aime énormément, sache-le. Je t'aime et rien ne pourra jamais ternir ces sentiments, m'avoue-t-il, les larmes aux yeux en même temps qu'il m'enlace.

Il m'aime ? Alors que lui et maman me mentent depuis toutes ces années ? Je décide de ravaler ma colère et de l'écouter attentivement.

– Tu me fais peur. Pourquoi me dis-tu ça d'un coup ? Ce n'est pas ton genre de dévoiler ce que tu ressens. Tu es la personne la plus pudique que je connaisse sur cette Terre. Tes mots me touchent et je t'aime beaucoup aussi, mais j'ai l'impression que tu me dis au revoir et ça me fait peur, je réitère, avec lassitude.

Du haut de son mètre quatre-vingt-dix, je remarque sa gêne lorsqu'il se frotte la barbe. Une habitude que je ne connais que trop bien.

– Ce n'est pas ça. Tu vas grandir et je ne serai peut-être plus là pour te surveiller. Alors sache que je t'aime et que je t'aimerai éternellement. Peu importe ce qui se passe, Heavan, aie foi en toi. N'oublie pas que tu ne dois croire qu'en ta famille et non aux foutaises des gens qui t'entoureront. Et si jamais tu doutes, souviens-toi que moi et maman avons fait notre maximum pour toi. Les choix que ta mère et moi avons faits dans le passé ont été décidés par nous deux et dans ton seul intérêt.

– Tu es sûr que tu vas bien ?

– Oui, sourit-il, sans joie apparente, je me porte toujours bien en ta compagnie, ma chérie. Garde en tête que je suis fier de ce que tu deviens. Tu vas être une personne très importante, j'en suis certain, mais ne te détourne pas de ta route et de ta destinée. Peu importe le chemin que tu décideras de prendre, je respecterai ton choix.

Je n'ai pas vraiment le temps de d'assimiler ses paroles, ni de le prendre dans mes bras, qu'un halo lumineux nous surplombant m'aveugle, m'obligeant à me recroqueviller sur moi-même.

Sans m'y attendre, tout s'enchaîne en quelques secondes. J'entends un hurlement strident provenant d'une voix masculine que je reconnais immédiatement.

C'est celle de mon père et elle me fait froid dans le dos.

– Papa ! je hurle paniquée par la scène qui se déroule sans que je n'arrive à distinguer quoique ce soit. Papa !

En un éclair, toute ma vie vole en mille morceaux. Une silhouette jaillit de nulle part, son aura sombre et malfaisante me percute violemment quand celle-ci se met en travers de mon chemin, alors que je me mets à courir à la recherche de mon père.

Cette ombre mystérieuse reste face à moi. Elle est très étrange, elle semble floue ou bien en mouvement, je n'arrive pas à décrire cette scène. Ce qui est sûr, c'est que je n'arrive pas à entrevoir ses traits dans cette pénombre. Toutefois, je suis tellement aveuglée par ces lumières lancinantes que mes yeux n'arrivent plus à faire l'apppoint.

– Heavan ? s'écrie une voix masculine.

Je reviens enfin à moi avant de m'effondrer au sol, complètement vidée de mon énergie. Des bras m'emprisonnent d'un coup et me secouent vivement telle une poupée de chiffon désarticulée.

C'est là que je l'ai entendu, qu'il est apparu dans mon champ de vision. Lui seul, venu de nulle part.

– Louis ?

***

(Prologue de mon histoire Devil's Lake)