Chapitre 4

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La salle d'armes dans laquelle je m'entraîne depuis quelques minutes est glaciale, toute en pierres, elle possède de nombreuses anciennes armes légendaires ainsi que des têtes de monstres accrochées au mur, ce qui contribue à renforcer l'austérité de cette immense pièce.

J'ai sorti mes poignards courts, en plus de mon épée, et m'entraîne à les lancer sur une cible. J'ai beau m'activer, mon souffle est court et je frissonne, le froid est vraiment pénétrant ce soir et je ne suis certainement pas assez couverte. J'aurai du mettre mon manteau de fourrure. Au lieu de cela, je porte seulement un pantalon et une chemise en lin noirs, flanqués de bottes de cuir hautes, m'arrivant jusqu'aux cuisses. Je range mes poignards et commence à répéter des mouvements avec mon épée dans les airs, quand Geralt entre dans la pièce. Au début, je l'ignore et continue mon exercice, mais celui-ci vient s'asseoir sur un banc, juste en face de moi et se met à m'observer sans aucune pudeur. J'ai toujours l'impression que son regard posé sur moi me transperce, alors je m'arrête et lance, quelque peu piquée :

« ça va, tu es satisfait ? »

- Pas vraiment, répond t'il froidement en se levant. Tes mouvements sont trop rapides, tu ne prends pas assez le temps d'aller au bout de ton geste. On dirait que tu résistes à ton épée  au lieu de faire corps avec elle... commente t'il en s'avançant vers moi. Je sens alors la colère monter dans mes veines.

- Quand on est au combat, on n'a pas le temps de répéter une chorégraphie, on se bat, on survit ou on meurt. C'est tout. Répliquai-je d'une voix dure.

- Je te dis ce que j'observe, c'est tout, répondit Geralt.

- Je ne t'ai pas demandé de conseils.

- Je peux tout de même t'en donner, répliqua t'il posément. Son calme m'énervait, alors que moi, je bouillonnais de l'intérieur.

- On n'est pas là pour parler il me semble, à moins que tu cherches à éviter le combat ? lançais-je sur le ton du défi. Geralt esquissa un léger sourire avant de s'écarter pour prendre son épée.

- C'est vrai, dit-il, on n'est pas obligés de parler. A ces mots, il brandit son épée devant lui. Prête pour ton entraînement alors ?

- Et toi, prêt à recevoir mes bonnes manières ? répondis-je en me mettant en position au milieu du terrain. Allé, je t'attends !

- Je vais essayer de ne pas te blesser, c'est promis, conclut-il.

- Je n'ai pas besoin d'un chevalier servant, merci, mais d'un compagnon d'entraînement. Tu peux faire ça ? » ajoutais-je malicieusement.

Sans me répondre, Geralt fondit sur moi en tentant de m'assener un coup sur la tête. Surprise, j'esquiva son coup à la dernière minute, puis je me remis en position de défense. Geralt enchaînai les attaques, tantôt sur les côtés, tantôt au niveau de mes jambes, mais je les parais toutes, assez facilement. Il avait une grande force, certes, mais j'étais très rapide et aussi très agile, son corps massif avait plus de mal à me suivre. 

Au bout de quelques minutes, je le vis souffler, son regard sur moi avait changé, il ne comprenait certainement pas comment je pouvais lui résister autant, ce qui me faisait plaisir dans le fond. Il m'avait sous-estimé, comme tant d'autres, et j'allais lui faire regretter son arrogance. « on dirait que c'est plutôt toi qui a du mal à me toucher, non ? » lançais-je pour le piquer dans son ego. Geralt sourit et secoua la tête, avant de relancer une attaque, cette fois en utilisant la magie. C'était peine perdue pour lui, j'étais sorceleuse comme lui, mais aussi à moitié magicienne, mon armure magique était plus résistante que la sienne, aussi je ne ressentis rien quand il me jeta des éclairs. Geralt s'arrêta quelques secondes, et fronça les sourcils, je sentais qu'il cherchait à comprendre ce qui n'allait pas chez moi, ou plutôt, ce qui allait trop bien. « la magie des sorceleurs n'a guère d'effet sur moi, je suis à moitié mage je te rappelle » me sentis-je obligée de lui expliquer entre deux coups. Geralt sourit un peu plus franchement cette fois, « merci pour l'info, on va revenir aux bonnes vielles méthodes alors » murmura t'il en s'approchant de moi, le regard noir. « qui consistent en quoi exactement ? te ridiculiser devant une femme ? parce que ça, c'est déjà fait ! » lançai-je tout en lui donnant un léger coup d'épée sur le postérieur, comme une ultime provocation. Geralt ne réagit pas alors que je souriais à pleines dents en pensant à ma victoire proche. Finalement, cela n'avait pas été si dur, pensais-je. « Non, en faisant croire à l'ennemi qu'il est plus fort que nous », répondit Geralt en se baissant par surprise et en m'envoyant un coup de pied circulaire qui me fit tomber à terre. Je lâcha mon épée qui alla se fracasser quelques mètres plus loin, me laissant seule au sol et désarmée. 

Geralt bondit ensuite sur moi en quelques secondes, et avant que je n'ai le temps de me relever, il me plaque au sol de toutes ses forces. Ma tête frappe la pierre une seconde fois et j'étouffe un cri de douleur. Je rouvre les yeux et me retrouve nez à nez avec Geralt, assis à califourchon sur moi, son corps faisant pression sur le mien, nos visages n'étant plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Je le regarde quelques instants, bouche bée, et demeure muette. Geralt esquisse un sourire de satisfaction et me lance : « leçon n°1, la meilleure façon de battre un ennemi, c'est de lui faire croire que c'est lui qui a le pouvoir et la force, il baisse sa garde, et... » Geralt me montre son poignard sous ma gorge. Je souris à mon tour, car je n'ai pas dit mon dernier mot.    « leçon n°2, ne jamais crier victoire trop vite, on peut vaincre l'ennemi au moment où il s'y attend le moins... » je baisse les yeux vers ma main gauche, tenant un poignard tourné vers le flanc gauche de Geralt. Le sorceleur baisse le regard et sourit légèrement : « on dirait bien qu'on est morts tous les deux... » commente t'il en relevant ses yeux dorés vers moi. Mon cœur manque alors un battement et je demeure encore une fois muette, face à ses yeux qui me transpercent. Nous nous regardons ainsi, les yeux dans les yeux, dans un silence parfait, pendant quelques secondes, qui me semblent durer une éternité. Je sens le corps chaud de Geralt contre le mien, et étrangement, je trouve cette sensation très agréable. Oubliés le sol glacé contre mon dos, la température en négatif de la pièce et mon mal de crâne, je ne ressens plus qu'un feu ardent dans mon bas ventre qui ne demande qu'à exploser contre Geralt. J'entrouvre les lèvres pour dire quelque chose, mais aucun son ne sort de ma bouche. J'observe alors Geralt froncer les sourcils, son regard allant de mes yeux à ma bouche, et de nouveau de ma bouche à mes yeux. Il semble hésiter, comme moi. Alors, sans trop savoir pourquoi, j'attrape son visage de ma main droite et le rapproche un peu plus du mien, mes lèvres effleurent les siennes mais je n'ose faire le dernier pas, celui qui scellera nos lèvres définitivement. Geralt me regarde longuement, je sens son souffle se mélanger avec le mien, je n'ai jamais ressenti de sensation aussi délicieuse et effrayante à la fois. Soudain, on entend un bruit de porte claquer derrière nous. Je sursaute et Geralt s'écarte aussitôt de moi. J'entends alors la voix d'Eskel s'adresser à nous :

« et bien, et bien, je vois qu'on n'a pas perdu de temps par ici... lance Eskel en s'approchant de nous. Geralt se relève sans un regard pour moi, il semble de nouveau m'ignorer.

- On s'entraînait.

- Allongés l'un sur l'autre ? relève Eskel d'un air narquois. Remarque, on peut aussi appeler ça de l'entraînement... ajoute t'il l'œil mauvais. Le regard de pervers qu'Eskel m'adresse à ce moment là me met dans une rage sans nom. Je vais pour m'avancer vers lui, ma main gauche tenant toujours mon poignard, quand Geralt fait un pas devant moi. Il semble avoir deviné mes pensées et ne semble pas être d'accord avec celles-ci.

- On s'entraînait, répète Geralt plus durement ; et il n'y a rien à dire de plus Eskel. Eskel soutient le regard de Geralt quelques instants avant de se tourner vers moi.

- Vesemir m'a demandé de veiller à ce que tu ne manques de rien. Mais je vois que quelqu'un d'autre s'en est déjà chargé. Bonne nuit". Eskel me lance un regard déçu et s'en va, sans demander son reste. 

Un nouveau silence gênant s'installe entre Geralt et moi. Alors que je me tourne enfin vers lui pour dire quelque chose, le sorceleur me devance : "L'entraînement est terminé, retourne te coucher ». Puis il part à son tour, sans m'adresser un regard. 

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