36. Souvenirs et incendie

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Un cube gigantesque semble surgir devant moi. Je l'ai confondu avec une cloison blanche et je reste atone lorsque Matthias fait coulisser sa paroi étroite.

« Peux-tu te placer ici juste quelques instants.

- Là-dedans ? je demande, étonnée, en détaillant les ingénieurs concentrés sur leurs écrans, juste derrière Matthias. Pourquoi, eux, n'y vont-ils pas ?

- L'espace est réduit, on ne peut pas y entrer à plusieurs. On va faire un test de quelques minutes, pour des prises de vues.

Matthias se penche, sa main se tend vers moi et m'effleure doucement l'oreille. Je recule comme s'il m'avait brûlée.

- Qu'est-ce que tu...

- C'est pour placer ces détecteurs sur tes tempes.

Je fixe le bout de ses doigts et sa paume qu'il ouvre : de petits ronds de couleur crème et adhésifs au cœur desquels est fixé un drôle de truc en fer. Comme une punaise miniature.

- Je dois les coller à certains endroits de ton visage et de ton cou pour vérifier qu'on capte bien une fois la porte fermée. Nous allons ainsi reproduire tes mouvements et faire des prises de vues en 3D. Comme ce n'est qu'un test, je n'en mets qu'ici (il montre ses tempes), là (à la base de son cou) et ici (derrière la nuque). Si tu préfères, je peux demander à une ingénieure de le faire.

Je n'aime pas l'idée qu'une inconnue me touche. Quant à Matthias... cela me gêne également.

- Je peux le faire moi-même, je décrète.

- Non, tu ne peux pas. On doit les positionner à des endroits précis. J'appelle quelqu'un.

Je souffle, c'est bon, je ne vais pas faire d'histoire pour si peu. Pour Matthias, cela ne change rien. À ses yeux, ma peau ou un bout de bois sont équivalents. Restons pros :

- Vas-y, dis-je en dégageant mes cheveux de mon visage.

Il se penche doucement vers moi, ses cils noirs battent un peu derrière ses verres fins, il est concentré. Je fixe l'arrête de son nez, ses joues un peu rosies par la chaleur de la pièce, ses lèvres charnues. Son parfum m'embrasse par inadvertance et je ferme les yeux une seconde.

Les doigts de Matthias effleurent mes tempes, doucement. J'ouvre le col de mon chemisier bleu en soie sauvage, deux détecteurs s'y posent aussi légèrement que des ailes de papillon. Je me retourne et soulève mes cheveux en queue de cheval, ma nuque est offerte. J'attends... Qu'est-ce qu'il fait ? Pourquoi ne bouge-t-il pas ? Je fais mine de me retourner, sa main se pose sur le sommet de mon crâne pour m'empêcher de bouger.

- Reste immobile, s'il te plaît.

Cette fois, il colle un peu plus maladroitement son sticker avant de s'éclipser de l'autre côté de la pièce comme un voleur, ses cheveux cache son regard. Quelle mouche l'a piqué ?

Je pénètre dans la boîte. À l'intérieur, elle est entièrement peinte en noire. C'est assez déstabilisant. Lorsque je referme la porte sur moi, je me retrouve dans l'obscurité la plus complète. Je suis mal à l'aise.

- Vous pouvez allumer, je crie.

- Tu m'entends ?

Je sursaute à la voix de Matthias. J'ai cru qu'il était là, mais je suppose que c'est un micro caché dans la paroie.

- Ou... Oui, je couine décontenancée.

- L'obscurité est normale. Tiens-toi droite et ne bouge pas. On va déclencher des flashs en alternance à différents endroits tout autour de toi. Compte jusqu'à cent et ce sera fini pour le test. Es-tu prête ?

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