Chapitre 13: Mise au point

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Le lendemain, après les cours, je me dirigeai vers chez les Black, comme à mon habitude. Cependant, mes pas s'arrêtèrent à quelques mètres de la maison. Billy avait prit la peine de manifester sa présence en mettant le volume sonore de la télévision bien trop fort. Comprenant que je n'étais pas le bienvenu, et voulant éviter d'envenimer les choses, je m'éloignai de la maison d'un pas fatigué et impuissant.

Quelques heures après la tombée de la nuit, je m'avançai vers la fenêtre du cagibis qui faisait office de chambre à Rachel. Il n'était que vingt-deux heures, mais la lumière était déjà éteinte. Je m'approchai alors doucement de la fenêtre pour écouter sa faible respiration. Même si elle ne dormait pas, elle était allongée et me tournait le dos. Alors que mes mains étaient sur le point d'ouvrir la fenêtre, je me ravisai. La raison l'avait emporté sur l'instinct. Rachel n'apprécierait sûrement pas que je la dérange en pleine nuit, alors que nous nous étions querellés la veille. Totalement démuni, je fis demi-tour en espérant que Billy parte pêcher ce week-end afin de pouvoir m'enivrer de la présence de Rachel en journée, avec l'espoir, bien sûr, qu'elle puisse me pardonner. 

Je m'étais éloigné de quelques mètres lorsque j'entendis des gonds grincer derrière moi. Tout en me retournant, je vis la silhouette de Rachel me faire face, et elle avait bien du mal à ouvrir entièrement cette vieille fenêtre qui risquait de tomber un jour ou l'autre.

- Paul ?

- Je ne voulais pas te déranger, excuse-moi, dis-je en m'approchant d'elle.

Malgré la nuit tombée, je voyais parfaitement les traits de son visage qui me paraissait si fermé.

- De toute façon, je n'arrive pas à dormir, dit-elle en grelottant. Entre, il fait super froid.

Je ne me fis pas prier et entra avec peine par cette fenêtre si étroite. A l'intérieur, il ne devait pas non plus faire bien chaud. Rachel ferma rapidement la fenêtre et s'éloigna afin d'allumer la lumière. Elle paraissait avoir froid, son pull épais ne suffisait pas à la réchauffer.

- Tu as froid ? demandai-je en m'approchant d'elle.

- Ca va aller, me répondit-elle en faisant un pas en arrière pour garder ses distances.

Sa réaction ne m'étonna pas. J'avais beau m'excuser pour mon comportement ou pour mes mots, Rachel prenait toujours son temps pour me pardonner.

- Rachel, je ...

- Jacob est passé te voir, me coupa-t-elle.

J'acquiesçai. Que faire d'autre ?

- Tu sais donc que je reste ici. Pour je ne sais combien d'années ... ajouta-t-elle dans un murmure.

Je ne savais pas quels mots employer afin de lui remonter le moral. A chaque fois que le sujet de son avenir était abordé, toutes les solutions que je lui proposais n'étaient pas envisageables. Contrairement à moi, Rachel était quelqu'un de censé. Il était évident que Billy, en bon père fier et borné, n'autoriserait personne à l'aider et à le traiter comme un infirme. Cependant, Rachel ne laisserait jamais son père seul. La seule solution, à ses yeux, était donc de rester ici et de veiller sur lui.

- Peut-être que Billy pourrait quitter la Push et te suivre lorsque tu partiras ? proposai-je.

J'avais eu bien du mal à me retenir de lui dire "lorsque nous partirons", mais pour une fois, j'avais su employer les bons mots afin de ne pas la braquer. 

- Tu sais bien qu'il ne quittera jamais cet endroit, répondit-elle froidement. Mais ce n'est pas grave, je me suis fais une raison, et puis, la Push ne me paraît plus aussi triste.

Le loup et la colombe - Paul LahoteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant