13. Au sein de la GoldMine

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Mes pieds tapent sur le bitume, ma respiration devient de plus en plus saccadée et dans ma bouche le goût métallique de l'effort se fait sentir. Ça m'apprendra à passer mes journées dans les bureaux au lieu de faire du sport. Pourtant, hors de question de ralentir.

Je cours comme si ma vie en dépendait. Je n'ai même pas eu le temps d'expliquer quoique ce soit à Silvio ou à ma marraine. Le seul dans la confidence est Rob et je l'aperçois me faire de grands signes devant la porte d'un immeuble moderne. Le siège parisien de la GoldMine.

Même si j'arrive essoufflée, pieds nus et les cheveux emmêlés, Rob m'accueille sans surprise en degainant son badge d'employé avant même que je n'ai pu ouvrir la bouche.

Nous nous engouffrons dans le hall blanc et silencieux, Rob passe devant les réceptionnistes.

" Elle est avec moi !" lance-t-il et les barrière de sécurité coulissent pour nous laisser passer. Ici, tout le monde sait qui est Rob. Le vigile tente de nous barrer le passage car il doit quand même vérifier les sacs de tout le monde.

- Pas le temps ! Rob lui lance mon sac en s'excusant. On sera en salle de conférence, dernier étage. Elle reprendra son sac après.

Une des deux réceptionnistes intervient en prévenant qu'elle s'en occupera. A son sourire, je devine que Rob lui plaît. Il lui sourit chaleureusement malgré le stress.

Nous longeons les couloirs tapissés de tableaux modernes et pénétrons dans un ascenseur étroit, éloigné des immenses ascenseurs du personnel habituel. Je suis déjà venue enfant ici, je sais que c'est l'unique ascenseur qui déssert directement le dernier étage.
Pour y avoir accès, il faut avoir le même badge que Rob : celui réservé à la famille et aux membres du personnel dédié au PDG ou aux membres du conseil d'adminitration.

J'enfile mes escarpins en m'appuyant sur l'épaule de Rob et tente de me recoiffer devant le miroir. J'ai l'air d'une folle, les joues rouges, je commence à transpirer maintenant que mon corps est à l'arrêt.

- Compte-rendu ? je demande dans un souffle à Rob.

- J'avais rendez-vous au service marketing après être passé au service courrier.
Matthias est apparu dans le couloir en exigeant de voir le PDG.

Je hoche la tête. Rob ne prononce jamais le prénom de son père dans les locaux. Il l'appelle le PDG.

- Je ne pensais même pas qu'il serait reçu sans rendez-vous, soupire-t-il. Mais figure-toi qui a eu le feu vert pour aller au dernier étage sans attendre ! L'assistant personnel du PDG l'a escorté au dernier étage. Contrairement à moi, Matthias n'a plus de badge VIP depuis qu'il a été exclu...

Oui, ça remonte à presque dix ans... Matthias a failli détruire l'entreprise simplement pour s'amuser. Un petit jeu qui a été puni par un exil permanent aux États-Unis, loin de la GoldMine.

- Mais qu'est-ce qu'il voulait ? je demande.

- Je ne sais pas, il avait un contrat en main et j'ai juste entendu ton prénom, avant qu'ils ne s'enferment en salle de conférence. Comme tu le sais, elle est insonorisée, donc rien ne filtre.

Effectivement, Louis Duval négocie des millions d'euros à chaque transaction et il ne laisse jamais fuiter aucune information. Dans chaque siège de la GoldMine, des salles sont insonorisées. On dit même qu'il existe des brouilleurs d'ondes pour empêcher tout accès à internet et protéger les conversations si la pièce était mise sur écoute. Louis a la folie des grandeurs, la peur de l'espionnage industriel, allez savoir pourquoi. Ici, ce n'est pas la NASA, ou l'armée, juste une agence de mannequinat.

- Un contrat, je tilte. Oh bon sang ! C'est le contrat que j'ai fait modifié il y a une heure. J'ai dit à Shana de l'envoyer directement aux parties prenantes pour confirmer mon accord si elles contre- signaient ma proposition. J'ignorais que Matthias...

En même temps, c'est logique car il est impliqué dans la transaction mais il n'est pas signataire. Je suis perdue !

Nous sortons de l'ascenseur. Mes talons s'enfoncent dans l'épaisseur du tapis à longs poils, les éclairages ici sont plus tamisés. On ne dirait pas des bureaux mais un salon ou une bibliothèque, sur les murs j'aperçois des tapisseries du moyen-âge et quelques tableaux médiévaux tiennent compagnie à des sculptures contemporaines. L'ambiance est feutrée.

J'ose à peine respirer. Ça me rappelle le château de nos jeux d'enfance. Celui où j'ai rencontré Matthias pour la première fois.
Cela n'a néanmoins rien de chaleureux. Le but est de prouver que la GoldMine est ancrée dans l'histoire depuis des générations, autant que la famille Duval. La façade moderne ultra-luxueuse de l'immeuble est simplement là pour l'image : un moyen de prouver que le futur appartient aussi à l'entreprise et qu'elle est de son temps.

Nous nous arrêtons devant une énorme porte de bois, travaillée comme un objet de marqueterie précieuse. Même cette porte est un objet d'histoire. Derrière, Matthias et le PDG sont-ils en train de s'égorger ? Puis-je vraiment faire irruption comme ça, sans invitation et sans m'annoncer ? C'est hautement gênant.

J'étais beaucoup plus sûre de moi il y a trois secondes. Je suis en train de voir la réalité en face : ma présence pourrait être vue comme un affront et envenimer la situation.

- Je sais ! murmure Rob qui a compris mon hésitation. Je vais t'aider.

- Comment ?

- En faisant ce qu'on attend toujours de moi : jouer au beau gosse un peu naïf, mon père ne me prend jamais au sérieux. C'est ma meilleure arme pour être toujours là où on ne m'attend pas. Tu ne peux pas savoir toutes les infos auxquelles j'ai accès grâce à cela. Franchement, il pose ses mains en coupe autour de son visage parfait, qui n'a pas envie de me faire confiance avec ce si joli regard innocent.

Il fait une petite moue irrésistible. La même qu'il destinait aux photographes à l'époque où, enfant, il jouait au mannequin avec moi. On l'avait surnommé le petit prince de la mode.

Je ris, il est drôle tout le temps, puis je pose une main sur ma bouche pour ne pas être entendue. Rob est trop fort pour jouer les petits garçons naïfs. Maintenant qu'il est majeur, il ajoute à son aura de gendre idéal, un charme incroyable dont il a conscience. Les filles en sont folles, les garçons aussi... Mais lui, il préfère rester célibataire depuis toujours. Allez comprendre...

- Suis-moi dans mon délire, il me fait un clin doeil et ouvre la porte d'un coup. SALUUUUUUT ! lance-t-il. Maman demande si ce soir, tu viendras dîner ou... Tiens, Matthias ? Mais tu étais là ?

Louis Duval pivote sur son énorme fauteuil de cuir avec un regard glacial.

- Je suis en réunion ! dit-il d'un ton neutre mais sans appel.

Matthias se retourne vers nous. Je sens son regard se poser sur moi, je me redresse. Il est temps d'entrer dans l'arène.

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Rdv vite pour la suite ! ❤

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