Prologue

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Proserpine

Quatorze ans plus tôt

A cinq ans, j'ai déjà conscience que la vie est une garce. Tandis que mes amies sont ravies de voir leurs parents venir les chercher à l'école ou assister aux spectacles, moi au contraire j'en ai peur. Je ne sais pas pourquoi mais à la maison mon papa est toujours en colère tandis qu'une fois dehors il nous câline mon frère. D'ailleurs après les quelques sorties que nous faisons trop rarement, son humeur est plus sombre qu'a l'accoutumé.

Quant à maman, elle passe toute la journée dans le fauteuil un verre de vodka à la main. Elle ne se lave pas, ne fait pas à manger, ne m'aide pas pour mes devoirs. Non, c'est toujours mon frère Aaron qui s'occupe de tout ça. C'est grâce à lui que j'arrive à sourire tous les jours, mais j'étais loin de me douter que le pire était encore à venir...

Cinq ans plus tard.

J'ai fêté mes dix ans il y a quelques mois maintenant. Pendant que mes copines parlent de garçons et de mode, je vis avec la peur au ventre. Ma mère et mon père ont beaucoup changé au fil des années. Tandis qu'elle s'est reprise en main et ne touche plus une goutte d'alcool, mon père n'en a plus rien à faire de l'opinion des gens – que ce soit celle des gens du Club dans lequel il est membre ou celle des habitants de la ville – et ne cache plus son vrai visage. Alors qu'elle fait de nouveau attention à elle, se maquillant et s'habillant chiquement, et sort tous les soirs ; mon père est encore pire qu'avant. Depuis des années il maltraite Aaron à l'abri des regards et du Club. Cependant aujourd'hui tout est différent.

Ma mère voit un autre homme, c'est pour ça qu'elle s'est fait belle, et ça mon paternel ne le supporte pas. Il s'est donc à son tour plongé dans la douce illusion que procure l'alcool. Un peu plus tôt dans la journée, alors que je suis dans ma chambre, des cris se font entendre. Je sais que mes parents se disputent une fois encore. Je cherche autour de moi un endroit où me cacher. Mais ce n'est pas dans cette pièce que je vais trouver une planque. Loin de ressembler à la chambre d'une fille de dix ans, la mienne est vide. Un lit, vissé au sol, trône sur la droite. Il fait face à une planche sur deux tréteaux qui me sert de bureau, une commode de troisième main – si ce n'est plus vu son état – et une chaise pliante qui devait être confortable au moins mille ans plus tôt. Les murs autrefois blancs sont jaunis par toutes les cigarettes qui ont été fumées ici et le seul radiateur de la pièce ne tient au mur que par la volonté d'une force surnaturelle.

Le seul endroit où me planquer est dans la chambre de mon frère, son armoire est assez grande pour que je puisse y entrer et fermer la porte derrière moi. J'ouvre donc doucement la porte de ma chambre avec la peur au ventre, tout en fermant les yeux. Comme en réponse à ma prière silencieuse, pour une fois celle-ci ne grince pas.

- Tu te fous de moi ? demande mon père à ma mère d'une voix menaçante.

- Non, répond-elle calmement, je te quitte pour vivre avec lui.

- Et les gosses ? Tu y as pensé ?

- Je n'en veux pas. Je n'en ai jamais voulu. Ce ne sont pas que des parasites ! Garde les, vend les, tue les, je m'en fiche.

Ce sont les derniers mots de ma mère que j'entends. Celle-ci part de la maison en faisant claquer ses talons sur le parquet et la porte d'entrée derrière elle. Le plus silencieusement possible je rejoins ma planque en espérant que mon frère sera bientôt de retour chez nous.

J'ai dû m'endormir dans ma cachette car c'est le bruit de porte qui claque et les hurlements de colère de mon père qui me réveille en sursaut. Je retiens ma respiration, écoute d'où proviennent les bruits. Ce sont les portes du placard de la cuisine qui claquent. J'ai encore un peu de temps avant qu'il monte à l'étage. Je remarque alors que la lumière du jour qui filtrait à travers l'armoire a été remplacée par l'obscurité de la nuit.

Pluton's Sons - OpsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant