Je n'avais aucune idée de l'endroit où nous étions censés aller cet après-midi. Tout ce que je savais, c'était qu'elle m'attendait chez elle et que Billy se retiendrait de me proposer une boisson empoisonnée ... Pourtant, au fil des jours, il avait fait des efforts notables. Il s'était mis à me saluer en utilisant mon prénom. C'était encore froid et distant, mais sans manquer de respect.
Lorsque j'avais frappé à la porte, ce n'était pas Billy qui m'avait accueilli, mais Rachel. Les trois jours que j'avais passés sans la voir avaient été insupportables. Mon cœur battait si fort que l'on aurait dit que Thor lui-même martelait ma poitrine pour me rappeler qu'elle se tenait là, juste devant moi. Comme si j'avais besoin de lui pour m'en rendre compte... je n'étais pas aveugle.
- Rentre, m'intima Rachel.
- Ton père n'est pas là ? demandai-je, surpris.
- Il est au mariage, tu le sais bien, me rappela-t-elle.
Ah, ce fameux mariage... Je ne pensais pas qu'il y serait allé. D'ailleurs, pourquoi était-il là-bas ? C'était à cause de cet événement que son fils adoré était parti depuis si longtemps.
- Le mariage tant attendu, oui, raillai-je. Et nous, où est-ce qu'on va ?
- On reste ici. J'ai envie de te dessiner à la maison, m'annonça-t-elle en souriant.
- Ton père me tolère plutôt bien en ce moment, mais je doute qu'il apprécierait si je cassais son salon en mutant.
- Idiot, rigola-t-elle. Je veux dessiner ton visage. J'aimerais te montrer comment je te perçois. Enfin, si tu veux bien ?
- Pas de soucis, répondis-je, moyennement emballé.
Cette fois-ci, je ne pouvais pas la regarder sans provoquer un sentiment de gêne chez elle. J'étais même prêt à parier qu'elle déciderait de me dessiner de profil afin d'éviter que nos regards se croisent.
- Tu peux venir t'asseoir ? me demanda-t-elle en plaçant quelques coussins sur un fauteuil.
Comme la dernière fois, je la laissais me guider dans mes gestes. Mais cette fois-ci, elle ne me touchait pas, ou très peu. Alors que j'aurais dû être emballé par cette distance, j'en étais étonnamment frustré.
- Tu peux rester comme ça, c'est parfait. Ne bouge plus, me dit-elle en ramassant son calepin et son fusain avant d'aller s'asseoir.
J'allais finir par faire concurrence à Embry, tiens. Comme je l'avais parié, elle me dessinait de profil. J'avais alors tout le loisir d'admirer un superbe mur et une télévision éteinte. Ô joie. C'était long. Très long. Je m'ennuyais. Pour m'occuper, j'avais essayé de consoler ma frustration en écoutant les battements de son cœur. Ses petits battements réguliers et mélodieux révélaient une grande concentration et une sérénité qui m'apaisaient. Alors que je pensais que Thor s'était calmé, il avait repris, sans crier gare, son martèlement. Je n'arrivais même plus à me concentrer sur les battements de Rachel. Je me remémorais alors ce fameux après-midi dans la clairière où elle m'avait dessiné. Je revoyais son visage concentré, son regard qui m'analysait, son sourire de satisfaction. Et puis, le son du tic-tac de l'horloge avait pris le dessus. Je n'entendais plus que ça. C'était frustrant d'être assis là sans pouvoir la regarder.
- Tu en as marre ? demanda-t-elle.
- Tu as déjà regardé un mur pendant une heure ? soufflai-je. Désolé, j'essaie de ne rien faire et de me concentrer, mais ce n'est pas évident.
- Je vais allumer la télé. Je n'en ai plus pour très longtemps, ne t'en fais pas, tenta-t-elle de me rassurer en s'emparant de la télécommande.
Je n'avais jamais été très intéressé par les programmes culinaires, mais bon. J'avais l'habitude de les regarder avec mon père. Je ne comprenais pas cette passion pour la cuisine. D'abord, il fallait faire les courses. Ce n'était pas la meilleure activité du monde. Ensuite, il fallait préparer les aliments : les laver, les éplucher, les faire mariner, et sûrement d'autres choses. C'était long. Et après, il fallait les cuire et attendre... encore attendre. Et cette émission me donnait faim maintenant !
VOUS LISEZ
Le loup et la colombe - Paul Lahote
FanfictionLorsque Paul croisa le regard de Rachel sur la plage, il ne s'attendit pas à ce que sa vie bascule à nouveau. Son imprégnation va même aller jusqu'à rouvrir de vieilles blessures qu'il pensait pourtant avoir enterrées à jamais. Paul ne devra pas seu...