Chapitre 83

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Jour 92 : le matin

Ce matin, je suis épris d'un courage soudain. Excitée comme une puce, j'ai hâte de retrouver Louis et de lui donner ce bout de papier en apparence insignifiant, mais où tous mes sentiments y sont éparpillés.

J'arrive en avance au lycée, car je sais que Louis y est toujours bien avant moi afin de fumer sa cigarette avant le commencement des cours.

Devant l'établissement, je ne l'aperçois pas, alors je file vers la salle de cours, avec cette même détermination.

Mon cœur ne fait qu'un tour lorsque je le vois, appuyé contre le mur avec flegme, les yeux rivés sur un bouquin.

- Je t'ai converti, on dirait, je lui lance en le prenant par surprise.

- Tu es déjà là ? s'écrit celui-ci, le regard brillant, en m'enlaçant la seconde d'après. Il faut croire que oui, tu as visiblement une bonne influence sur moi.

- Ça te va tout aussi bien qu'une guitare à la main.

- Tu es d'humeur flatteuse aujourd'hui ?

- Non. Enfin, je n'en sais rien, mais il y a une chose que je te dois.

Ce dernier fronce des yeux, ne se souvenant probablement pas de la mission qu'il m'a confié.

Alors sans plus attendre, je lui tends la feuille, la main tremblante. Louis la fixe un moment, mais au lieu de la récupérer, il emprisonne ma main dans les siennes, cessant ainsi l'angoisse qui commençait à envahir mon membre

- Tu y tiens vraiment ? me demande celui-ci, d'un air qui se veut sérieux, mais tout aussi tendu.

- Absolument ! j'acquiesce, motivée. Ta proposition n'étais pas que du vent pour moi, je t'ai pris aux mots et je l'ai fait.

Il pose enfin le regard sur cette fameuse feuille qu'il récupère. Le fait de ne plus la tenir entre mes doigts me fait une sensation bizarre, comme si un énorme poids quittait mon cœur. Un grand soulagement prend le pas sur ma hantise passée.

- Quand veux-tu que je la lise ?

Sa question me désarçonne, mais je trouve cela bienveillant de sa part. C'est vrai après tout, je pourrais me sentir gêné d'être à ses côtés pendant qu'il l'a lit. Le pire moment de malaise qui puisse avoir entre nous, c'est bien ça.

- Euh... Comme tu veux, je finis par répondre.

En y pensant, je ne suis personne pour lui dire quand lire un mot que j'ai écrit avec entrain et avec volonté.

- Alors je vais la lire maintenant, chantonne Louis, un brin sournois.

- C'est ça ! Moque-toi de moi !

Mon air renfrogné le fait marrer et alors il se rapproche de moi comme s'il allait me dévorer.

- Loin de moi cette envie, mais tu sais que j'aime te taquiner, murmure-t-il à mon oreille, en y déposant de légers baisers jusque dans le creux de mon cou.

Finalement, c'est durant le dernier cours de la matinée que Louis décide d'ouvrir ce papier que je commence à maudire au plus profond de moi.

Un sourire en coin, ses yeux font des va-et-vient au fil des phrases.

- Ne fais pas attention aux formulations, je n'ai pas corrigé, ni même amélioré les tournures des phrases. En fait, je ne me suis même pas relu.

Ce dernier pouffe comme s'il me prenait pour une idiote, quand il pose ses prunelles sur moi, je suis apeurée d'avoir trop dévoilé ce que je ressens pour lui.

- Tu te fiches de moi, Heavan ?

Son air sérieux me fiche la trouille. Je le savais ! Je n'aurais jamais dû m'ouvrir à ce point.

- Tu oses me parler de formulations ? ricane celui-ci, espiègle.

Il positionne la feuille sous mon nez, m'obligeant à la lire.

« Quand mes yeux se sont posés sur toi, mon cœur a manqué un battement,
tandis que tes yeux se sont tournés vers moi, au même moment.
Comment pourrais-je oublier cet instant, pourtant si éphémère,
mais qui m'a semblé compliqué à m'en défaire ?
Le temps est passé et nous nous sommes rapprochés,
petit à petit, les sentiments ont évolué.
Aux yeux des autres, nous ne sommes que des parias,
nos regards s'entrelaçant, face à cette pénible omerta.
Ton courage guérit mes faiblesses,
alors que mon amour colmate tes détresses.
Dis-moi que je ne suis pas la seule à ressentir ça,
fais comme moi et ne garde pas tout pour toi.

Nous ne sommes rien.
Seulement des pages vierges,
Agressées par l'encre d'une plume.
Nous sommes tout.
Des pages d'où émergent,
Des mots tortueux et posthumes.
Nous ne sommes rien.
Juste l'ombre de nous-même,
Prisonniers d'un sombre nuage.
Nous sommes tout.
Affaiblies d'anathèmes,
Arrachant notre plumage.
Nous ne sommes rien.
Simplement un vide immense,
D'amour divisé.
Nous sommes tout.
Envahis par l'errance
D'une âme torturée.

Quand mes yeux se posent sur toi, mon cœur manque un battement,
tandis que tes yeux croisent mes prunelles au même moment.
Cet instant éphémère est devenu notre quotidien
chaque jour de plus ne fait que renforcer notre lien.
Le temps passe et nous nous perdons dans nos sentiments,
petit à petit, notre amour devient plus grand.
Aux yeux des autres, nous sommes toujours des parias,
nos mains s'entremêlent obstruant cette omerta.
Ton amour soigne mes malaises,
mon courage panse tes plaies.
Dis-moi que je ne suis pas la seule à ressentir ça,
fais comme moi et ne garde pas tout pour toi.
À présent, je suis comblée.»

- J'ai écrit ça ?

Comment j'ai pu dire des choses aussi puériles ? J'ai honte de moi...

- Je trouve ça beau, intervient Louis, un sourire radieux à ses lèvres.

- Tu essayes de me rassurer...

- Pas du tout. C'est exactement nous, Heavan. Tu ferais une bonne compositrice.

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