Chapitre 8: Un loup modèle

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Lorsque je suis revenu de ma patrouille nocturne, et malgré la fatigue, je suis allé prendre une douche glacée pour me réveiller. Rachel avait scruté la météo, et ce jeudi matin était parfait pour dessiner. C'était une question de luminosité et de nuages. Je n'y connaissais rien, mais elle avait quelque chose de précis en tête, et le temps était tout aussi important que le modèle. Je ne pensais pas que dessiner pouvait être si prise de tête.

Après avoir enfilé un tee-shirt, je descendis les escaliers et entendis mon père qui s'activait dans la cuisine. Il était en retard au boulot ou quoi ? me demandai-je. Cependant, je n'avais pas le temps de lui poser la question, car Rachel venait de se garer dans notre allée.

- J'y vais ! À ce soir, annonçai-je à mon père.

Lorsque j'ouvris la porte d'entrée, Rachel sortit de sa voiture. Elle lui correspondait bien : petite et mignonne. Mais ce n'était pas vraiment le genre de voiture à tenir la route. Je n'ai pas confiance en ce tas de ferraille, pensai-je. 

- Pas trop fatigué ? Tu es sûr que ça va aller ? s'enquit-elle.

Avant même que je n'aie pu lui répondre, la porte de la maison claqua derrière moi, et mon père en sortit... en pyjama... devant Rachel. Mon père dans toute sa splendeur... 

- Bonjour Rachel, je vous ai préparé un petit déjeuner, lui dit-il en lui donnant un panier-repas.

Ne me dites pas qu'il était parti dans un délire de fausse crise de jalousie, du genre « je cuisine mieux que toi. Mon fils préfère ma cuisine » ? Pitié, papa, je t'en supplie, ce n'est pas le moment de jouer, pensai-je, alarmé.

- Merci beaucoup, j'avoue que je n'y avais même pas pensé ! dit-elle en lui souriant.

- Si tu veux qu'il reste concentré, donne-lui à manger avant ! C'est comme ça qu'on les dresse. Je l'ai appris grâce aux reportages animaliers.

- Papa, s'il te plaît, m'agaçai-je alors que Rachel ne put se retenir de rire.

- D'accord ! D'accord ! Je rentre ! me répondit-il en prenant la direction de la maison. Au fait, ta permission de sortie est jusqu'à dix-neuf heures, ne put-il s'empêcher d'ajouter, tout en me narguant d'un sourire moqueur, avant de rentrer.

Rachel riait jusqu'aux larmes. J'aimais son rire cristallin, mais je l'aimais moins quand il s'agissait de se moquer de moi. Alors que nous étions assis dans sa voiture, j'attendis qu'elle reprenne son sérieux. Il allait falloir que j'aie une petite discussion avec mon père.

- C'est bon ? Tu as fini de te moquer de moi ? demandai-je alors qu'elle attachait enfin sa ceinture.

- Je ne me moquais pas de toi, Paul. Ton père est extrêmement drôle. Votre relation est adorable.

- Adorable ? La plupart du temps, oui, sûrement. Mais il ne peut pas s'empêcher de me foutre la honte.

- Comme si tu n'étais pas comme ça, toi aussi, rétorqua-t-elle en démarrant la voiture.

Touché. Ce n'était pas faux.

- Ça veut donc dire que tu me trouves drôle ? en déduisis-je.

- La plupart du temps, oui.

La plupart du temps ... Touché. Encore.

Rachel s'était garée le long d'un chemin. Après avoir marché une dizaine de minutes jusqu'à une clairière, elle cherchait maintenant l'endroit idéal.

- Tu te mettras ici, me dit-elle en me tirant par le bras.

Je la laissais me toucher, me décaler de quelques centimètres ou me tourner le visage. Cependant, malgré la douceur de ses gestes, je trouvais cette proximité gênante, incommodante, voire envahissante. Je n'étais tout simplement pas à l'aise de la laisser envahir mon espace de la sorte. Mais étrangement, je n'arrivais pas à lui dire d'arrêter ou de s'éloigner. J'étais vraiment devenu un parfait soumis. Et puis, au fond, je crois que j'aimais ça.

Le loup et la colombe - Paul LahoteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant