FAUX DÉPART

08 || les fleurs.

14 février 2021, Paris.

Le jeune blond scruta le bâtiment, qui soudainement lui semblait immense. Il était fait en pierre blanche, ce qui lui donnait un aspect à la fois très massif et solennel. Les fenêtres semblaient si minuscules, comme perdues au milieu de la façade. Le soleil d'hiver se reflétaient à peine dedans, et il se fit la réflexion qu'elle ne devait pas apporter beaucoup de lumière dans les chambres. À la porte d'entrée, les gens ne faisaient qu'entrer et sortir dans un ballet incessant qui l'angoissait un peu. Il voyait défiler des hommes et des femmes en blouse blanche, sûrement du personnel médical, mais aussi d'autres personnes en tenue quotidienne qui semblaient toutes extrêmement tristes. Est-ce qu'elle était aussi triste ?

Pierre se mordit la lèvre. Cela faisait presque une semaine que la culpabilité le rongeait. Il avait simplement voulu faire le meilleur choix pour la jeune rousse, celui qui lui permettait d'être honnête vis-à-vis de son meilleur ami, pas celui qui l'enverrait à l'hôpital et la ferait replonger dans une spirale infernale. Son regard se posa de nouveau sur le bâtiment, qui lui paraissait si froid et si austère. Il ne put s'empêcher de l'imaginer, seule dans sa chambre depuis deux semaines. Il fallait qu'il y aille. Il devait la voir. C'était obligé.

Alors qu'il commençait à avancer, une bouffée d'angoisse monta dans son corps. Le jeune pilote s'arrêta, la main sur la poitrine en reprenant son souffle. Les souvenirs des deux années qu'il venait de passer se bousculaient dans sa tête et il ne put s'empêcher de se voir un an et demi auparavant.

13 juillet 2019, Silverstone.

- Tu penses qu'elle sera là ?

Pierre faisait les cent pas dans son motorhome, sous le regard inquiet de ses deux amis. Il ne savait absolument pas comment se comporter si la jeune fille revenait, et il avait vraiment peur de la croiser.

- Lando n'en a pas parlé, commença doucement le monégasque, et normalement à chaque fois qu'elle vient, il est tellement heureux qu'il n'a que son nom à la bouche. Et puis, je crois qu'il a dit qu'elle restait au Pays Basque jusqu'à son retour au Canada, il doit aller la voir.

Pierre soupira, soulagé.

- Je peux demander à George si tu veux être sûr, proposa Anthoine.

- Non non, c'est bon. Ça va aller de toute façon, même si elle vient, c'est pas grave non ?

Il tenta de sourire, sans vraiment y parvenir. Le résultat ressemblait plus à une grimace, ce qui brisa le cœur de ses amis.

- Tu sais, c'est ok d'être vraiment mal... dit le pilote de F2 en faisant attention à ses mots pour ne pas froisser son ami. Peut-être que tu pourrais en parler à quelqu'un...

- Non mais je vais bien ! S'exclama le pilote RedBull d'un ton qu'il voulait convainquant. Je vous jure que ça ne m'a pas autant touché que ça.

- Pierre, c'est pas grave si ça t'as touché, continua Charles. Et puis même, tu pourrais aussi parler de Red Bull de la pression permanente que tu reçois, ça te ferait du bien je pense.

- Merci de vous inquiéter les gars, mais vraiment j'ai rien à dire.

Il haussa les épaules, et pour cacher son trouble, sorti du motorhome, laissant ses deux amis désemparés.

14 février 2021, Paris.

Pierre soupira en pénétrant dans l'enceinte du bâtiment. Pourquoi tous ses souvenirs revenaient soudainement ?

Il s'arrêta quelques minutes devant l'entrée, sans oser passer la porte. Se retrouver face à un tel endroit était particulièrement douloureux pour le jeune homme. Et puis, il appréhendait de se retrouver face à la jolie rousse. Comment est-ce qu'elle allait réagir ? Est-ce qu'elle le détestait ?