Chapitre 2

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- C'est une chance de vivre ici, dans cette merveilleuse ville. Derrière ces murs, ils se cachent des choses horribles, que vous n'avez en aucun cas besoin de connaître ou de découvrir. Depuis des siècles, nous vivons ainsi, contraints de suivre certaines règles. Mais elles n'ont pas été mises en place pour rien. Elles sont là, pour nous protéger, rappelez-vous bien de cela. Elles nous protègent. Au fait, quelqu'un peut-il me rappeler en quelle année avons-nous écrit la Constitution de Neal Town ?

- Dans la nuit du 8 avril 1936, après la construction du Mur Noir. Aussi, à cette époque, la ville se nommait " Robert Town ", et non " Neal Town ", répondit Sandy Wilson, l'index remuant toujours en l'air.

- Très bien, Mrs. Wilson, ajouta le professeur Bradford, face au tableau, nous allons revoir les principales bases de notre fonctionnement. La première ?

Après cinq minutes, trois mots avaient été encadrés sur le tableau noir : confiance, respect, obéissance.

- Si vous ne respectez pas ces trois conditions, vous ne resterez pas très longtemps libre ou même en vie. Vos bracelets peuvent même vous faire endurer les pires souffrances, alors faîtes attention à vos actes. Quoi qu'il arrive, notre dirigeant Lewis sera toujours informé.

Un silence de mort régnait dans la salle, et la plupart des regards étaient posés sur nos poignets, nos bracelets de fer, nous laissant perplexe. La peur commençait à nous ronger. Cette fois-ci, nous pouvions le dire, la vie privée n'existait plus ici.

- Le Mur Noir qui nous empêche de nous enfuir, et les soldats de l'armée de Neal Town surveillent chaque centimètre de ce mur. Tout cela pour nous apprendre à contrôler notre curiosité. Vous voyez rien n'est fait pour rien.

La sonnerie retentie enfin, sous les grincements de chaises.

- Je ne vous ai pas encore permis de vous en aller. Pour la peine, vous me ferez cinquante lignes sur la construction du Mur Noir, et sur l'élection de Robert Allister.

Sous les protestations et les sifflements, plutôt timides et réservés par peur de se faire prendre par Mr. Bradford, la classe sortit de la salle tout aussi infecte que le professeur. Pour une fois, je m'étais attardé, mes pensées toujours prises par mon père. « En faisant parmi de l'armée, il défendait cette société et c'est cette société qui l'a détruit », pensais-je tout bas. Mais une autre voix s'opposa à cette idée, et m'assura que ce n'était pas pour protéger ce style de vie qu'il avait choisi ce métier, mais pour nous faire vivre. Un combat coriace se déroulait dans les quatre coins de ma tête, quand je sortis lentement de la pièce, pour aller rejoindre ma sœur qui m'attendait déjà dans la salle de regroupement.

Pendant plus d'un quart d'heure, le temps de la récréation, Lynn et moi on resta assit là, sur ce banc rouillé, à regarder les frères et sœurs issus de familles nombreuses rirent ensemble où les amis de familles haut placées, payant secrètement l'établissement scolaire pour avoir le droit de parole chaque trimestre. C'était pour moi la seule explication crédible pour expliquer ces clans d'amis provenant de lotissements de plus huppés de Neal Town, n'ayant encore jamais eu de sanctions pour discuter librement en cours. Ma sœur et ma mère étaient de mon avis. Nous trouvions tous les trois cela dégradant, mais il y avait probablement une explication crédible. Le gouvernement n'allait quand même pas faire passer ça sans broncher, sans même intervenir, si ?

En allant vers mon cours de mathématiques, j'essayais vainement de me frayer un chemin au milieu de la foule. Il m'était presque impossible de faire trois pas, sans que je sente des coups de coudes dans les côtes ou dans le ventre. Il y avait tellement de monde dans ce même bâtiment, toute cette communauté regroupée dans un seul endroit, que l'air y manquait dangereusement. Je n'arrivais presque plus à respirer, tellement la foule m'oppressait. Les minutes passaient avec une lenteur abominable. Je voyais la salle de classe au loin, et le professeur qui attendait ses élèves, d'une allure dédaigneuse. Je ne pouvais l'atteindre, et cela avait la fâcheuse habitude de m'énerver. Surexcité, je heurtais brutalement, à mon tour, plusieurs élèves me barrant le chemin. Mais, tout cela ne m'apporta pas grand-chose. Je renversai les cahiers et manuels d'une jeune fille, sous mes coups brutaux. La colère montait en moi ; je ne supportais pas d'être en retard. Je me baissai immédiatement les prendre à travers l'océan d'élèves, leurs pieds me marchant une centaine de fois sur les doigts, devenus rouges à force.

RéclusionnaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant