OS 6-Le véto et l'acteur porno- 2

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Gaspard Dambreville

Je sors d'un haras dépité, où j'ai dû me résigner à abattre un cheval qu'ils ont trop poussé. Le résultat : il s'est cassé les deux jambes sur un obstacle.

Il est déjà tard quand je reçois un appel pour une bête à terre, chez celle que j'appelle la petite vieille. Je me dirige donc vers sa ferme, en bordure de forêt, dans le hameau de La Tuilerie, où elle vit seule avec ses deux vaches et son âne.

Les autres paysans ne l'aiment pas, sans doute de la jalousie. De ce que j'ai compris, de leurs commérages c'est que le mari était un ivrogne fainéant, le fils lui est parti en Australie laissant une ferme au bord de la faillite avant qu'ils ne s'en sont sortent miraculeusement. Elle m'a marqué et je l'aime bien cette petite mémé.

La première fois, elle m'a appelé pour son âne malade, trop vieux. Je lui ai proposé de l'euthanasier, trop souvent ce que les gens attendent d'un vétérinaire, mais elle n'a rien voulu entendre, elle y tenait plus que tout. La discussion était surréaliste, je la fixais en lui parlant de plusieurs milliers d'euros pour l'opération, alors qu'elle porte des chaussures usées, elle a insisté.

Elle m'a payé rubis sur l'ongle. Pourtant, elle vit pauvrement, la maison semble dépourvue de confort, elle ne porte que des vieux vêtements et n'a qu'une radio. J'ai découvert qu'elle est analphabète et n'a pas le permis.

J'ai eu l'impression de la dépouiller. Ensuite, j'ai été la voir à de nombreuses reprises parce qu'elle me fait pitié et je l'accompagne parfois au cimetière, où elle va seule à pied, à cinq kilomètres de chez elle. Ce n'est pas le fils qui est parti en Australie, j'ai vu son nom sur une tombe avec celui de son épouse. Ils sont morts dans un accident de voiture, laissant un enfant qu'elle a élevé. Un gamin difficile de ce que j'ai compris, mais ce serait lui qui a racheté la ferme et tous les terrains alentours.

Quand j'arrive dans sa cour de ferme boueuse, une silhouette masculine, dissimulé sous un sweat-shirt à capuche bleu marine, s'éloigne suivi par l'âne. J'ai le temps de remarquer le drapeau coloré arc en ciel sur son téléphone.

─ Bonjour docteur fait la petite vieille, qui sort de sa maison dans sa blouse bleue d'une autre époque.

Elle a des énormes pansements sur les deux jambes.

─ Merci d'être venu, c'est ma Dolly qui n'est pas bien ! Elle a le ventre tout gonflé. Je n'ai pas réussi à la ramener à l'étable.

Elle m'entraine vers le pré en marchant difficilement. Sa vache est allongée sur le côté, en effet la panse est anormalement enflée, mais surtout son sabot avant droit est tordu. Je repère les débuts d'un panaris, une infection nécrosante des tissus conjonctifs.

.─ Il faut la ramener dans l'étable, mais je ne veux pas que ce soit vous qui m'aidiez ! Vous n'avez pas l'air en forme ! C'était qui avec le sweat à capuche ?

─ Mon petit-fils.

─ Appelez-le pour qu'il vienne m'aider et allez-vous allonger !

Le garçon mystérieux arrive silencieux quelques minutes plus tard, alors que je suis accroupi pour cajoler la bête. J'ai déjà mis de l'antibiotique sur son sabot. Je m'efforce de ne pas penser à la coque de son téléphone et je sais qu'il a mon âge vingt-sept ans. Je vois des baskets, un bas de jean. Je me redresse en me demandant pourquoi je suis si intéressé. Ma solitude ne me réussit pas, si je me mets à sauter sur tout ce qui bouge. Debout, j'ai manqué tomber à la renverse. Ses yeux doux, cet air adorable, la fossette, et les cheveux noir corbeau, c'est le mec sur lequel je me branle par écran interposé : l'acteur porno américain.

Le garçon me regarde méfiant. Il m'a fui tout à l'heure, comme s'il savait que je mate du porno gay. Je me ressaisis, il n'y a aucune raison qu'il le sache et prend un ton professionnel destiné à l'impressionner et à masquer mon malaise.

─ Il faut faire lever cette vache malade, elle ne doit pas rester ici.

Il m'écoute silencieux, je fixe ses lèvres, me demandant quel gout elles ont.

Quelques dizaines de minutes plus tard, en ayant transpiré, nous avons réussi à rentrer la vache dans son étable. La petite vieille vient pour écouter mes consignes pour les soins.

─ Cela va aller pour acheter les antibiotiques ? Je peux...

Elle me coupe.

─ Nine va s'en occuper. C'est mon petit-fils, il vit en Australie, il est rentré pour me soigner car j'ai des ulcères dans les jambes.

Il ment à sa grand-mère le coquin, car la chaine porno est en Californie. En même temps, il est tranquille, il peut lui raconter n'importe quoi, elle n'ira pas vérifier.

Je me rappelle les rumeurs sur cette famille, sur un bon à rien qui trempe dans des trafics louches et une pédale. Je rassemble les morceaux du puzzle. C'est de lui dont les paysans envieux parlaient.

Je le dévisage, agacé à l'évocation de ces ragots, il ne se rend pas compte de combien sa grand-mère reste seule ici, détestée de tous. Lui, me fait face, un sourire ironique et des yeux agacés dédaigneux, conscient sans doute que je suis un de ses nombreux admirateurs.

─ Petit c'est le docteur qui a sauvé Noisette, explique la petite vieille.

Là l'improbable se produit. Nine, j'adore son prénom, me regarde désormais presque avec admiration ... parce que j'ai sauvé son âne. Il s'approche pour me serrer la main. Très près !

─ Vous savez il est très vieux ! Je ne pourrais pas faire de miracle la prochaine fois.

Il a aussitôt les larmes aux yeux et me supplie de tout tenter. Il m'explique que l'âne a son âge et qu'il y tient énormément, car il était son camarade de jeu quand il était petit. La vieille approuve et explique que l'animal cherche son maitre quand il repart.

Je hoche la tête, troublé par Nine, beaucoup plus que de raison. Il me plait tellement que c'en est douloureux. Il représente tout ce qui me plait chez un mec et je ne rêve que de le toucher.

Si je pouvais, je le guérirais à vie son âne. Je n'avais jamais fait le rapprochement avec mon âge, on multiplie par trois pour avoir une équivalence d'âge humain et en réalité Noisette a 81 ans. Mon téléphone bipe, j'ai trois demandes qui ont été enregistré par le standard des urgences vétérinaires, il va falloir que j'y aille.

Je fais mes adieux le cœur déchiré et pleins de questions dans la tête.

Pour la suite des soins je suis en mode automatique, mes pensées tournées vers Nine. Que fait-il dans cette région si paumée ? Comment ? Je le reverrais quand et sous quel prétexte ? Je souris amusé car j'ai eu la cote quelques instants avec lui, grâce à Noisette.

OS d'été - Des Boys love sous le soleil exactementOù les histoires vivent. Découvrez maintenant