Chapitre 3: L'imprégnation, ce n'est pas tomber amoureux

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L'atmosphère qui m'entourait m'oppressait. Sam m'avait retrouvé dans les bois, et je n'arrivais pas à me concentrer sur ses paroles. J'avais comme perdu pied face à la réalité. Décontenancé, je l'écoutais parler de mon imprégnation, de Rachel, et de Billy, qui s'était résigné à accepter cette triste vérité. Puis, Sam en était venu à me dicter qui je devais devenir. Selon lui, je devais gagner en maturité et réfléchir avant de parler, car il ne fallait surtout pas que je me comporte avec Rachel comme je le faisais avec la meute.

Mon corps irradiait. Je n'arrivais pas vraiment à l'écouter, ni même à lui répondre le moindre mot. J'étais en plein délire. Je ne me reconnaissais plus. Depuis hier, j'avais cette étrange sensation de devenir un parfait inconnu. Et maintenant, Sam voulait me forcer à changer ? De quel droit ? Et mon avis, alors ?

Les questions se bousculaient dans ma tête. Pourquoi tout s'était-il enchaîné si vite ? Pourquoi m'étais-je imprégné d'une fille si différente de moi ? Trop de pourquoi. Je détestais les pourquoi.

Une fois libéré des paroles de Sam, je titubai jusqu'à chez moi pour m'affaler sur le canapé. J'avais décidément du mal à comprendre ce que je ressentais. Ce n'était pas nouveau. Je ne réalisais les choses que lorsqu'un train me fonçait dessus, au dernier moment.

Affalé sur mon lit, je tentai à nouveau de comprendre la situation, de répondre à mes questionnements qui me rendaient fou, et surtout, de me calmer. Hier, je m'étais imprégné, et ça m'avait même rendu heureux. Seulement voilà, j'avais toujours ressenti le lien de l'imprégnation à travers les pensées des autres. Pour eux, l'imprégnation signifiait l'amour. Sur le moment, ça me paraissait logique et cela avait du sens. Mais moi, je n'étais jamais tombé amoureux de ma vie. Donc, s'imprégner ne voulait pas dire tomber amoureux, n'est-ce pas ? Alors, qu'est-ce que j'avais ressenti lorsque j'avais vu Rachel pour la première fois ? C'était une sorte de connexion. Une envie d'être près d'elle. Une envie de la connaître. Une envie de veiller sur elle. D'ailleurs, c'était même plus que des envies. J'en avais besoin. Et ça, ça changeait tout. S'il y avait bien une chose sur laquelle je ne m'étais pas trompé, c'était la soumission. Et est-ce que j'avais envie de me soumettre à elle ? La réponse à cette question me donna la nausée. Avant de la rencontrer, bien sûr que j'aurais répondu non à cette question. Mais ce n'était plus le cas à présent. J'avais comme un foutu instinct qui m'imposait de me soumettre à elle. J'avais déjà eu bien du mal à accepter la soumission que Sam nous imposait. Alors pourquoi fallait-il que je me soumette à une deuxième personne ?

J'avais beau décortiquer mes sentiments liés à l'imprégnation, tout me paraissait encore flou. Et si j'allais la voir pour comprendre ? Sam m'avait affirmé qu'elle serait sur la plage, à quelques mètres de chez moi. Rien qu'à cette idée, j'avais du mal à ne pas sentir une étrange vague de chaleur agréable se répandre dans tout mon corps. Et le pire, c'est que ça ne m'énervait même pas de ressentir ça. J'étais totalement détraqué. Et dire que certains attendaient avec impatience de s'imprégner... je leur aurais volontiers refilé ce foutu virus. Cette pensée me fit même frissonner. Super. L'imprégnation et la liberté d'expression, ça faisait deux.

Puisque j'éprouvais ce fichu besoin d'aller la voir, je cédai et me levai pour la rejoindre sur la plage. Je n'allais pas emmener ma guitare pour lui chanter une sérénade, loin de là, mais il fallait que je comprenne, quitte à conclure que j'avais été forcé de tomber amoureux malgré moi.

Dès l'instant où mon regard se posa sur Rachel, tous mes questionnements oppressants semblèrent se dissiper, laissant place à une immense joie. Je me laissai alors guider joyeusement vers elle.

- Bonjour, dis-je en m'asseyant à côté d'elle.

Étonnée par ma présence, Rachel se contenta de me regarder d'un air fuyant avant de reporter son attention sur son roman. La légèreté que j'avais ressentie s'était avérée éphémère. Rachel ne me portait visiblement pas dans son cœur, et ça ne me plaisait pas. C'était vexant, bien sûr, mais surtout douloureux. Je n'avais jamais été très doué pour les métaphores, mais c'était comme si un castor rongeait inlassablement mon cœur.

Le loup et la colombe - Paul LahoteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant