78. Remords

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- Silvio ? Que fais-tu ici ?

- C'est ma chambre. Je croyais que tu en avais exigé une autre ?

Je me relève aussitôt, prenant conscience de la situation, alors qu'il desserre sa cravate et s'assied à bonne distance de moi, près d'une fenêtre. La nuit est tombée pendant que j'étais absorbée par ma lecture.

- La diffusion du clip avec les tenues HC est terminée. C'était incroyable, les équipes de Beauty Inc. ont rendu justice aux créations. Nos... créations, ajoute-t-il plus bas.

- NOS créations, je répète en essuyant mes larmes du revers de la main.

- Je te demande pardon, Roxanne. Je n'aurais jamais dû agir comme ça. Je me suis senti en danger et fragilisé.

- Toi en danger ? je hausse les épaules, incrédule.

- Je n'ai jamais travaillé ailleurs que pour la Maison Rosso. J'ai cru que je n'arriverai pas à me relever de cette faillite.

- Tu es brillant. Tu pourras toujours créer ailleurs.

- Mais pas sans toi.

- Quoi ? je fronce les sourcils, méfiante.

- J'ai toujours créé avec toi. Avec toi, c'est plus facile. Tu as... tu es brillante, tu sais ? Chaque fois que j'hésitais, tu trouvais la solution, qu'elle soit créative ou opérationnelle. Sans toi, je suis incapable d'achever une collection. Incapable ! il passe une main dans ses cheveux et soupire.

- Pourquoi tu nous as fait ça, Silvio ! je lève les bras dans un geste d'impuissance. On aurait pu continuer comme avant si tu m'avais soutenue. Si tu t'étais battu à mes côtés pour sauver la Maison Rosso.

- Je n'en avais plus la force, Roxanne. J'espérais me reconvertir dans une autre branche, avant que tout le monde se rende compte que dans le stylisme, je ne fais pas le poids face à toi. C'est toi le génie.

- La décoration pour l'évènementiel, c'est vraiment ce que tu veux faire ?

- J'ai aimé m'occuper du The forest et de la boîte de nuit. J'y ai retrouvé une joie que j'avais perdu depuis longtemps.

- La joie ? Tu n'aimais pas créer avec moi ?

Il hoche la tête, des mèches poivre et sel tombe sur son front.

- Quand on s'est rencontré, tu me suivais partout et tu suivais mes idées et mes recommandations. Avec le temps, tu as très vite pris le dessus, fait preuve de plus d'innovation que ce dont j'étais capable. J'étais dépassé et un peu envieux. Je me suis rendu compte que ce n'est pas toi qui grandissais dans mon ombre, mais bien moi qui ne progressais plus. J'étais bloqué. Incapable de nouvelles idées. Complètement à sec depuis l'incendie.

- Mais la collection HC est...

- Elle es magnifique, admet-il. La plupart des idées, les corrections des esquisses, les discussions avec l'atelier, c'était toi. Je me suis senti en retrait et j'ai compris, Roxanne. Tu n'as plus besoin de moi. C'est moi qui avais besoin de toi. En tant qu'artiste, c'est une constatation ignoble à faire. J'étais dépassé. Vidé de tout sens créatif. Je ne me reconnaissais plus dans ce que nous faisions. Je devais...

- ...me rendre malheureuse en me traitant de la sorte ? je me braque.

- Me réinventer. J'avoue que j'ai cherché à protéger le peu de fierté qui me restait. Je préférai enterrer la Maison Rosso que de devoir subir une collection où je n'avais plus rien à insuffler. J'avais peur que tout le monde s'en rende compte.

- Cela n'excuse pas ta méchanceté et tes coups bas ! je le toise.

- Je te demande pardon. Te voir te démener comme tu le faisais, avoir l'inspiration pour créer de rien une nouvelle collection capsule en sortant de mois de travail, sous la pression des banques, chercher le soutien d'un homme aussi influent que Louis Duval. Tu m'as impressionné. J'ai ressenti une jalousie intense pour la femme que tu devenais. Je me sentais nul et misérable. J'ai donné le change en me chargeant de la décoration du Forest. Mais quand j'ai appris que tu allais travailler avec Matthias, là j'ai vrillé. J'ai compris que je ne ferai jamais le poids. Et puis, j'ai eu peur qu'il te dise la vérité.

- La vérité sur quoi ?

- J'ai déjà rencontré Matthias.

- Au lycée de Jay, je suis au courant.

Mon regard tombe sur l'écran de mon ordinateur qui éclaire comme une veilleuse la pièce dans l'obscurité.

- Et aussi, lors de la campagne « oui, si ce sont des Rosso », je murmure en pensant aux messages de Matthias. Il est venu te voir, n'est-ce pas ?

Il hoche la tête.

- Raconte-moi !

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Vous êtes prêts pour la suite ?

Que pensez-vous des sentiments de Silvio ?

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