Jour 61 : Vendredi soir
Aujourd’hui, c’est Halloween, une fête incontournable aux États-Unis. Ici, en France, je ne sais pas comment on célèbre vraiment ce jour, mais je doute que ce soit avec autant d’effervescence.
J’ai accepté l’invitation d’Angel à sa soirée, où je sais qu’elle sera entourée de sa bande de copines – et surtout de Marie. C’est principalement pour Marie que je suis là. J’ai aussi décidé de venir pour prouver que je peux m’intégrer, que je ne suis pas cette fille distante qu’on pense connaître. Peut-être que cela changera les regards et effacera certains préjugés.
J’ai envie de montrer que sous mon masque d’introvertie, il y a une adolescente qui cherche à s’épanouir, comme tout le monde.
Avec Angel, le courant ne passe clairement pas, je fais toutefois abstraction de nos tensions, espérant passer une bonne soirée, au moins pour Marie.
Vers vingt heures, je me rends à l’adresse qu’elle m’a envoyée. Le quartier est composé de maisons immaculées, flambant neuves, qui se ressemblent toutes. Ces maisons sont si parfaites qu’elles en deviennent impersonnelles, comme un décor trop soigné. Malgré leur charme, elles réveillent en moi des souvenirs amers de celle où je vivais avec ma mère : grande, vide et froide.
Je sonne, le cœur battant. L’idée d’être là, à leur merci, me stresse, mais il faut que je fasse un effort. Si cette soirée tourne mal, je pourrai au moins me dire que j’ai essayé. Après tout, j’ai réussi à briser la glace avec Louis. Pourquoi pas avec elles ?
La porte s’ouvre brusquement, libérant un flot de musique assourdissant.
– Salut, lance Manon en me dévisageant de la tête aux pieds, vas-y, entre.
Son ton sec me fait l’effet d’un coup de couteau. Mais bon, la soirée apaisera peut-être tout ça, qui sait ?
L’intérieur est irréprochable : des meubles modernes, un sol brillant, pas une trace de désordre. Tout semble trop parfait, presque oppressant.
– Les filles sont dehors, ajoute Manon en me bousculant pour passer.
Je vacille légèrement, mais je prends sur moi.
Ce n’est pas toi le problème ici, me répété-je en boucle, respire, Heavan. Tiens bon. Ça va le faire.
Même si mon instinct me hurle de faire demi-tour, je me dirige vers le jardin.
– Salut, lancé-je d’une voix un peu hésitante en arrivant près des filles.
Certaines me reconnaissent, d’autres non. Les inconnues me scrutent avec une méfiance glaciale, comme si ma présence était une intrusion.
– Heeeey ! s’exclame Angel en s’approchant, sa voix exagérément enjouée. Ça va ? Tu as trouvé facilement ?
– Oui, merci.
– T’es venue seule ? demande-t-elle, jetant un coup d’œil derrière moi.
– Bien sûr. Pourquoi ?
– Oh, pour rien, répond-elle avec un sourire qui suinte la fausse bienveillance.
Son expression me met mal à l’aise, néanmoins je tente de l’ignorer.
– Marie n’est pas là ?
– Non, elle n’a pas pu venir.
– Ah bon ? Pourtant, c’est elle qui m’a envoyé l’adresse. Elle m’avait dit qu’elle viendrait.
– Elle est malade. Dommage, hein ?
Son sourire s’élargit légèrement, quelque chose dans son regard me confirme que cette absence n’a rien d’un hasard.
– Oui… c’est dommage, murmuré-je, incapable de cacher ma déception.
Cette dernière s’éloigne avec un air hautain pour rejoindre les autres, qui se tiennent en cercle. J’ai la désagréable sensation qu’elles rient de moi dans mon dos.
Dans mon déguisement de gothique, je me sens affreuse. Mon père m’avait pourtant assuré que ça m’allait bien, mais il reste mon père, son jugement est forcément biaisé.
À l’écart, je m’assieds sur un banc, mon téléphone à la main. Je vérifie mes messages encore et encore, espérant un signe de vie de ma meilleure amie Lilith ou de quelqu’un d'autre, en vain.
Seule. Voilà ce que je suis.
J’essaie de me raccrocher aux souvenirs d’Halloween chez Lilith, où l’ambiance était toujours chaleureuse, mais ce soir, je suis au milieu d’une meute. Ces filles ne sont pas des adolescentes. Je les vois comme des prédatrices.
– Tu viens jouer avec nous ? demande soudain une voix près de moi.
Je lève les yeux et croise le regard de Chloé. Elle est un peu plus grande que moi, et son sourire me met toujours aussi mal à l’aise.
– Ça dépend. À quoi ?
– La bouteille. Tu connais ?
J’ai horreur de ce jeu, cela dit refuser serait leur donner une raison de se moquer davantage.
– Oui.
Sans réfléchir, je la suis.
Lorsque j’arrive près du groupe, les rires cessent brusquement. Les conversations se figent. Je m’assieds toutefois entre deux filles que je ne connais pas. Leur mépris m’écrase, mais je tente de garder contenance.
– À toi de jouer !
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Rock & Love
RomansHeavan est une jeune lycéenne en proie à la peur du jugement et à un profond manque de confiance en elle. Dans son nouveau lycée, elle peine à s'intégrer et se garde bien de s'ouvrir aux autres, redoutant les préjugés. Sa rencontre avec Louis, un...