Mon manteau d'un noir sombre glissa le long de mes épaules, afin que je puisse passer mes bras dans les longues manches. J'étais prêt à partir, le pot de fleurs soigneusement décoré, aux couleurs pâles évoquant le deuil, dans mes mains. Chacun de nous s'était levé tôt ce matin-là ne voulant pas rater le jour où nous allions voir papa. Il n'y avait qu'un seul et unique cimetière à Neal Town, plus grand qu'un terrain de football et plus vaste qu'un collège ou lycée. On y enterrait la majeure partie des défunts de différentes familles mélangées, Effacé et Précieux réunis. Certaines personnes de haut rang, se sentant bien plus important que nous, avaient contesté cette idée auparavant, mais notre dirigeant avait été clair sur ce sujet ; c'était une des rares règles que j'approuvais. Il fallait bien montrer qu'à ces personnes que tout être humain n'avait pas à être plus important que d'autres, nous sommes tous égaux même après la mort. Comme ma mère le disait souvent « ce n'était qu'un drap transparent qui nous séparait, nous et mon père ». Ce n'était qu'une expression, une vision de choses mais je savais que mon père n'était pas si loin, qu'il était là, près de nous, à nous regarder sous ses airs réjouis et en se disant « Je suis fier d'eux, je ne les pas laissais sans rien. Ils ont combattu les larmes, et n'ont gardé en tête que les meilleurs souvenirs de moi sur cette Terre ».
Ma soeur mâchait encore son délicieux pancake sur la route vers le cimetière de la ville. Ma mère marchait près de moi en me souriant, ce qui avait l'habitude de m'apaiser en ces moments comme ceux-là. Elle portait également un bouquet de fleurs, d'une blancheur éclatante ce qui allait redonner plus de gaieté à la tombe de marbre. J'avais également remarqué qu'elle portait à nouveau son alliance au doigt. Elle l'avait enlevé quelques semaines auparavant, après la mort de mon père, prenant cet objet comme seule source de ses maux et malheurs. Je le fixai tout en me demandant pourquoi donc l'avait-elle soudainement remis.
- Tu te demandes pourquoi ai-je donc remis l'alliance de ton père au doigt ? N'est-ce pas ? me demanda-t-elle, un large sourire se dessinant sur son visage, tout en s'attirant le regard de ma sœur qui le décrocha de sa délicieuse portion de pancake.
- Je croyais que ce bijou ne te faisait plus mal que tout ?
- Oui, mais ce n'était qu'une période de remords, de grandes peines, de maux, de larmes empêchant la joie de nous réconforter. Il est grand temps de se dire que ton père est toujours-là, et que ce qui est arrivé n'est en aucune façon notre faute. C'est ainsi. Je veux laisser cette trace d'amour sur ma peau, afin de garder le doux visage de ton père demeurer dans mes rêves, acheva-t-elle d'un air songeur.
Ma mère semblait plus jeune tout d'un coup, elle avait miraculeusement remonté le temps, une de ces journées d'autrefois au côté de mon père, échangeant avec lui des baisers en cachette. Cet amour, rare dans cette société, ma mère avait eu le privilège de le rencontrer et c'est ce qui faisait d'elle, la femme d'aujourd'hui. Cette force provenait de ces beaux souvenirs qu'elle avait accumulés avec le temps. Et les larmes qui avaient coulé pour la mort de mon père étaient preuves de son amour pur et solide, sans aucune fissure. De nos jours, les femmes et leurs maris ne se pleuraient presque pas. Je dirais même qu'ils étaient heureux que l'autre s'en aille, les laissant seul, pouvant rencontrer une autre personne avec qui, ils pourraient peut-être aimer véritablement. C'était une de ces vérités cruelles qui rendait notre style de vie infecte.
Le grand portail de fer se présentait devant nous avec majesté et toujours avec cette allure lugubre donnant envie aux passants de s'en aller le plus vite possible de cet endroit. Ma mère prit la poignée et poussa, sous un grincement suraigu, les barres en métal de plusieurs mètres. On pénétra à travers le champ de pierres tombales, recouvrant ces personnes dont j'ignorais l'origine de leur mort. L'espace était si grand que l'on aurait pu y placer un bourg, constitué d'une centaine d'habitations ou plus. Ces rapaces noirs, aux yeux rouges, volaient en tous sens. Leurs croassements retentissaient dans tout le cimetière, sous les grognements de Lynn.

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Réclusionnaire
Science FictionDerek vit à Neal Town, ville encore inconnue jusqu'aujourd'hui en Amérique. Cette ville retient prisonniers plus de deux mille habitants, sous les ordres d'un maire manipulateur et dictateur. Personne ne peut s'échapper de cet endroit et c'est bien...