Chapitre 9

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Je regardais inconsciemment derrière moi, par peur que quelqu'un, n'importe qui puisse nous espionner. Je ne voulais pas qu'une autre personne que ma sœur sache que j'étais ici, en présence d'une inconnue. Je me disais également, intérieurement, au fond de moi, pourquoi avaient-ils donc défini cette bibliothèque comme grande, alors qu'elle ne possédait même pas un espace plus vaste que ma chambre et celle de ma sœur réunies.

Bam !

Je percutai brusquement le dos de cette femme que je suivais depuis tellement de temps sans vraiment savoir où j'allais. Elle fit comme si de rien n'était, comme si elle n'avait rien senti et s'arrêta. Une porte de fer se dressait devant mes regards étonnés. Pourquoi une porte comme celle-ci se trouvait-elle subitement là, sans aucune concordance avec le reste de la pièce ? Mais le plus étrange était ce Garde-portier qui se tenait devant cette entrée en fer. Les Gardes-portiers se trouvaient à chaque coin de rue de Neal Town, afin de protéger une entrée spéciale, réservé à certaines personnes ou contrainte à certaines règles. Ils empêchaient que n'importe qui passe n'importe quand par cette voie. Cette porte cachait donc bien quelque chose d'important ou qui n'était pas accessible à tous ?

- Bonjour.

- Bonjour, mademoiselle. Êtes-vous aveugle ? Si oui, puis-je vous aider ? demanda le Garde-portier, se souciant gentiment de cette femme.

- Oh, non ce sont simplement des lunettes de soleil. Je ne suis pas aveugle, je vous rassure, mais simplement très sensible à la luminosité. Enfin, tenez ma carte d'entrée, mon brave, répondit-elle d'une voix qui m'était étrangement connue.

Le Garde-portier la plaça dans un petit détecteur, et la retira aussitôt, sous la lumière verte que produisait l'engin prenant la place de la serrure. Il la redonna à la femme aux lunettes de soleil, qui la prit d'un geste des plus rapides, et me la plaça dans la poche avec discrétion, sans que l'homme habillé de noir puisse voir quoi que ce soit.

- Merci, jeune homme.

Elle poussa la porte et pénétra dans une pièce que je ne pus voir.

- Vous avez la carte, monsieur ?

- Euh, eh bien... évidemment ? bredouillai-je tout en la sortant de ma poche de derrière, voilà !

Son erreur avait été de ne pas faire attention à cette carte, car s'il avait eu l'idée de l'observer de plus près, il aurait pu voir le nom de cette femme qui venait de pénétrer dans les lieux. Et même avec celle-ci, il n'avait pas jeté un seul coup d'œil.

- Vous pouvez entrer, me dit-il en me redonnant la plaquette en plastique, sous la même lueur verte qu'il y a quelques minutes.

La porte se poussa sous la force que j'exerçais dessus. Une gigantesque pièce se dévoila sous mes émerveillements enfantins. Des milliers de rangées conservant des tas et des tas d'ouvrages différents s'étalaient sur des kilomètres. Des divans en cuir étaient placés à chaque coin de la pièce, des tables basses étaient recouvertes de tasses de thé et de livres contenant plus de cinq cents pages. Une centaine de personnes étaient réunies ici même, parlant de tout et de rien. J'avais remarqué qu'ils avaient à peu près tous les badges des Précieux illustrés par une émeraude.

Notre société avait été divisée en deux classes opposées : les Effacés et les Précieux. Je faisais partie des Effacés, ces personnes qui sont contraintes à des règles toutes leurs vies, qui sont privées de tout. Les Précieux, eux, avaient à leur disposition plusieurs avantages, comme ces nombreux endroits qui leur étaient réservés. Ils étaient également contraints de faire moins de choses que nous et pouvaient parler plus facilement aux gens qu'ils côtoyaient, car ils avaient cette ville sous contrôle, et ne craignaient pas notre classe sociale. En tant qu'Effacé, si nous avions une relation trop rapprochée avec des familles de notre rang, cela était vu comme un acte de rébellion ( il y a de nombreuses années un soulèvement avait eu lieu pour cette raison ). Eux avaient à leurs dispositions tous les privilèges et n'allaient sûrement pas se rebeller. Il n'y avait que dans l'établissement scolaire que le droit de parole était instauré pour tous, quelle que soit la classe dans laquelle nous nous trouvions, même si les Précieux n'en faisaient qu'à leurs têtes. Et les professeurs avaient bien trop peur de leur tenir tête.

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