Comment faire confiance à ces gens d'en bas ? On ne sait jamais de quel côté ils vont surgir ni comment ils vont nous surprendre. Ils vivent de trafics et de malhonnêteté, ils ne connaissent que la manière forte. C'est l'anarchie chez eux. Ce n'est pas pour rien que nos cités sont si éloignées l'une de l'autre. Voilà ce que je pensais en marchant dans ce couloir au rythme des coups sourds qui résonnaient dans l'édifice. Des animaux en cage, ce sont les mots qu'emploient les miens pour les désigner.
Et pourtant, quand j'ai croisé ses yeux pour la première fois à travers ces barreaux, j'ai su que je m'étais trompé. Un éclat dans ses prunelles bleues m'a fait me dire qu'elle faisait exception à ça.
De retour chez elle, elle semblait revivre. Je ne la lâchais pas d'une semelle tandis qu'on déambulait dans les rues des bas-fonds. Impossible de faire taire ma nervosité dans un tel endroit, heureusement, elle savait où aller.
Je savais d'avance que ses méthodes n'allaient pas me plaire, et j'ai naïvement cru que j'allais pouvoir garder le contrôle. Une certaine proximité nous rapprochait déjà, en particulier quand sa main est venue se plaquer contre le mur juste à côté de moi et que son regard espiègle s'est fondu dans le mien. Le cœur battant, le souffle court, je suis restée figée sans pouvoir répondre. Je me sentais si proche d'elle tout à coup, bien que nous venions seulement de nous rencontrer.
Par la suite, j'ai commencé à comprendre comment elle était. J'ai voulu veiller sur elle, la protéger moi qui n'avais jamais eu l'occasion de ressentir ça pour quelqu'un. Mais on ne se défait pas de notre nature si facilement, et la sienne, sans être hostile, demeurait méfiante à mon égard. Je supposais que c'était normal. Elle avait raison, je ne savais rien d'elle, ni de son passé. Malgré ça, je souhaitais lui apporter toute l'aide dont j'étais capable. La voir ainsi presque mourante m'a fait réaliser à quel point je tenais à elle, étrangement. Je savais bien qu'elle était le genre de personne qu'il faille apprivoiser, que la confiance n'était pas chose aisée à acquérir pour quelqu'un comme elle. Mais j'avais également raison de penser que sa nonchalance apparente n'était qu'une façade, et que derrière celle-ci se dissimulait un cœur bon, marqué à jamais par les évènements.
Plus tard, sur le pont, les mots sont restés coincés dans ma gorge au moment des adieux. Elle avait quelque chose à accomplir, un passé à conjurer, et je ne pouvais me mettre en travers de sa route. Alors j'ai savouré son contact une dernière fois, l'émotion me serrant la gorge à l'idée de ne plus la revoir. Sa main replaçant la mèche sur ma joue aurait tout aussi bien pu y essuyer une larme, mais le temps était compté. La mort dans l'âme, j'ai vu sa silhouette disparaître dans la brume, puis, j'ai tourné les talons. Et le piège s'est refermé.
L'explosion a à peine ébranler la construction, mais toutes les personnes qui s'y trouvaient ont péri. Je ne saurais dire par quel miracle je suis restée en vie. Secouée, incapable de bouger ma jambe meurtrie, j'ai d'abord cru à une hallucination en voyant cette silhouette accourir. J'avais donc bien entendu qu'on criait mon nom...
Elle s'est jetée auprès de moi et j'ai su que rien ne pourrait plus nous séparer, désormais. J'avais conscience de son sacrifice, et l'ironie a voulu que ce soit à son tour de m'aider à me relever. Nous avons marché, lentement, jusqu'à arriver chez moi au petit matin. Le calme était revenu. Je n'avais pas eu la force de lui dire que je vivais ici. Ma mère surgissant avec un fusil braqué sur nous avait dû suffire à le lui faire comprendre. J'ai détesté son regard, au moment où elle l'a posé sur ma compagne. Je me suis alors rendu compte que c'est de cette manière qu'ont toujours été traité les gens "d'en bas" par ceux "d'en haut". En tout cas, ma seule hâte était d'en avoir terminé et de la rejoindre.
Je referme enfin la porte derrière moi. Elle est toujours là, elle m'attend, allongée sur le lit. Je vais m'asseoir près d'elle. Cela me fait quelque chose de la voir ici, je suis à la fois contente qu'elle se trouve auprès de moi, et un peu gênée par l'accueil qu'on lui a réservé. Je me dis qu'elle doit avoir l'habitude, mais cela ne fait qu'accentuer ma rancœur.
Une affection mutuelle et tacite s'installe sous la forme d'un silence complice. Elle commence à me parler de son enfance, me raconte un épisode de son passé. Je ne pensais pas qu'elle pourrait se confier ainsi, alors je l'ai simplement écouté avec attention.
Je ressens toute sa peine, toute sa tristesse. J'aime le fait qu'elle s'ouvre à moi, qu'elle m'accepte comme une alliée, peut-être la seule qu'elle ai à présent. J'aimerai l'aider, mais à moins de revenir en arrière cela est impossible.
Je tends ma main vers elle, caresse doucement sa joue. Elle saisit mes doigts avec force, comme si elle se raccrochait désespérément à cet unique point de repère. Elle est magnifique, et elle dégage une telle force. Je l'admire beaucoup, j'aimerai d'avantage lui ressembler, parfois. Tout ce que j'ai pu apprendre sur elle et sur l'endroit d'où elle vient m'a fait réaliser bien des choses. Ces gens des bas-fonds, ils sont bien plus humains que n'importe qui d'autre, bien plus que nous autres. Les gens "d'en haut" n'ont pas le même rapport aux valeurs, ils ne sont pas aussi intenses dans leur manière de voir la vie. Leur monde est bien plus vaste, et pourtant ils sont bien plus vides. En bas, on se soucis des choses réelles. On accorde une importance particulière aux liens, aux relations, aux rapports avec autrui. On ne fait pas tant de manières, on ne passe pas son temps à se soucier du paraître et à conjecturer dans des banquets interminables. C'est eux qui ont raison, au final.
Je la regarde d'un œil nouveau, moi qui ai mis du temps à voir l'âme sensible derrière sa carapace. Elle m'attire, depuis ce jour où son visage s'est retrouvé à quelques centimètres du mien, depuis que ma bouche s'est retrouvée juste en face de la sienne. Elle tourne les yeux vers moi, et je continue de l'observer, le cœur battant de plus en plus. Il y a quelque chose que j'aimerai faire, mais sans parvenir à en prendre l'initiative. La peur, la crainte me fait hésiter, même si une voix dans ma tête m'ordonne de le faire.
Dès lors que ma décision est prise, je commence à me pencher en avant.. Et rencontre ses lèvres bien plus vite que je ne m'y attendais. Elle a pris les devants, et je ferme les yeux à son contact. Je me laisse aller en arrière, la laisse m'embrasser langoureusement sans savoir que ce sentiment pouvait exister. Je pose une main sur sa joue, trouve l'entrée de son haut et passe l'autre dans son dos. Je sens ses muscles s'activer, caresse sa peau, tout en détaillant chaque trait de son visage. J'espère lui rendre avec justesse tout ce que je ressens pour elle, jusqu'à ce qu'elle ouvre les yeux à son tour et les plonge dans les miens.
On se ressemble finalement beaucoup, elle et moi.
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FanfictionArcane Fanfiction - Vi x Caitlyn Fanfiction basée sur l'univers de la série Arcane. Histoire alternative dans laquelle Vi et Caitlyn sont liées d'une relation unique et passionnelle.