Dissimulé sous ma couette, je n'arrêtais pas de revoir ce visage, ce regard. Mon père n'était plus le seul à occuper mes pensées. Désormais, quelqu'un d'autre y habitait. Cette fille. Cette simple fille, aux sourires angéliques et aux traits si délicats. Et malgré les nombreux problèmes qu'elle m'avait causés, je ressentais une joie immense à chaque fois que j'y repensais. Une joie étrange, qui me rendait nostalgique la minute suivante. Devais-je être heureux ? Mes idées restaient encore troubles.
Ce que je savais et dont j'étais sûr, c'était qu'elle m'avait sauvé. Ses dernières paroles le confirmaient. Sa brutalité soudaine avait pour objectif de remettre toute la faute sur son dos, afin que je sois épargné ou que ma sanction soit plus indulgente que la sienne. Et son plan avait réussi.
Au moment même où j'avais compris sa démarche, j'aurais dû l'arrêter. Elle ne méritait pas de tout porter sur son dos. Elle avait simplement voulu m'aider, et j'avais simplement voulu profiter de ses conseils. Rien de plus. Alors les sanctions auraient dû être équitables, si ses coups de poing ne se serraient pas mêler à l'affaire. En étant tous deux consentants de nos actes, la punition aurait normalement été similaire. Je n'arrivais pas à accepter qu'elle soit expulsée ainsi. Cela allait être inscrit dans son dossier scolaire. Une vie future ruinée, pour moi. À cause de moi. Toujours moi. Un merci de ma part n'aurait pas été de trop.
Je m'en rongeais les ongles toute la journée, toute la nuit, et sûrement le restant de ma vie. Je m'en voulais encore et encore, me rendant presque malade, pendant que Lynn commençait à se questionner sur mon état. Depuis ma convocation, les choses entre elle et moi s'étaient légèrement améliorées. Elle avait été rassurée de l'indulgence de Mrs. Hodgkin, mais elle m'en voulait toujours autant d'avoir agi ainsi. Ce n'était pas en règle, ni sur la lignée des parfaits étudiants-modèles, et ça, elle n'arrivait pas à la supporter.
Après les cours, je ne prêtais aucune attention à mes devoirs, et j'allais automatiquement m'allonger sur mon lit pour laisser ce sentiment de culpabilité me ronger jusqu'au os. Je ne méritais que ça, pour l'avoir laissé se faire exclure par la proviseure sans même bouger le petit doigt. Je n'étais qu'un bon à rien, qui ne pensait qu'à lui, un simple égoïste et misanthrope. Avant toute chose, j'avais voulu me sauver. Mais, je n'avais également plus confiance en personne. Pour moi, nous étions tous dans une jungle féroce, où chacun était pour l'autre une bête sauvage, cruelle et assoiffé de sang, cherchant à traquer une nouvelle victime jour et nuit. Et il était dur de se laisser apprivoiser ou de le faire. Je n'en avais pas l'audace. Cette fille si. Elle n'avait pas eu peur de me parler, et j'étais sûr qu'elle oserait encore le faire après son expulsion. Mais pour l'instant, elle devait s'enterrer dans son logis à ruminer sur sa faute de m'avoir sauvé de ce mauvais pas. Pourquoi moi ? Elle avait dû avoir pitié de cet abruti qui ne savait même pas se défendre face aux propos de la proviseure ou de Mr. Sword.
Tous les soirs, ma sœur me rabâchait que mes devoirs devaient être faits, mais je n'avais plus la tête à les faire. Chaque jour, je me disais que cette élève n'avait plus le droit de profiter des cours à cause de moi. Lynn disait que je faisais une dépression nerveuse, mais je ne la croyais pas. J'étais anéanti par mon erreur égoïste, mais je ne devenais pas écervelé. Elle ne savait pas ce que je ressentais. C'était comme me poignarder un peu plus profondément chaque jour. À peine ma blessure commençait à cicatriser, que le sang se remettait à couler à flots. Une torture quotidienne, que je m'infligeais seul.
Je comptais les jours, au fur et à mesure que le temps s'écoulait. Je griffonnais une petite croix sur mon calendrier à chaque jour passé. Je me sentirai moins redevable quand cette semaine d'expulsion sera passée. Vendredi approchait à grands pas, et je me sentais plus rassuré. Les traits de son visage restaient inlassablement ancrés dans mon esprit. Les cours me permettaient de penser à autre chose, mais une fois rentré, elle refaisait surface, et je me permettais de flâner pendant des heures sous son air radieux. Lynn venait toquer à ma porte, mais je me contentais d'émettre un grognement rustre. Que les choses soient claires, nous n'étions vraiment plus en bons termes. Les choses ne faisaient que s'aggraver entre nous. Je ne voulais pas lui parler, elle ne voulait pas me répondre. Je crois que chacun voulait refouler ses soucis sur l'autre. Il n'y avait plus ce soutien, ce sentiment de force qu'elle me procurait. Ce feu chaleureux ne brûlait plus, il avait été recouvert de cendres.

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Réclusionnaire
Science-FictionDerek vit à Neal Town, ville encore inconnue jusqu'aujourd'hui en Amérique. Cette ville retient prisonniers plus de deux mille habitants, sous les ordres d'un maire manipulateur et dictateur. Personne ne peut s'échapper de cet endroit et c'est bien...