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54. Rapprochement

Je n'ai pas osé regarder les réseaux sociaux ce matin. Je préfère faire l'autruche. Et boire un thé au jasmin, en discutant avec Blanche.

« J'espère être compétente, elle hoche la tête en regardant l'heure, un peu stressée. M. Duval n'a pas l'air commode, j'ai eu l'impression que c'était un maniaque du détail.

Je sourie dans ma tasse. Je ne m'habituerai jamais à ce qu'on appelle Matthias ainsi. Cela m'avait fait le même effet quand Stella le disait.

- Tu crois que son fils lui ressemble ? Genre petit brun à lunettes qui maîtrise tout ? »

Je rigole. Il n'y a pas plus différent que Matthias et le petit Théo. Je n'ai pas le temps de répondre que Blanche part déjà me mentionnant son désir d'être ponctuelle pour son premier jour. Et comme Jay a passé la nuit chez Rob, je me retrouve seule.

Je dois m'organiser. Le mieux est que je puisse parler d'abord avec mon père de la situation. En douceur pour ne pas le faire paniquer, je lui envoie un message pour l'inviter à déjeuner dans une petite brasserie près de son appartement. La maison où je vis lui rappelle trop de souvenirs avec ma défunte mère, alors je l'ai entièrement redécorée. Malgré cela, il n'aime pas y venir et a préféré me laisser y habiter. Parfois il est long de faire le deuil d'une personne qu'on a follement aimée.

Je n'ai jamais pleuré devant mon père depuis le décès de ma mère. J'avais l'impression que je n'en avais pas le droit, car il souffrait tellement. D'une certaine manière, je n'ai jamais fait mon propre deuil. Je l'ai soutenue comme j'ai pu avec mes petits moyens d'enfant. C'est peut-être de là que vient mon désir de sauver les gens sans faire face à ma propre peine. Me consacrer à ceux que j'aime me semble plus légitime et plus noble que de penser à moi. Matthias avait raison : je n'ai pas changé. Il est peut-être temps que je fasse des efforts pour penser à moi.

Qu'est-ce que je veux vraiment ? J'attrape une feuille et un stylo bleu pour noter en vrac tout ce qui me passe par la tête.

En tête de liste : sauver ma Maison. Hum... encore une fois, je parle de sauver quelque chose. Lancer le double R et en faire mon projet de vie professionnel. Ah, c'est déjà mieux puisque c'est uniquement pour moi. Et personnellement ? Rompre un bonne fois pour toute avec Silvio. Si possible qu'on reste amis. Malgré tout ce qui se produit actuellement, je l'ai vraiment aimé et j'ai été heureuse lui pendant plusieurs années. Je soupire, qu'est-ce que je veux vraiment à part cela ? Mon téléphone sonne soudain et je sursaute. Une notification de Pomme-d'amour ? Je lâche mon stylo pour regarder le message.

Le SAV de Pomme-d'amour souhaitent vous rappeler votre vœu d'inscription :

« Je souhaite qu'on se rapproche avec mon ancien ami d'enfance pour mieux se comprendre. »

Souhaitez-vous :

CONFIRMER ou CHANGER

Votre souhait ?

Si votre vœu s'est réalisé, vous pouvez confirmer et en faire un second.

Ah, ça c'est la meilleure ! Merci pour la piqûre de rappel ! Je pose mon menton dans la paume de main et soupire, accoudée sur l'îlot central de la cuisine. Je ne sais pas si je comprends mieux Matthias, mais on ne peut pas douter qu'on se rapproche doucement. Peut-être que nous pourrions réellement redevenir d'aussi bons amis qu'avant ? Je me mords la lèvre inférieure. Non... parce que je l'aimais tellement que si je devais supporter à nouveau son départ brusque et sans explication, je ne saurais pas comment réagir. Est-ce pour cela que je reste toujours un peu sur mes gardes ? J'ai des craintes à cause de ce trauma d'enfance ? Peut-être que pourrais-je lui en parler ouvertement et lui dire à quel point j'ai été triste (enfin triste, c'est un euphémisme) ? Que je l'ai vécu comme un abandon et une trahison. Oui mais... si je le lui dis, il faudra que je lui avoue que je l'aimais. Et ça, je ne suis pas prête. Il va être dégoutée de mes mensonges car j'avais promis de ne jamais l'aimer. Mes mains remontent dans mes cheveux et mon visage est si près de l'écran de téléphone que je finis par loucher sur la phrase qui s'affiche sur fond bleue :