Chapitre 10

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Je crois que je n'avais jamais vu une chambre destinée à une seule et unique personne, aussi grande et spacieuse. Il n'y avait qu'un seul lit disposé dans un coin de la pièce, mais si nous le souhaitions, dix autres auraient pu se rajouter sans problème. La tapisserie était de couleur rose bonbon parsemée de pois d'un violet très clair ; la chambre d'une parfaite petite fille. Des centaines, des milliers de jouets étaient rangés dans des tiroirs de grandes dimensions afin de réunir tous ces objets très divers et différents. Des poupées traînées sur le sol recouvert d'un long tapis aux reflets dorés. Un matelas, recouvert d'un drap de la même couleur que la tapisserie, était posé sur un lit en bois de chêne. Dans le chevet était creusé un petit cœur, les pieds du lit en question étaient en or, ressemblant étroitement à des pattes de lion, et des courtines parsemées de fleurs d'un rouge assez fade, aux bordures en dentelles, flottaient des deux côtés du lit. Une atmosphère impérieuse se dégageait de ce meuble. Je repensais avec amertume à mon simple lit, ma chambre banale et mes quelques meubles contenant de pauvres objets cassés ou rouillés par le temps.

- Depuis le temps que je n'ai plus posé le pied dans cette pièce, une couche de poussière a dû se déposer sur tous ces meubles ! s'exclama Ella, en regardant son index avec dégoût.

- Oh, je ne la vois pas toute cette poussière, moi.

Elle leva les yeux au ciel, comme pour dire que je devais peut-être penser à m'acheter des lunettes.

- C'est si...

- ... grand, magnifique, spacieux, somptueux, royal ? Depuis le temps que l'on me le dit. À chaque fois que j'invitais une amie, elle était complètement subjuguée en voyant ma chambre. Mais ce n'était rien, comparé au reste de la maison. Le salon est plus impressionnant, me dit-elle d'un ton las.

- Tu... tu habitais ici ?

- Eh oui. Mon père est le Directeur, il gagne dix fois plus que la moitié des habitants de cette ville réunis. Pour que tu puisses voir à peu près le nombre de pièces et de billets que nous pouvons gagner en quelques jours à peine.

- Oh, je vois. Je comprends mieux, dis-je tout en inspectant cette chambre.

- Ça ne te fait pas peur ? questionna-t-elle surprise par mon attitude sereine.

- Peur de quoi ? Pourquoi aurai-je peur de la fille d'un homme qui fait partie du gouvernement, qui possède un pouvoir très important sur cette ville, qui travaille au côté de Neal Lewis... et qui pourrait m'exterminer en quelques secondes, répondis-je, ma voix tremblotant un peu plus à chaque mot.

Elle ne répondit rien, et préféra me regarder avec admiration dans ses rêveries lointaines.

- Je crois que nous devrions nous asseoir sur mon lit, enfin mon ancien lit.

Je lui emboîtai le pas, et me posai près d'elle, sur ce matelas mou et moelleux. J'avais l'impression de m'être assis sur un nuage, ou de la mousse ; je ne m'étais jamais senti aussi bien sur un lit, avec cette sensation si divine et agréable.

- Pourquoi ne vis-tu plus ici ? Pourquoi délaisser ce château si grand ?

- Quand ma mère est morte, mon père n'a plus voulu vivre ici, car la douleur et le chagrin l'auraient empêché de vivre. D'un côté il avait raison, m'expliqua Ella,regardant ses pieds se cognaient nerveusement.

- Désoler d'être aussi curieux, mais pourquoi ta mère est-elle morte ? lui demandai-je, honteux de mon horrible curiosité.

- Un cancer.

- Oh.

- Le collier que tu possèdes est de ma mère, elle me l'a offert quand j'étais toute petite, trois mois après ma naissance. Je ne l'ai jamais enlevé, jusqu'à qu'elle s'en aille. Il est rare que des Précieux meurent aussi prématurément, ils sont bien nourris, bien logés, leurs vies sont paisibles. Et malheureusement c'est tomber sur nous. Pourquoi ! sanglota-t-elle en laissant tomber sa tête sur mon épaule.

RéclusionnaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant