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61. Un ancien cadeau

Je fouille tout au fond de ma penderie. Je le savais : ma malle est ici ! Stella m'aide à la sortir, elle pèse son poids, ma parole. Ce sont les habits que j'ai cousus quand j'étais adolescente, je reconnais avec un sourire l'étiquette brodée par mes soins. La rose et le double R de ma période collège-lycée, je m'étais déjà donné du mal.

Stella regarde les tenues et choisi un jean brut, un débardeur gris, une chemise à carreaux verts ainsi qu'un gilet noir à capuche. J'aperçois le tissu vaporeux de la robe que j'avais portée lors de ce terrible anniversaire. Je tire sur le tissu par curiosité. Un petit paquet plaqué contre le bord de la caisse tombe sur mes genoux. On dirait... je déglutis. On dirait un des présents que j'ai reçus. Pourquoi ne l'ai-je pas ouvert ? Qu'est-ce qu'il fait ici ?

— Tu vas rester chez Matthias longtemps ? je demande en analysant l'emballage cadeau intact.

Le paquet tient dans la paume de ma main, j'ai la nausée en repensant à mon passé. La dernière fois que j'ai vu Matthias. Lorsqu'il embrassait Shana.

— Je ne sais pas... dit-elle, gênée.

— Dans ce cas, tu vas avoir besoin de plus de tenues, je demanderai à Jay de m'aider à livrer toute la boîte chez lui.

Je ne veux plus de ce passé. Je ne rentrerai de toute façon plus jamais dans ces tenues.

— Vraiment, tu me prêtes tout ça ? Merci beaucoup. En revanche, je peux tout emmener moi-même !

Je secoue la tête, ça va être trop lourd pour elle. Je demanderai de l'aide à Jay après les cours et...

— Mince ! je regarde ma montre et me relève d'un bond. J'ai un rendez-vous urgent. Je vais aussi te préparer une trousse de toilette avec tout ce qu'il faut pour les cas comme aujourd'hui, change-toi vite. Si tu as besoin de quoi que ce soit, je suis là. Matt n'est pas une personne facile, donc si jamais tu veux parler avec quelqu'un d'autre, n'hésite pas à venir me voir.

— Il n'est pas si horrible que ça ! Stella se braque. Il m'a accueillie chez lui quand je n'avais nulle part où aller, pour moi il est génial !

Je suis un peu décontenancée par son ton choqué. Elle l'adore, à n'en point douter.

— Si tu lui fais confiance et que c'est réciproque dans ce cas, tout va bien, je la rassure.

— Bien sûr que je lui fais confiance ! Je ne suis pas une fille naïve, je sais qu'il fonctionne autrement quand il exprime ses sentiments, je sais aussi qu'il est sincère. C'est juste que... que dans sa tête la logique est différente, il y a plus de chiffres que de mots, il exprime moins ses sentiments, mais... mais...

Elle l'a compris... c'est rare. Je suis contente et soulagée à la fois. Peut-être qu'une pointe de jalousie perce aussi en arrière-fond. Je serre le petit paquet dans ma main, le dissimulant de sa vue. Avant, il n'y avait que moi pour réagir ainsi si on parlait mal de mon meilleur ami.

— Il a de la chance de t'avoir près de lui, je murmure comme pour moi-même. Je ne voulais pas te contrarier. Soyons amies, si tu veux bien.

— Uniquement si tu ne dis plus jamais de mal de M. Duval.

Je lui tends la main :

— Promis.

Elle me serre la main, visiblement soulagée.

— Il se passe quoi, ici ? s'étonne Jay. C'est l'heure, mademoiselle la sécheuse ! On y va ?

— En... Ensemble ? Stella recule et me regarde comme une biche aveuglée en pleine nuit par les phares d'une voiture.

— Le premier arrivé, paye une glace à l'autre, déclare-t-il, l'épaule contre le chambranle de la porte.

— C'est ton argent, tu le gères comme tu veux, répond Stella en relevant le menton.

— Oh, t'es bien sûre de toi, demi-portion ! s'amuse Jay.

— Je te rejoins, je dois me changer d'abord.

— Mets pas trois heures !

— Prépare toi, frimeur.

Le coin de la bouche de Jay se lève en un sourire discret.

J'observe la scène en me retenait de rire. Ah ouais... « elle va JUSTE au lycée » avec lui ?

Stella file se changer tandis que Jay quitte mon dressing.

— Bats-le, je compte sur toi ! je l'encourage. Je vous laisse, je dois y aller. »

Je quitte la pièce et part dans la chambre adjacente. Il me faut quelques instants, assise sur le bord de mon lit, pour calmer l'angoisse qui affleure quand je fixe le petit emballage intact posé sur mes genoux. Je crois... que c'est ce que Matt m'a offert pour mes quinze ans. Mes doigts tremblent en caressant le petit nœud doré noué dessus. Je n'ai aucun souvenir de cette soirée après ma crise de panique qui m'a conduite directement à la clinique. Personne n'a jamais plus mentionné Matt devant moi, sauf Rob à de rares occasions. Mon père bottait en touche dès que je prenais de ses nouvelles. Louis Duval était paraît-il furieux contre son fils aîné pour une raison que je ne m'explique pas. Je n'ai plus jamais eu de ses nouvelles. C'était comme si Matthias avait été rayé de nos existences. Ma peine immense se soignait dans ce non-dit permanent. J'ai même changé d'établissement scolaire après mon passage à la clinique. Et puis, j'ai rencontré Silvio. J'ai pensé devenir styliste professionnelle aussi. Je suis devenu adulte. J'ai oublié Matthias comme ce paquet : coincé dans une partie reculée de ma vie, sous une montagne de nouvelles créations.

Alors pourquoi suis-je incapable d'ouvrir ce cadeau ? Je me penche vers ma table de nuit, fait coulisser le tiroir intégré et jette le paquet au fond. Je me rends compte que je recommence à respirer normalement seulement quand le tiroir se referme dessus.

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Le mystère est intense !

D'après vous, quel est le cadeau de Matthias ?

On se retrouve vite pour la suite 😉