- Acte II : Vi -

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Sa main est si lisse, ses gestes si doux. Je la sens passer de ma joue à mon cou, explorer mon dos sous mon t-shirt. Elle est tiède, calme et bienveillante. Tant de qualités que je n'ai jamais vu réunies chez une seule personne. J'avais oublié ce que c'était, la douceur, l'affection. Depuis la prison, les seuls contacts humains que j'ai pu avoir était plutôt rudes. Il n'y avait que des hommes là-bas, des brutes assoiffées de sang qui cherchaient la bagarre en permanence. C'était comme ça aussi, quand j'étais gosse. Dans les rues, les bordels, les bars, la violence est partout. Elle est là depuis toujours, omniprésente, et elle ne cesse jamais. Jamais.. Quand je repense à tout ce qu'elle a engendré, ou plutôt à ce que la haine a engendré.. Je ne regrette pas d'avoir utilisé la force à de nombreuses reprises, et je ne dis pas qu'il faut effacer ce qui fait partie de nous, qu'on le veuille ou non. La paix dans le monde, c'est qu'une utopie. Simplement, à force, j'avais oublié qu'elle pouvait exister. 

Le souffle de Caitlyn se mêle au mien. Elle se redresse juste assez pour aller cueillir mes lèvres une nouvelle fois. Je cherche sa hanche, soudain attirée par ses formes fines et délicates. J'aurai presque eu peur de la briser si je n'avais pas déjà vu de quoi elle est capable. Sous ses airs de noble un peu hautaine se cache une vraie lionne, quelqu'un de valeur avec énormément d'empathie. J'en doutais jusqu'à il y a peu, mais son discours m'a prouvé à quel point elle était différente des autres. Elle, elle tient réellement à changer les choses et à agir pour le bien d'une communauté. Je l'ai sans doute jugé trop vite. Finalement, je ne connais pas grand-chose d'elle, à part peut-être son obsession et son entêtement. Et peut-être aussi... 

J'ai d'abord pris ça pour un jeu, la pousser dans ses retranchements pour voir sa réaction. Ces gens "d'en haut", un rien les impressionne. Mais je ne pensais pas qu'elle prendrait ma question au pied de la lettre. Elle avait l'air à l'aise dans cette loge, à écouter les histoires de cette femme en plein flirt. J'ai trouvé ça... drôle, et touchant à la fois. Plus tard, j'ai bien dû admettre qu'elle savait s'occuper des gens, et faire preuve d'une grande initiative. Oui, en fait, elle n'a pas cessé de me surprendre. Et c'est une des choses qui me plaît le plus chez elle. 

Marquant une courte pause, je replace sa mèche derrière son oreille. Je ne me lasse pas d'effleurer ainsi son visage, et en même temps je n'ose pas brusquer quoique ce soit. Ou peut-être que je ne sais pas moi-même, comment assouvir ce désir qui monte en moi. Je me perd dans ses yeux, elle me regarde aussi. Un sourire étire ses lèvres, ma respiration s'accélère soudain, je sens mon cœur battre dans ma poitrine comme lors de ma dernière course poursuite. Elle saisit ma main pour la poser entièrement sur sa joue, puis se redresse et me pousse pour échanger  nos positions. Je la laisse faire volontiers. Allongée sur le dos, je peux la contempler prendre place au-dessus de moi, retirer sa veste, dégrafer le haut de sa chemise. Une main sur ma cuisse, l'autre qui écarte mon poignet de la même manière que je l'ai fais plus tôt, elle marque un temps de pause par un baiser plus long, plus intense. La chaleur monte, j'ai l'impression de m'évaporer dans une autre dimension. Je frissonne au contact sur ma jambe qui remonte jusqu'à mon bassin en faisant quelques détours osés. J'aime la manière dont elle fait monter l'attente. Mon corps obéit à des réflexes que je ne contrôle plus dès lors qu'elle s'approche de certaines zones. J'aime ce qui émane d'elle, sentir le poids de son corps contre le mien. Fébrile, je glisse une main timide sous son vêtement. Elle l'a saisit et me guide jusqu'à sa hanche, dont je peux enfin apprécier la forme. Comme je n'ose pas aller plus loin, elle la fait descendre un peu plus bas, et je comprend que rien au monde ne pourrait me procurer une telle sensation à nouveau. Je décide de me lancer et passe une seconde main sous ses vêtements, tandis qu'elle continue d'emprisonner mes lèvres par intervalles réguliers. Quand elle pose les yeux sur moi, je vois une sorte de fierté dans son regard. Cette expression, ça fait des années que je ne l'ai pas vu. Que quelqu'un ai une telle attention pour moi.. Des images me reviennent en flashs rapides, je revois des visages, des noms, des sourires. Puis aussitôt après, les mêmes personnes aux portes de la mort, déjà partis loin, le regard vide, et ensanglanté. L'émotion me prend soudain à la gorge, et une larme s'échappe malgré moi. Je la sens rouler dans mes cheveux, suivie d'une deuxième. Celle-là se fait intercepter, et je lève les yeux. 

Avec son expression de peine presque maternelle, je m'en veux un peu de craquer à ce moment-là. Mais sa tristesse est sincère, et elle a alors les mêmes gestes que ce jour-là, il n'y a pas si longtemps, quand elle m'a sauvé la vie pour la seconde fois. J'avais eu la même impression, celle d'être hors du temps pendant un instant et de n'avoir plus qu'elle. Et c'était vrai, je n'avais plus qu'elle, ou presque. J'inspire en fermant les yeux. Je m'en rend à peine compte que j'ai déjà retiré ma propre veste, faisant taire la pudeur et la gêne stupide à l'égard de mon propre corps. On ne peut pas dire que je sois du genre à... m'exhiber. J'ai toujours appris à en montrer le moins possible, car c'est symboliquement un signe de vulnérabilité. Me défaire ainsi de ma carapace, c'est quelque chose de nouveau pour moi. 

Quand sa respiration effleure ma peau, je frissonne de plaisir et de réserve à la fois. Je ne pensais pas que c'était si difficile de... faire entièrement confiance à quelqu'un de cette manière. Je la laisse explorer ce qu'elle désire, caresser mes bras, mon torse, sans pour autant aller trop vite et j'apprécie beaucoup sa prévenance. Elle frôle ma peau, à plusieurs reprises jusqu'à complètement entrer en contact avec. Elle passe sa main sur mon ventre, remonte vers mon flanc, puis un peu plus haut. Je lui laisse carte blanche pour faire à sa guise, cédant à mon propre besoin de chaleur humaine. À un moment, elle se penche sur moi et m'embrasse dans le cou, à plusieurs reprises du bout des lèvres. Mon souffle se fait de plus en plus saccadé, je respire plus fort, je ne veux pas qu'elle s'arrête. Je passe ma main dans ses cheveux pour retirer le lien qui les maintiens attachés. Je préfère quand ses mèches s'ébattent librement sur ses épaules. Elle m'offre un petit sourire auquel je réponds, puis je sens une sensation nouvelle quand son bassin commence à se frotter au mien. Qui n'a jamais exploré son propre désir pour apprendre à se connaître ? Mais cette fois, c'est d'un tout autre niveau. Les mouvements s'intensifient, réguliers, mais en même temps un peu hasardeux. Un bonheur sans nom monte en moi pour la première fois depuis longtemps, et je souris à ma compagne qui, sans un mot, a su quoi faire pour moi. 


What could've been...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant