Je sentais ma sœur gigoter dans tous les sens, son corps collé au mien. Je ne voyais rien, strictement rien. La pièce dans laquelle nous nous trouvions était baignée dans l'obscurité totale. J'essayais de percevoir des sons, mais je n'entendais que les respirations voisines, probablement celles de ma sœur et de ma mère. Où nous nous trouvions exactement ? Je ne savais pas. Ella nous avait fait entrer dans cette sorte de pièce confinée, sans nous donner la moindre instruction. C'était ainsi que nous nous étions retrouvés là, coincés, nous empêchant de faire le moindre geste trop brusque, par peur de blesser quelqu'un.
- Ella, dis-je en scrutant le noir. Où sommes-nous ? Tu pourrais au moins nous éclaircir sur ce sujet.
- J'arrive, j'arrive. J'essaie juste de retrouver la lampe que j'avais posée ici, tout à l'heure.
- Pourquoi ne pas ouvrir la porte, tout simplement ? demanda ma sœur, incrédule, sur le point de tout ravager sur son passage tant elle devenait impatiente.
Lynn me poussa brutalement, et tâtonna à l'aveugle pour essayer de trouver la poignée de la porte, qui nous retenait prisonniers ici. Il n'y en avait pas.
- Un défaut qu'a dû commettre le constructeur, sans doute. Ah, enfin ! s'exclama Ella, en projetant une lumière aveuglante dans toute la pièce.
Une lampe de poche à la main, elle se retourna brusquement, concentrée sur ce qui l'entourait. Tout autour de nous se trouvaient des compteurs électriques, assez usagés et cachés sous une couche de poussière impressionnante. L'espace était si restreint, que je me surpris les cheveux dans un amas de poussière. De petites particules flottaient tout autour de nous, et Lynn essayait vainement de les repousser. Elle n'avait réussi qu'à en créer d'autres. Je n'étais pas le seul à maudire cet endroit. Enfin éclairée, ma sœur avait également retrouvé une araignée sur son dos, jouant fébrilement avec ses huit pattes. Ce n'était qu'un insecte petit taille, mais cela avait suffi à Lynn pour hurler dans toute la pièce, de quoi nous priver de notre ouïe pendant un petit moment.
Sous un grincement des plus désagréables, la porte en bois, rongé par les mites, s'ouvrit sous le puissant coup pied d'Ella. Elle souffla sur une mèche de ses cheveux qui lui barrait la vue.
- J'ai toujours détesté cette porte, dit-elle, en frottant ses vêtements devenus poussiéreux.
- La salle de distraction ! s'exclama ma mère, sous la vue de la pièce qui se présentait devant elle.
- Oui, je vois que vous êtes déjà venue, Mrs. Wellington. Papa l'appelait aussi souvent « le résiste-temps », ajouta Ella, se remémorant sûrement la voix de son père dire ce drôle de nom.
- Oh, je comprends parfaitement ce choix. Grâce à cette salle, Alicia pouvait combattre l'ennuie et les maux qui rongeaient sa vie. Elle venait là pour s'évader. C'était une salle vraiment merveilleuse.
Et je comprenais désormais ce que ma mère venait de dire. Devant nos regards ébahis, une pièce gigantesque s'étalait sur plusieurs mètres carrés. Je passais entre ma mère et ma sœur pour pouvoir observer de plus près cet espace d'une grandeur époustouflante. Les murs étaient peints d'un rouge virant au violet, me rappelant le délectable jus de cassis que nous pouvions acheter au temps de mon père. Dans un coin se trouvait une table de billard, recouverte de diverses boules colorées, et plusieurs longues tiges en bois, communément appelées des queues. À l'autre bout de la pièce, une autre table avait été disposée, mais n'était nullement semblable à celle du billard. C'en était une pour le tennis de table. Des petites raquettes, rouge et noire, reposaient sur un des côtés de la plate-forme bleue, séparés par un filet.
Au centre, des sofas en cuir, de même couleur que le mur ( peut-être un plus foncé ), arrondis en demi-cercle et des petites tables en verre avaient été aménagés harmonieusement. Deux personnes étaient déjà assises sur ces longs fauteuils, occupés à siroter des verres de cocktails, tout en discutant d'une voix caverneuse. Étaient-ce les deux garçons qu'Ella avait pu enrôler dans notre groupe « révolutionnaire » ?

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Réclusionnaire
Science FictionDerek vit à Neal Town, ville encore inconnue jusqu'aujourd'hui en Amérique. Cette ville retient prisonniers plus de deux mille habitants, sous les ordres d'un maire manipulateur et dictateur. Personne ne peut s'échapper de cet endroit et c'est bien...