Les Voltigeurs

Chapitre 16

Avec l'accord passé avec le patron de la BAV, Lucie avait récolté en bonus un appartement tout neuf qui changeait du taudis dans lequel elle vivait depuis des années. Elle tourna sur elle-même en plein milieu du salon, superposant cet endroit sur celui de ses souvenirs. C'était fou comme il ressemblait au logement de fonction que ses parents avaient. Après tout, son père avait été un agent lui aussi.

Elle remonta le couloir, seuls les matériaux et les couleurs étaient différents, plus modernes. La disposition de l'appartement était la même, une petite entrée, une cuisine sur la droite, un salon et salle à manger sur la gauche, un couloir menant vers les deux chambres et une salle de bain. La sienne avait toujours été à gauche, avec la vue sur la petite fontaine du parc en contrebas. Ici il n'y avait que des buildings, pas de verdure.

Elle avait un immense sourire sur le visage, il faisait briller ses yeux de ce bonheur simple et enfantin alors qu'elle activait la musique sur son téléphone et dansait dans le couloir comme auparavant. La BAV lui avait fourni le dossier sur ses parents et elle avait disséminé des photos de famille partout dans l'appartement. La musique préférée de ses parents se lança et Lucie les fit apparaître en projetant ses souvenirs à travers ses yeux, dansant avec leurs hologrammes.

Salem la regardait depuis le bout du couloir et elle coupa la diffusion de ses souvenirs pour s'avancer en rythme dans la direction de l'animal. Elle se baissa un peu, prenant la tête du félin entre ses mains et dansant avec lui, presque front contre front. Il se mit à ronronner bruyamment, ses yeux tournant au violet.

« Bienvenue à la maison Salem, elle te plaît j'espère », elle lui chuchota, un sourire radieux peint sur le visage.

Peu importe le lieu, tant que Salem était proche de sa maîtresse, son corps tout entier vibrait de satisfaction. Il aurait pu dormir sous la pluie sur un banc pour elle, il aurait pu mourir de faim si elle ne pouvait pas s'occuper de lui, il aurait tout donné pour elle. Parce qu'il n'y avait qu'une personne qui l'avait traité avec amour et respect. Il lui était redevable car elle lui avait donné une vie bien remplie et un amour sans failles.

C'était étrange, cette impression de revivre, d'avoir un but dans la vie et d'être à sa place. Elle avait trop longtemps erré à fonctionner comme une machine pour remplir ses journées monotones, le seul brin de soleil qu'elle connaissait fut un temps était Sacha. Depuis les choses avaient bien changé, elle s'était faite d'autres amis et elle avait enfin retrouvé les souvenirs de son passé, ses racines. Elle avait désormais l'impression d'être un être à part entière. A travers des agents comme Thomas et Isaac, elle pouvait comprendre pourquoi son père avait décidé de se donner corps et âme dans la BAV. Il avait vu l'espoir, des agents avec de la jugeote et beaucoup d'humanité, les bons éléments. Mais il n'avait pas su voir le monstre sous le masque de Samuel cependant...

Les trois compères étaient assis dans les bureaux de la BAV, deux bureaux, un faux plafond, un sol en carrelage, rien de bien différent des locaux administratifs classiques. Ils se trouvaient dans un gratte-ciel plutôt récent, donc tout était propre et moderne. La sécurité était au point ici, et depuis la fenêtre on pouvait voir deux arrondissements à la fois. Les néons crus en LED étaient bien visibles depuis l'extérieur à la nuit tombée.

Thomas était assis sur une chaise à roulettes, les pieds croisés sur le bureau et lançant une balle de tennis en l'air. Isaac survolait des centaines de vidéos de surveillance, de témoins, tout ce qui circulait sur internet et sur le réseau interne de la section spéciale. Lucie était assise sur le canapé, perdue dans ses pensées alors que Salem servait de chat de compagnie aux employés de la BAV dans les autres bureaux, récoltant son lot de caresses et friandises. Ils étaient devant une impasse, chaque jour les pions du Corbeau menaient des attaques pitoyables contre les locaux de la BAV, mais celui-ci ne pointait jamais le bout de son nez. Ils se demandaient ce qu'il avait derrière la tête, rien n'avait de sens.