Chapitre 6

453 56 16
                                    

6h30.

Voici l'heure à laquelle je m'étais réveillé, tant bien que mal, ce matin-là. Il fallait être au lycée à sept heures précises, au risque d'avoir une sanction encore plus lourde qu'elle ne l'était déjà. Et mon bracelet n'avait pu me réveiller, car ce n'était qu'un réveil exceptionnel et le gouvernement n'avait pas encore été mis informé. Ils attendaient sagement mon expulsion.

Depuis la dîner de la vieille, Lynn n'était pas venue me voir. Elle m'en voulait probablement. Mais elle ne m'avait sûrement pas pardonné, car sinon elle m'aurait souhaité « bonne nuit » hier soir, comme à son habitude. Avant l'aube, elle serait venue me glisser un petit mot d'encouragement, les yeux encore à demi endormi. Je connaissais ma sœur par cœur, et je savais que ce n'était pas ainsi qu'elle se comporterait avec moi en cas normal. J'avais la boule au ventre. Ma sœur me faisait la tête, avant ma marche vers le pilori. Chouette.

Je fermais la porte derrière moi, un pain encore chaud fourré dans ma bouche, et avançais d'un pas traînant. Je faisais tout pour arriver le moins vite possible. À l'heure, mais pas en avance. Je voulais éviter d'attendre devant cette salle, à angoisser en se remémorant de bons souvenirs, pour ne pas songer aux années d'horreur que nous allions vivre par la suite. C'était encore pire qu'être envoyé dans un centre pour jeunes délinquants. C'était de la pure torture.

Je passais mon bracelet devant un détecteur, situé au-dessus de la serrure du portail de l'établissement scolaire. À cette heure-ci, il ne laissait passer que les professeurs. Leurs bracelets avaient été enregistrés dans la machine, tout comme pour moi et cette fille. Cela mettait une pression supplémentaire, de nous dire que nous étions seuls avec la proviseure et quelques professeurs errant dans les couloirs. Un entretien fixait aussi tôt le matin voulait sûrement signifier une sanction disciplinaire de premier ordre. Il ne fallait pas être interrompu. Je commençais à trembloter comme une feuille.

Le grillage s'ouvrit sous un grincement métallique et j'entrais timidement, regardant de chaque côté. Personne. Je poussai la porte d'entrée, et pénétrai dans ces lieux si mal éclairés. Certaines ampoules disjonctaient et ne produisaient de la lumière qu'une fois sur deux. Un petit bruit de grésillement retentissait dans les couloirs, accompagnait de la mélodie sourde du silence oppressant. Cette plainte réclamant les élèves et leur brouhaha habituel. Une école sans foule ni cris n'était plus une école.

Je n'avais jamais vu le bahut aussi vide. La chaleur des corps en mouvement n'était plus présente dans ces couloirs vides, il n'y avait que le froid des murs et des plafonds en pierre grisâtre. Une atmosphère lugubre et une impression d'abandon régnaient autour de moi. Cela me donnait vraiment envie de rebrousser chemin, repartir loin d'ici, pour ne jamais revenir. Mais ils me retrouveraient sans grands efforts, grâce au bracelet que je portais. Je n'étais pas libre. Ce fantasme prit vite place au fond d'une oubliette, où tant de souvenirs étaient déjà oubliés. Mon chemin était déjà tracé, il fallait juste le suivre.

Elle était là, me lançant un sourire ravi. Mes pas résonnaient encore à travers les différents couloirs, tandis que je vins m'asseoir d'un pas hésitant près d'elle, ne décochant aucun regard en sa direction. Deux chaises avaient été disposées en face de la porte fermée du bureau, et celle-ci semblait attendre là depuis déjà un bon quart d'heure. Elle ne devait vraiment pas souffrir de ce qui s'était passé la veille. Sans cœur, elle restait impassible aux souffrances qu'elle avait commises sur moi. Je retirais tout ce que j'avais dit sur elle, tout ce que j'avais pensé. Elle avait bien des arrière-pensées. De sombres arrière-pensées. Cette élève cherchait à me nuire. Oui, c'était ça. Une mutante venue pour me détruire. Ou une simple fille raciste envers les personnes de mon rang, qui détestait la populace pauvre et voulait m'en faire baver. Pourquoi pas ?

RéclusionnaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant