Chapitre 13

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Ce long nez délicatement travaillé... ces petites taches de rousseur fleurissant sur ses deux joues pour se multiplier au fur et à mesure de leur montée... ces éclats dorés dans ce regard... je les avais déjà vus... oui... j'avais déjà aperçu quelque part cette anatomie troublante. Et c'est cela, qui m'avait complètement anéanti en voyant disparaître mon agresseur parmi les pâtés de maisons lointaines.

J'avais du mal à respirer, et mes pieds étaient encrés dans le sol au point qu'il m'était impossible de le soulever pour avancer. Mon cœur était comme bloqué par quelque chose que j'ignorais, mais il causait mon essoufflement anormal. Je sentais également encore la sensation du fer plaqué sur ma peau. J'avais mal. Partout. Aux jambes, dans les côtes et surtout au cœur, à l'intérieur, où la douleur fait le plus mal.

Je voulais la revoir. Mais à peine le temps d'y penser, je voyais mon destin se dessiner dans mes pensées, ressemblant étrangement à celui de mon père, finissant dans un cercueil. Je ne voulais pas mourir. Non, je ne voulais pas mourir. C'était impossible. Impossible de laisser ma famille, là, seul. Mon père avait déjà créé une fissure dans nos cœurs, alors si je faisais la même chose que deviendraient-ils ? Mais, si je voulais rester près d'eux, je n'allais plus jamais revoir Ella. Je ne pourrai plus jamais ressentir ses longs cheveux effleuraient mon cou, ses mains dans les miennes, ses chuchotements caressaient mon oreille et ses baisers sur mes lèvres, enveloppant mon corps d'une chaleur plus intense à chaque fois. Plus jamais de ma vie, je ne pourrai la voir près de moi en train de me sourire pour me redonner confiance et force, afin de lutter contre cette société infâme.

Ce cri de rébellion rugissait dans ma tête, comme à chaque fois que je voulais me battre contre une idée qui me déplaisait. Il fallait que je la voie une dernière fois. Même pour une minute. Je devais échanger ce dernier regard avec elle, avant de la voir disparaître au loin.

Mais, je voyais déjà le coup de feu partir, propageant une douleur atroce dans tout mon corps et faisant couler le sang sur le sol. Ma mort. Désormais, Ella rimait bien avec ma mort. Si un jour j'avais su que la fille qui faisait battre mon cœur plus vite quand temps normal, allait devenir mon arme de destruction, une bombe atomique, je ne l'aurais jamais cru. Maintenant, je savais que tout ce que j'allais entreprendre pour la revoir n'était que suicidaire. Je me dirigeais tout droit vers mon destin funèbre, sans issue de secours. Et c'était égoïste. Ma famille avait besoin de moi. Plus que tout. Sinon, auront-ils assez de larmes pour me pleurer moi et mon père ? J'en doutais.

Je n'avais presque plus d'air. Mon état de confusion, divaguant parmi tant de choses impossibles à accomplir, me brouillait l'esprit. J'avais l'impression, que dans très peu de temps, mon cerveau allait éclater en mille morceaux. C'est ainsi que je que laissais mon corps s'aplatir sur le mur, pour s'écrouler sur le sol de pierre dans un coin caché tapi dans l'ombre, tandis que mes baguettes roulaient sur le sol, pour s'arrêter loin devant mon corps inerte. A quelques pas de là, la boulangerie devait sûrement se trouver, bondé de monde affamé. Je ne sentais que l'odeur du pain, et les discussions éloignées. Mais tout cela n'avait plus d'importance pour moi. La douleur intérieure me faisant réaliser de nombreuses choses et empêchait l'air de passer dans mes poumons. Oui, c'était fini. Plus d'amour. Plus de haine. Plus rien.

Des larmes coulaient le long de mes joues. Je ne voulais pas pleurer. Pas maintenant. Afin de les refouler, mes paupières se refermèrent lourdement, me plongeant dans l'obscurité totale.

***

- Coucou Derek, me murmura une voix douce.

Je me réveillai sur un lit, au matelas très confortable. J'avais l'impression d'être couché dans un nuage, flottant dans les airs. La pièce, dans laquelle je me trouvais était très fortement éclairée, et m'éblouissais la vue. Comme l'infirmerie du lycée, sauf que cette lumière m'apaisait. Quand, je m'habituais enfin aux rayons de soleil éclatants, je pouvais apercevoir la silhouette d'Ella, assise sur le rebord du matelas. Ella ! Je ne pensais plus la revoir de ma vie. Je me sentais soudain à nouveau léger, écoutant le rythme de mon cœur qui augmentait de vitesse à chaque seconde.

RéclusionnaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant